Ce qu'il faut savoir pour s'y repérer dans les jugements portés par les think tanks sur les programmes des candidats<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Ce qu'il faut savoir pour s'y repérer dans les jugements portés par les think tanks sur les programmes des candidats
©Reuters

​Doigt mouillé

Depuis le début des années 2000, les think tanks se sont largement développés en France, notamment en passant au crible les différents chiffrages des programmes présidentiels des candidats.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

Voir la bio »

Atlantico : Plusieurs Instituts, ou think tanks, comme l'IFRAP, Coe-Rexecode, ou la fondation Concorde ont pu se prononcer sur les programmes économiques des candidats à l'élection présidentielle, sur quelles bases ces appréciations sont-elles articulées ?

Nicolas Goetzmann : Certains think tanks se sont en effet prononcés sur la valeur des programmes des différents candidats à la Présidentielle. Pour le moment, selon les avis fournis, c'est François Fillon qui tire son épingle du jeu dans les résultats produits. Cependant, l'IFRAP, tout comme Coe-Rexecode, et la Fondation Concorde partagent des visions économiques relativement proches, il est donc assez logique de voir une convergence dans leurs jugements. Évidemment, on peut critiquer l'uniformité du résultat, ou faire un procès d'intentions sur leurs motivations, mais il n'y a pas de raison de douter de la sincérité des jugements portés. Parce que finalement, François Fillon, mais également Emmanuel Macron (pour lequel la Fondation Concorde émet des doutes sérieux) , répondent plutôt mieux aux standards habituels de ces think tanks que les autres candidats. Pour eux, la logique de compétitivité, de baisse des charges, de réduction des dépenses publiques est véritablement prioritaire pour relancer la croissance. Ces positions peuvent être défendues, mais il ne s'agit pas non plus d'un courant majoritaire si l'on regarde le débat économique au niveau mondial. Et contrairement à ce qui est dit le plus souvent, les positions développées sont plus proches de l'ordo libéralisme allemand, fait de "compétitivité" et de "rigueur budgétaire" que d'un libéralisme anglo-saxon, qui s'est bien plus caractérisé par la relance monétaire au cours de ces dernières années. Et cette orientation n'est pas cachée, notamment lorsque Coe-Rexecode indique, à propos des baisses de dépenses "Ces effets keynésiens enclencheraient une dynamique de baisse des prix et des salaires, favorable à la compétitivité. La montée en charge continue de nouvelles économies tout au long du quinquennat accroît progressivement l’effet négatif sur l’activité, la demande et l’emploi et renforce l’effet positif sur la compétitivité." En l'espèce, il apparaît que ces différents organismes semblent faire une confiance aveugle à un mécanisme qui peine, c'est le moins que le puisse dire, à faire ses preuves. Parce que cette logique est celle du CICE, qui n'a pas eu les effets escomptés. Mais un renouveau des idées est en train de se produire, ce qui peut se voir par exemple au sein du FMI. Si l'institution émet encore les mêmes avis concernant la France, les économistes qui peuplent la recherche du Fonds sur une ligne différente, et soutiennent notamment les politiques de relance. Depuis la crise, le consensus s'est largement effrité, mais cela ne se voit pas encore beaucoup en France.

Quelle est la crédibilité de telles prévisions ? Les électeurs peuvent ils se baser sur ces recommandations pour juger les différents candidats ?

Si ces organismes émettent des jugements, ils prennent tout de même des précautions sur leurs modèles, parce qu'ils savent que les aléas sont trop nombreux pour pouvoir se fier à un programme. D'autant plus si toute la stratégie économique repose sur la "compétitivité", c’est-à-dire, en creux, à la capacité de faire progresser les exportations françaises, ce qui dépend avant tout du contexte économique mondial. Ainsi, les questions européennes sont largement absentes de ces prévisions, or, la macroéconomie de la zone euro est le principal déterminant de l'avenir économique de la France. Que fera la BCE ? Quelles seront les conséquences sur la croissance du remplacement de Mario Draghi à la tête de l'institution de Francfort en 2019 ? Ces événements auront une influence énorme sur le prochain quinquennat, et il est tout à fait hasardeux de faire des pronostics sur ces points.

Il suffit de se reprendre ce qui a pu être publié en 2012, notamment sur la question du programme économique de François Hollande. Son programme prévoyait un retour de la croissance française à 2-2.5% dès 2015, un déficit 0% pour 2017, et un niveau de dette sur PIB proche de 80% du PIB (il est plus proche 97% à ce jour). Bref, ces prévisions n'ont eu aucune réalité. Mais à l'époque, ce qui intéressait les think tanks, comme toujours, c'étaient les dépenses, le fameux "coût du programme", et l'institut Montaigne, à travers les Echos, faisait savoir que "François Hollande ne peut pas être accusé d'avoir minimisé le coût de son projet. C'est la conclusion à laquelle parvient l'Institut Montaigne, un think tank à tendance libérale". Et Terra Nova a enfoncé le clou en rectifiant même les prévisions de son "concurrent", en soulignant le sérieux du programme de François Hollande. Bref, en s'attardant trop lourdement sur des enjeux mineurs, un décalage se produit par rapport à la macroéconomie.

Sur quelles sources les électeurs peuvent ils se baser pour anticiper les résultats économiques de ces prochaines années ?

Si l'on prend les données produites par la Commission européenne, on se rend compte que le potentiel de croissance de la France est évalué à 1.8%. Ce qui signifie que si la BCE fait son travail, la France doit pouvoir compter sur ces 1.8%, ce qui n'a pas été le cas lors de ces dernières années. Mais il ne faut pas oublier que les programmes économiques n'ont que très peu d'impact sur le potentiel économique du pays, les effets sont très marginaux. La seule marge de manœuvre, pour un gouvernement qui n'a pas d'emprise sur le pouvoir monétaire, c'est le pouvoir budgétaire. Or, les contraintes de Maastricht rendent cet outil également hors de portée. En fin de compte, et encore une fois, la croissance française pourrait être de 1.8% au cours des prochaines années, si et seulement si, la BCE fait son travail. Et les candidats n'auront qu'un impact mineur sur ce point. A moins de faire dévier la trajectoire budgétaire largement hors des critères de Maastricht, à moins de sonner la révolte au conseil européen sur la question de la politique monétaire. Le reste, finalement, ce sont des discussions polies, parce qu'elles ne produisent pas d'effets mesurables sur la croissance. 

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !