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Crise du logement à Paris : les recettes miracles des candidats ignorent les origines du problème
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L'oeuf et la poule

L'arrivée de la problématique logement dans la campagne n'est pas une surprise. Les candidats proposent chacun leur solution pour régler un problème dont les racines sont historiques. Mauvaise politique d'aménagement du territoire, évolution des réalités sociales et migratoires, autant de maux qui restent peu évoqués dans le débat.

Roland Hureaux

Roland Hureaux

Roland Hureaux a été universitaire, diplomate, membre de plusieurs cabinets ministériels (dont celui de Philippe Séguin), élu local, et plus récemment à la Cour des comptes.

Il est l'auteur de La grande démolition : La France cassée par les réformes ainsi que de L'actualité du Gaullisme, Les hauteurs béantes de l'Europe, Les nouveaux féodaux, Gnose et gnostiques des origines à nos jours.

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Il n’est pas surprenant que le débat présidentiel ait porté sur la difficulté de se loger à Paris et dans les grandes métropoles pour les revenus modestes et même moyens.

Lamondialisation entraîne partout une stagnation des revenus ordinaires, mais aussi des prix des produits de large consommation, largement importés des pays émergents, l’un compensant en partie l’autre. Au contraire, les très hauts revenus et toutes les valeurs d’actifs se trouvent en hausse : actions (avec des fluctuations, bien sûr) mais aussi immobilier, notamment, dans les quartiers les plus recherchés des métropoles internationales comme Paris. Entre une économie des riches où prix et revenus se sont envolés et une économie des pauvres où ils stagnent, l’immobilier constitue la zone d’interférence : bien de placement pour les plus aisés, nécessité pour les autres.

Cette difficulté à se loger entraîne une demande croissante de logements du secteur protégé, principalement HLM, pour plusieurs raisons. La fragilité des couples fait que bien souvent, au lieu d’un logement, il en faut deux. L'immigration, pas vraiment contrôlée depuis le traité d’Amsterdam (1997), touche d’abord les grande villes. Cette demande en hausse se conjugue avec une offre insuffisante du fait des restrictions de certaines municipalités conservatrices mais aussi de l’absence d’un volontarisme suffisant de la part des gouvernements qui se sont succédés (et que les candidats se proposent tous de rattraper !).

Mais la question ne se serait pas posée avec autant d’acuité si elle n’avait été compliquée par l’abandon de la politique d’aménagement du territoire au cours des dernières décennies. Quand exactement ? Il estdifficile de ledire avec précision.

A la fin des années quatre-vingt dix, nous dispositions d’un politique équilibrée. Le livre de Jean-François Gravier,Paris et le désert français(1947), faisait encore autoritéet la nécessité de desserrer la métropole parisienne au bénéfice de la province n’était pas discutée.Elle avait favorisée l’essor de plusieurs grandes villes de province.A cela s’était ajoutée une politique des villes moyennes, des petites villes et du monde rural destinée à étaler la population sur tout le territoire. A partir de la venue de la gauche au pouvoir, la plupart de ces dispositifs, décentralisation oblige, ont été transférés aux régions qui ont eu, chacune, des politiques différentes. Etroitement surveillée par Bruxelles, au motif d’assurer la libre concurrence, l’action des régions ne l’était guère par l’Etat central.

Mais à partir de 1990, la mode estrevenue aux grandes métropoles. Défendre le monde rural oules petites villes est devenu ringard, passéiste, voire, aux yeux de certains idéologues de gauche « pétainiste » (on ne s’en était pas avisé entre 1945 et 1990 !). Il a été convenu, gauche et droite confondues, que l’aménagement du territoire de papa était dépassé, "qu’à l’heure de l’Europe" et de la mondialisation, laFrance devait jouer moderne et tout miser sur la promotion de quelques grandes métropoles,àcommencer par la principale, laparisienne.

La stratégie du Grand Paris, lancée par l’actuel président, s’inscrit dans la même perspective. Qu’il faille distinguer entre le rayonnement qualitatif de Paris, sans doute nécessaire, et son poids démographique, l’un n’allant pas nécessairement avec l’autre, était une théorie trop subtile pour une haute administration habituée à agir à partir de schémas simples.

On ajoutera les veux dogmes de l’urbanisme à la française : refus du mitage et souci d’économiserlesterres agricoles (et donc restriction du périmètre d’urbanisation),nécessité de rapprocher autant que possible les lieux d’habitation des lieux de travail (dogme que le RER et le TGV auraient pu relativiser)et toutes les conditions d’une pénurie de logement avaient été accumulées au fil des ans.

Comme il est à peu près impossible de faire baisser le prix de l’ immobilier parisien – même s’il connaît aujourd’hui un palier – ou d’augmenter  les revenus, la solution à ce problème passe provisoirement par un volontarisme accru en matière de logement social.

Mais la solution à long terme ne saurait être, outre un contrôle sérieux de l’immigration, qu’une reprise hardie de la politique d’aménagement du territoire, scandaleusement remisée aux oubliettes.

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