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Pour les lecteurs d'info en ligne, la personne qui partage un contenu sur les réseaux sociaux est un critère plus important que la source du contenu elle-même
©Reuters

Réseaux sociaux

Dans le cadre d'une étude récemment réalisée par Media Insight Project, aux Etats-Unis, plus de 1,400 internautes ont été interviewés pour comprendre comment ces personnes plaçaient leur confiance dans les sources d'information sur les réseaux sociaux. Résultat : la quasi-totalité des sondées sont plus sensibles à qui partage l'actualité, plutôt qu'à la source même de l'information. La moitié d'entre eux ont estimé qu'un article était vrai lorsqu'il était partagé par une personnalité qu'ils apprécient, sans remettre en question la véracité des faits qui y étaient présentés.

Nathalie Nadaud-Albertini

Nathalie Nadaud-Albertini

Nathalie Nadaud-Albertini est docteure en sociologie de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS) et et actuellement chercheuse invitée permanente au CREM de l'université de Lorraine.

 

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Sur les réseaux sociaux, les internautes auraient plus tendances à faire confiance à un article s'il a été partagé par une personne dans laquelle ils ont confiances. La source de l'information, c’est-à-dire le média, finalement, apparaît comme moins importante dans leurs appréciations. Comment expliquer cette attitude ?

Nathalie Nadaud-Albertini : Cette attitude s’explique par la nature des réseaux sociaux. Ce sont des sphères qui fonctionnent sur le mode des affinités électives : on suit et on est suivi par des gens avec qui on partage des valeurs communes. Se forment ainsi des communautés virtuelles de pairs au sein desquelles certains membres vont être considérés comme des leaders. Les autres membres vont les voir comme les plus à même d’analyser une situation et les informations afférentes en fonction du bien commun du groupe. Ils leur accorderont ainsi plus de confiance et de crédit qu’aux médias classiques. Car ces derniers leur apparaissent comme "venant du haut", c’est-à-dire qu’ils leur semblent relayer des informations qui potentiellement servent les intérêts des puissants, et pas nécessairement les leur. Comme si elles venaient d’un "eux" lointain, inconnu et potentiellement menaçant, par opposition au "nous" de la communauté, familier, rassurant, réconfortant, dans lequel on se reconnaît. C’est pour cela que les informations émanant de médias classiques sont regardées avec méfiance alors que celles provenant des "leaders" des communautés virtuelles sont investies d’une grande confiance.

En quoi cela peut complexifier le travail de "fact-checking" des médias et des services publiques ? N'y a-t-il pas un risque de voir de plus en plus de fausses informations circuler sur les réseaux sociaux ?

Oui, il y a un risque de voir de plus en plus de fausses informations circuler sur les réseaux parce que c’est le lien affectif avec celui qui relaye un "fait" qui prime tout. On a ainsi une chaîne qui se crée sur le mode du "untel a un bon jugement, donc je fais confiance à ce qu’il dit, donc je le partage à mon tour, ce faisant je lui montre que je l’apprécie en espérant qu’il me gratifiera d’une bonne opinion en retour et que donc je verrai ma crédibilité au sein du groupe de pairs renforcée". De sorte que X partage une information, Y la partage à son tour, puis Z etc. On obtient des cercles concentriques de fausses informations qui se répètent sur les réseaux. A force de les retrouver partout, on a tendance à penser que ces éléments sont vrais, même si à la base ils étaient faux. Un peu comme si la récurrence et la répétition valaient validation.
Cela complexifie le travail  de "fact-checking" parce que les fausses informations peuvent parfois saturer l’espace public, ou du moins y être très présents, de sorte que la véritable information peut apparaître comme étant une voix minoritaire.
D’autant plus si on prend en compte la "pression" qu’exercent les réseaux sociaux sur les médias classiques. Ces derniers ont en effet tendance à reprendre ce qui a beaucoup circulé sur les réseaux, en partie pour montrer qu’ils ne sont pas obsolètes et qu’ils gardent leur capacité à traiter de ce qui intéressent vraiment les gens.
En résumé, ce phénomène pose problème quand il fait peser une sorte de dictature de la majorité, qui fait passer la rumeur pour la vérité et entame la crédibilité et la légitimité de cette dernière en la présentant comme une voix marginale.

Comment faire pour lutter contre ce phénomène ? Faut-il encourager les utilisateurs des réseaux sociaux à développer un meilleur esprit critique vis-à-vis des contenus qu'ils peuvent trouver en ligne ? 

Il me semble qu’il serait souhaitable d’encourager les utilisateurs à considérer les réseaux pour ce qu’ils sont : des plateformes d’échange au sein d’un groupe, souvent bien plus agréables et divertissantes qu’informatives. Autrement dit, il faut rendre à chaque média son rôle : divertir et créer du lien par la "récréation" pour les uns, dont les réseaux sociaux, informer pour les autres (les médias dits "classiques").

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