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Contre-choc démographique : quand le solde naturel français se rapproche dans l'indifférence générale de son record à la baisse de…. 1946
©Reuters

Vieux Continent

Alors que la France s'est longtemps crue épargnée par l'affaiblissement des dynamiques démographiques de ses voisins européens, on entrevoit de plus en plus l'apparition d'un solde naturel à zéro. Sauf si l'immigration venait renforcer notre faible croissance démographique.

Atlantico : En France, on pourrait atteindre sur le mois de février 2017 un solde naturel qu'on n'avait pas connu aussi bas depuis... 1946 ! Qu'est-ce qui explique la situation actuelle ? La baisse des naissances ? La hausse de la mortalité ?

Laurent Chalard : La France se distinguait au sein de l’Union Européenne, depuis la fin des Trente Glorieuses, par le maintien d’un solde naturel (c’est-à-dire la différence entre les naissances et les décès) sensiblement positif, proche ou supérieur à + 200 000 personnes par an, à l’exception des années 1976 et 1993, contribuant majoritairement à la croissance démographique nationale. Or, les dernières données provisoires, fournies par l’Insee pour le mois de janvier 2017, indiquent que, sur les douze derniers mois, ce solde est tombé à + 149 100 personnes, soit le niveau le moins élevé enregistré depuis juillet 1976 (+ 148 521 personnes), s’inscrivant dans une tendance baissière, qui devrait le faire passer le mois prochain en-dessous de ce dernier niveau, c’est-à-dire proche du niveau atteint en milieu d’année 1946 au tout début du baby boom !

La situation actuelle s’explique par la combinaison d’un double phénomène qui oriente à la baisse l’excédent naturel. D’un côté, le nombre de naissances se réduit sensiblement, depuis le pic maximum atteint en 2010, passant de 802 273 unités en moyenne annuelle en décembre 2010 à 742 900 unités en moyenne annuelle en janvier 2017. De l’autre côté, le nombre de décès progresse de manière importante, passant du point bas de 507 238 unités en moyenne annuelle en janvier 2005 à 593 800 en moyenne annuelle en janvier 2017, approchant de la barre des 600 000 unités, qui n’a plus jamais été atteinte depuis 1945, année de guerre. Le solde naturel hexagonal apparaît donc sur une mauvaise pente !

Ce phénomène est-il structurel et le fruit du vieillissement des baby-boomers ou conjoncturel et par exemple lié à la récente épidémie de grippe ? 

C’est à la fois un phénomène structurel et conjoncturel, d’où l’ampleur de la baisse du solde naturel constaté ces dix dernières années, puisqu’un pic de + 281 894 personnes avait été atteint en janvier 2007.

Sur le plan structurel, les deux facteurs d’évolution du solde naturel l’orientent à la baisse. En effet, il se constate, d’un côté, une légère réduction du nombre de femmes en âge d’avoir des enfants, étant donné la moindre natalité postérieure au baby boom (seulement partiellement compensée par l’immigration), ce qui diminue mécaniquement le nombre de naissances à fécondité égale. D’un autre côté, il se produit une forte hausse du nombre de personnes âgées, au fur-et-à-mesure de l’arrivée des générations nombreuses du baby boom à des âges avancés, augmentant mécaniquement le volume de décès à espérance de vie identique.

Sur le plan conjoncturel, de nouveau, les deux facteurs d’évolution du solde naturel l’orientent à la baisse. D’un côté, se produit une diminution de l’indice de fécondité, quasiment continue depuis mi-2014, qu’il est difficile à expliquer sérieusement sans recul temporel important, et, de l’autre côté, se constate une hausse de la mortalité en décembre 2016 et janvier 2017, liée à une nouvelle épidémie de grippe virulente, comme ce fut déjà le cas à l’hiver 2014-2015. Or, la population française vieillissant, la surmortalité liée à ces épidémies augmente puisqu’elles touchent des populations fragiles plus nombreuses que par le passé.

La croissance démographique française ne risque-t-elle pas de s'aligner sur celle des pays voisins de la France ?

Si la France continue de se singulariser au sein de l’Union Européenne par son excédent naturel, il n’en demeure pas moins que les tendances structurelles conduisent à envisager une poursuite de sa réduction dans les prochaines années, se rapprochant au fur-et-à-mesure du temps du zéro. Cependant, sauf accentuation de la chute de la fécondité, le solde naturel de la France devrait rester légèrement positif, dans un contexte de poursuite d’un excédent migratoire de personnes en âge d’avoir des enfants, contrairement à ses voisins européens, qui connaissent déjà des déficits naturels importants, qui s’accentueront fortement dans le futur. La principale nouveauté concernera surtout la structure de la croissance démographique nationale, qui reposera probablement plus dans les prochaines décennies sur l’excédent migratoire que sur celui naturel, comme c’est déjà le cas dans une large partie des pays de l’ouest du continent européen. La France devrait donc conserver une situation démographique moins dégradée que celle de ses voisins, qui s’annonce catastrophique, en particulier en Europe méridionale.

Est-il d'ailleurs particulièrement souhaitable d'avoir une croissance démographique positive ?

La question mérite d’être posée. En effet, les inquiétudes concernant la démographie française repose sur deux données différentes. D’un côté, une inquiétude portant sur le nombre d’habitants du pays, la peur de la stagnation démographique, de l’autre, une inquiétude concernant la natalité, le non renouvellement des générations. 

La première inquiétude n’apparaît pas comme un problème, si l’on fait abstraction de l’aspect concurrentiel entre pays développés. Un pays à population stable peut très bien s’en sortir économiquement, d’autant que, par définition, les ressources de la planète étant limitées, la stagnation démographique à l’échelle mondiale est plus que souhaitable dans le futur ! En effet, aujourd’hui, dans de nombreux pays de la planète, le fort accroissement de la population constitue plus un frein au développement qu’autre chose.

La seconde inquiétude est plus justifiée car, si elle s’inscrit dans la durée (ce qui est le cas des pays européens), elle conduit mécaniquement à une diminution de la population originelle, qui est compensée par des flux d’immigration plus ou moins importants, qui conduisent à une diversification du peuplement. Or, cette dernière rend toujours plus compliquée la gestion politique d’un pays, l’histoire nous enseignant que les pays pluriethniques connaissent malheureusement des tensions beaucoup plus fortes que ceux qui ne le sont pas. Il suffit d’analyser l’évolution interne des pays d’Afrique subsaharienne, dont les frontières définies par le colonisateur ne correspondent pas à des "nations constituées", pour s’en convaincre ! 

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