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Erreur de casting à l’Assemblée nationale : mais où sont donc les femmes, les banlieues, les jeunes et les chômeurs dans les instances politiques françaises?
©Reuters

Bonnes feuilles

De plus en plus déclassée économiquement, de plus en plus reléguée culturellement, la France se découvre soudain en danger. C'est ce moment vertigineux que Matthieu Chaigne raconte dans La France en face. Photographie du réel, l'ouvrage se construit autour d'une centaine d'études d'opinion et d'entretiens qualitatifs. Ce qui en fait un objet unique en soi. Extrait de "La France en face" de Matthieu Chaigne aux Editions du Rocher (1/2).

Matthieu Chaigne

Matthieu Chaigne

Matthieu Chaigne est directeur associé chez BVA. Il est aussi co-fondateur de l'observatoire des sondages et tendances émergentes Délits d'Opinion, chargé de cours à l'INSEEC et à la Sorbonne-CELSA.

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Le politique vivrait dans un monde clos, totalement déconnecté de la vie réelle. Député incapable de citer le prix d’un pain au chocolat, ministre qui enfreint le code de la route… pas un mois sans qu’un politique ne soit montré du doigt. Dans les études qualitatives, il est fascinant de constater à quel point ces thèmes écrasent les sujets de fond. Ces histoires plaisent car elles inversent la hiérarchie dans un jouissif charivari. Pris la main dans le sac, le puissant est rabaissé. Il est également remis à sa place: aussi cultivé et intelligent se croit-il, il ne connaît en réalité rien de la « vraie vie».

Un schisme qui menace le principe même de la représentation politique. Le peuple ne se reconnaît plus dans son élu. Les Français sont majoritairement convaincus que «les décisions politiques les plus importantes devraient être prises par le peuple et non par les hommes politiques ». À vrai dire, l’analyse du profil sociologique des députés élus à l’Assemblée nationale n’aide pas au phénomène d’identification. Selon une étude menée au lendemain des législatives de 20129 , les 20-30 ans représentent 0,35 % des députés. Pour 12,4 % de la population. L’Assemblée nationale est victime du syndrome de vieillissement accéléré. Les députés avaient en moyenne 48 ans en 1981 contre plus de 54 ans aujourd’hui.

Même déséquilibre du côté de la parité, selon la même étude10 : en 2012, la nouvelle Assemblée nationale comptait près d’un quart de femmes. Malgré les progrès récents, le déséquilibre est encore patent. Mais l’endogamie la plus criante se trouve du côté de l’origine sociale et professionnelle. Les employés et ouvriers sont les grands absents du casting politique: ils représentent plus de 50 % de la population, et ne sont pourtant que 2,6 % à l’Assemblée. À l'inverse, les salariés du public représentent 55 % des élus, alors qu’ils ne comptent que pour 26 % de la population active. Quant à la représentativité des minorités, l’étude pointe 12 «députés issus de la pluralité visible». Miroir extrêmement déformé du pays, l’Assemblée nationale est un repaire de mâles vieillissants. Où sont les femmes, où sont les banlieues, où sont les jeunes, où sont les créateurs de start-up, où sont les chômeurs?

Certains peuvent objecter qu’il n’est nul besoin d’être précaire pour défendre les moins aisés ou d’avoir travaillé dans le privé pour en saisir ses rouages. Probablement, quand la machine économique et sociale fonctionne. Mais quand elle se grippe, comment éviter le soupçon d’une caste d’entre soi motivée par le seul maintien de ses privilèges?

Aujourd’hui, les Français veulent reprendre la Bastille. Toutes les initiatives visant à déverrouiller le système politique sont accueillies positivement: limitation du nombre de mandats, démission de la fonction publique, suppression de l’ENA transcendent les clivages. Mais il en faudrait probablement plus pour réintroduire de la diversité au sein de la classe politique. Pour fluidifier réellement le monde de la politique, une barrière demeure. Et de taille.

Qui veut encore faire de la politique? Qui veut devenir la risée des médias, le fou du roi d’«On n’est pas couché»? Qui veut travailler sur des équations insolubles, affronter le déclassement d’un pays, les caisses vides, le chômage inextinguible? Qui veut se mettre à nu chaque mois, donner son salaire, voir sa vie privée étalée? Aujourd’hui, l’engagement politique est totalement discrédité. Faire de la politique n’est ni jugé utile, ni valorisé socialement, ni source de satisfaction personnelle. 13 % seulement des Français pensent que leurs proches les respecteraient s’ils participaient à des activités politiques. Une extrême minorité de 14 % estime que, participer à des activités politiques, permet vraiment d’influencer ceux qui élaborent les lois. Et un nombre encore plus faible imagine s’accomplir en faisant de la politique.

La vérité est que le monde politique se meurt faute de talents. Les jeunes élus, souvent motivés et professionnels, doivent affronter une situation économique dégradée et un climat particulièrement défiant

Extrait de "La France en face" de Matthieu Chaigne, aux Editions du Rocher 

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