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Parlementaire au chômage : "un job où vous êtes plus payé quand vous êtes viré que lorsque vous travaillez"
©Reuters

Bonnes feuilles

Nous arrivons à une période charnière de la vie politique française. A quelques mois de plusieurs élections cruciales, l'auteur donne de nouvelles informations, preuves à l'appui, sur les méthodes, les avantages et les privilèges que s'octroient une grosse minorité de politiciens et leurs façons de gérer les élections. (Extrait de "Allez (presque tous) vous faire... Pilleurs d'Etat - tome 2" de Philippe Pascot, publié aux éditions Max Milo 2/2)

Philippe Pascot

Philippe Pascot

Adjoint au maire d’Évry Manuel Valls, ancien conseiller régional, chevalier des Arts et des Lettres, Philippe Pascot milite pour une réelle transparence de l’exercice politique.
Il est l’auteur avec Graziella Riou Harchaoui de Délits d’élus, tome 1 : 400 politiques aux prises avec la justice (Max Milo, 2014) et de Pilleurs d'Etat (Max Milo, 2015).

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Même au chômage, ils se gavent avec 150 % du montant de leur indemnité.

Allocation chômage exceptionnelle pour sénateurs « débarqués »

Vous connaissez un job où vous êtes plus payé quand vous êtes viré que lorsque vous travaillez ? Moi j’en connais un. C’est celui de député ou de sénateur au chômage. Depuis quelque temps déjà, je trouvais bizarre que les suppléants devenus sénateurs ou députés à la place du titulaire (le temps que celui-ci fasse son petit tour dans le gouvernement en place) ne râlent pas d’être évincés du jour au lendemain. Je me souviens encore du temps béni et amusant où un suppléant député ou sénateur refusait de démissionner pour rendre à son titulaire une place qu’il était censé lui garder au chaud. Pour remédier à cet avatar, une loi a permis au ministre viré à l’occasion d‘un remaniement de retrouver automatiquement sa place sur les bancs de l’Assemblée ou du Sénat. Nous allons voir comment, pas plus tard que tout de suite que la soupe, une fois de plus, est vraiment bonne.
Depuis 1982, une prestation spécifique peut être versée, l’AARE (Allocation d’aide au retour à l’emploi) : un député peut toucher son indemnité chômage pendant trois ans. L’allocation est dégressive : équivalente à 100 % de l’indemnité parlementaire les six premiers mois (soit 5 514 euros), elle passe à 70 % au deuxième semestre, à 50 % au troisième, à 40 % au quatrième, à 30 % au cinquième, enfin à 20 % pendant les six derniers mois (soit 1 102 euros).

Un parlementaire cotise moins pour toucher plus

Prenons un salarié et un élu avec le même salaire sur une période identique de cinq ans :
La cotisation globale du salarié et patronale sera de 409,73 €/mois (6,4 %). Ce qui nous donne pour cinq ans le versement de 24 583,80 euros de cotisation.
Le salarié commencera à se rembourser son assurance après 230 jours de chômage pour deux ans d’attribution.
La cotisation chômage d’un parlementaire est de 27,57 €/mois (0,45 %).
Ce qui donne pour cinq ans le versement de 1 654,20 euros de cotisation.
Le parlementaire rentre donc dans ses frais au bout d’une dizaine de jours.
Trois ans de chômage pour un élu, deux ans pour un salarié du régime général
Là aussi, on ne comprend pas pourquoi un élu devrait toucher plus longtemps une indemnisation chômage, d’autant plus qu’il est évident qu’un parlementaire a plus de facilité pour retrouver un emploi, au vu de son carnet d’adresses, qu’un simple salarié d’usine.
En tant qu’élu, même si tu démissionnes tu touches !
C’est une des petites faveurs que se sont octroyés les élus. Dans le privé, si tu démissionnes, par choix ou obligation, tu n’as droit à rien. Ni allocation chômage, ni stage de formation, ni aide quelconque. Il ne te reste que tes yeux pour pleurer. Un parlementaire qui décide de lui-même de ne pas se représenter, ce qui est assimilable à une démission, a droit aux mêmes prestations que l’élu battu à l’élection.

Les sénateurs se gavent sans doute même plus encore 

Si nous savons à peu près quelles sont les modalités en ce qui concerne les députés, on ne peut pas en dire autant pour le Sénat, qui entretient une opacité que l’on pourrait prendre, si j’étais suspicieux, pour une dissimulation volontaire. On a par exemple le cas de trois suppléants, obligés de quitter leur poste de sénateur sur-le-champ, pour cause de retour de ministres déchus. C’était sous le gouvernement dont le Premier ministre s’appelait François Fillon. Curieusement, il semblerait que le Sénat ait été très généreux en mettant en place pour ces trois ex-sénateurs « un versement d’allocation chômage de 150 % du “salaire” de sénateur les trois premiers semestres, puis 100 % au quatrième, 70 % au cinquième, 50 % au sixième et dernier semestre ». 
C’est bizarre, mais le fait n’a jamais été infirmé par le Sénat. 

Dernier détail d’équité devant le chômage 

Il paraît que l’on contrôle la recherche d’emploi d’un parlementaire pour continuer à lui verser son allocation chômage.
Aujourd’hui, personne n’a entendu parler d’un quelconque contrôle. On suppose d’ailleurs que l’ex-élu qui serait contrôlé le prendrait très mal.
En revanche, cela devrait beaucoup amuser les chômeurs d’en bas qui depuis plusieurs années sont montrés du doigt, contrôlés et radiés à la moindre non-réponse à un mail au ton comminatoire qu’ils n’ont la plupart du temps pas reçu ou ouvert à temps. 

Autres élus chômeurs, autres gavages 

Bien que nos sénateurs ne s’oublient pas, même au chômage, il existe d’autres méthodes pour qu’ils conservent un train de vie confortable. 
La petite astuce légale se passe à Saint-Brieuc en Côtes-d’Armor.
Depuis l’obligation de se regrouper en intercommunalité élargie, la nouvelle entité Saint-Brieuc Agglomération Baie d’Armor regroupe maintenant quatre communautés de communes. Les treize communes qui la composaient sont passées à trente-deux au 1er janvier 2016.
Mais dans le même temps, de 140 conseillers on passe d’un seul coup à 80 seulement :
Ce qui ne fait pas du tout l’affaire de certains élus qui voient leur « indemnité » disparaître du jour au lendemain dans la fusion de communes.

Ils trouvent toujours une astuce

Qu’à cela ne tienne, Bruno Joncour, le maire de Saint-Brieuc et président de la nouvelle Agglomération, décide de créer douze postes de conseillers communautaires délégués qui vont siéger à côté, tout près, juste derrière les quinze vice-présidents de cette nouvelle Agglo.
Le plus sérieusement du monde, Bruno Joncour s’étalera dans la presse en stipulant qu’il fallait calmer les frustrations des élus débarqués. Il rajoutera : « … qu’ils seront associés à l’organe exécutif et rémunérés parfois pour un montant supérieur à ce qu’ils touchaient précédemment dans leur EPCI – Établissement public de coopération intercommunale – respectif. ». Pour ce brave maire-président, il faut comprendre que c’est difficile la perte de rémunération pour tous ces élus écartés. Il fallait bien qu’il trouve une solution.
On pourrait presque les comprendre ces pauvres élus. Ils prennent vite l’habitude de toucher un petit pécule (indemnité), qui, pour certains, représente quasiment un petit complément à ce qu’ils considèrent comme un CDI qu’ils ne peuvent pas perdre. 
Alors, on s’arrange avec la loi et on nomme des conseillers communautaires délégués !

Ce serait bien si tous les salariés licenciés d’une entreprise pouvaient être nommés dans la foulée « salariés délégués » avec la même garantie de salaire, juste le temps de voir venir.

Pour info

Entre novembre et décembre 2015, 229 arrêtés préfectoraux portant création d’une commune nouvelle ont été publiés au Journal officiel. En 2016, 162 communes nouvelles ont été officiellement créées selon le web journal  Maire-info du 4 janvier 2017.
La création de communes nouvelles a été prévue par la loi du 16 décembre 2010 de réforme territoriale afin de permettre une fusion plus simple des communes et de mieux lutter contre l’émiettement communal.
Ah, oui ? Ca y est, j’ai compris. Certains présidents des communes nouvelles luttent contre l’émiettement des indemnités… de ceux qui les élisent.

Pour rappel 


La fonction d’élu est bénévole comme l’a rappelé par écrit le ministère de l’Intérieur (publiée dans le JO Sénat du 07/04/2016 – page 1438) dans une réponse à une question écrite de M. Jean-Jacques LASSERRE (sénateur des Pyrénées-Atlantiques) à propos de la rémunération des conseillers communautaires délégués (n° 16218, publiée dans le JO Sénat du 14/05/2015 – page 1123).
Autres petits gavages entres élus

ESTROSI Christian (Alpes-Maritimes – 06)

Ancien maire de Nice, ancien député, premier adjoint au maire de Nice, président de la métropole Nice-Côte d’Azur et président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur.

Il se fait voter et réserver 27 000 euros de resto par an

Publiée sur le site Internet du Conseil régional, la « délégation d’attributions au président du conseil régional », prévoit un budget prévisionnel dans les dix établissements du « référentiel de restaurants pour l’année 2016 à destination des élus et leurs invités à l’occasion de repas d’intérêt régional ». Quatre à Marseille, trois autres à Nice (dont le restaurant d’application du lycée hôtelier Paul-Augier), un à Gap, un à Digne-les-Bains et un dernier à Paris. 
Bien entendu, il n’y a que des restaurants gastronomiques comme celui du Vieux-Port où la bouillabaisse est à 63 euros (info du Canard enchaîné).
Délicat, il a aussi alloué 2 000 euros au restaurant juste derrière l’Assemblée nationale. 
Sans doute au cas où une des cantines de l’Assemblée nationale ne serait pas ouverte.

Pourtant, au cours d’une allocution de début d’année, le 18 janvier 2016 exactement, Christian Estrosi a martelé en public que l’on devait rogner sur des dépenses indispensables dans le cadre d’économies à la région, notamment celles occasionnées par les banquets. Il réitère quelques temps plus tard ses déclarations sur une télé nationale, il avait même ajouté en fin d’interview que « tout ce que nous pouvons gratter aujourd’hui est important ». Sauf pour ses notes de frais de bouche, apparemment.

Source

« Région Paca : la note des frais de bouche de Christian Estrosi trop salée ? » – 28.09.2016 –20 Minutes.
« Les bonnes tables provençales d’Estrosi » – le 30 septembre 2016 - werdna01 – Résistance Inventerre.
« Les bonnes tables provençales d’Estrosi » – Le Canard enchaîné – 28 septembre 2016.
LANG Jack (Paris – 75)
Ex-ministre(s), ex-conseiller de Paris, ex-député de Loir-et-Cher, du Pas-de-Calais, président de l’Institut du monde arabe

Il s’arroge, dans un marché public, la possibilité de 1 000 repas à l’œil !

Nommé, par le fait du prince, président rémunéré (10 000 euros par mois) de l’Institut du monde arabe en 2013, Jack Lang ne semblait pas aimer les repas libanais mitonnés par l’établissement ayant un contrat avec l’Institut. Il préfère les repas marocains. Après plusieurs péripéties judiciaires entre l’ex-ministre et le restaurateur, ce dernier attaque à cause (entre autres) d’une ardoise de repas impayés. Il y en avait pour 41 000 euros en deux mois pour soixante-quatorze repas pris par Jack Lang et ses invités ou par Mme Lang et ses invités. Pour éviter le scandale d’un procès, l’Institut arabe paiera la note discrètement.  De son côté, Jack Lang reproche la médiocrité des repas libanais servis par le restaurateur. L’Institut lance un appel d’offres (cuisine marocaine) alors même que le bail avec l’ancien restaurateur n’est pas fini. Détail gargantuesque dans l’appel d’offres du marché public, Jack Lang a fait inscrire la fourniture de 1 000 repas pour lui-même et ses invités. Jack Lang invite beaucoup. Repas « imbouffable. » C’est ainsi que Jack Lang qualifiera un repas pris dans un avion d’Air France au cours d’un voyage vers le Maroc justement. Et comme Jack Lang n’est pas n’importe qui, il écrira au P-DG d’Air France pour se plaindre. On ne sert décidément pas n’importe quoi à manger à M. Lang. Il est très pointilleux côté bouffe !

Déficit chronique

Par contre, notre ami le grand et beau Jack devait redresser les comptes de l’IMA (Institut du monde arabe), c’est même un des motifs de sa nomination en 2014. Résultat, pour 2015, un déficit comptable de 2,5 millions d’euros et il ne faut sans doute pas s’attendre à mieux pour l’année 2016.
Pas grave, Le budget de fonctionnement de l’Institution est toujours bouclé grâce à une subvention de 12 millions d’euros par an versée par un ministère, donc nos impôts. À noter aussi, malgré le déficit chronique de la structure, l’embauche au cabinet du Président grand Jack d’une multitude d’anciens amis politiques, ainsi que de Mme Lang « herself », certes à titre bénévole mais avec note de frais autorisée.
Le bénévolat d’accord, mais pas sur les notes de frais. Tous les restaurants haut de gamme autour de l’IMA sont d’accord !

Source

- « Le coup de poker de Jack Lang, le président de l’Institut du monde arabe qui veut éjecter le traiteur libanais Noura de ses murs » – 2 novembre 2015 – Atlantico.
- « La réponse du P-DG d’Air France après le plateau-repas «imbouffable» de Jack Lang » – L’Express.fr – 22/01/2014.
- « Jack Lang furieux du plateau-repas «imbouffable» servi par Air France » – le 21 janvier 2014 – Europe 1.

Extrait de "Allez (presque tous) vous faire... Pilleurs d'Etat - tome 2" de Philippe Pascot, publié aux éditions Max Milo

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