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Dimitri Casali : "Seul le retour de l'autorité pourrait permettre d'endiguer cette montée de l'ignorance qui frappe la société française"
©Reuters Pictures

Entretien

Avec l'arrivée d'Internet au cours des années 2000, la surinformation qui s'en est suivie a abouti à une ignorance généralisée de la population, dont les conséquences sont aujourd'hui dramatiques, tout particulièrement chez les 15-29 ans.

Dimitri  Casali

Dimitri Casali

Dimitri Casali est Historien, spécialiste du 1er Empire et ancien professeur d’Histoire en ZEP, il collabore régulièrement avec la presse écrite, la radio et la télévision. Il est auteur d’une quarantaine d’ouvrages notamment : La France Napoléonienne (Albin Michel 2021), le Grand Procès de l’Histoire de France, lauréat du prix des écrivains combattants 2020 (Robert Laffont 2019), du Nouveau Manuel d’Histoire préface de J-P Chevènement (La Martinière 2016), de l'Altermanuel d'Histoire de France (Perrin), lauréat du prix du Guesclin 2011 ; l'Histoire de France Interdite (Lattès 2012). Par ailleurs, il est le compositeur du « Napoléon l’Opéra rock » et de l’« l’Histoire de France l’Opéra rock », spectacles musicaux historiques et éducatifs.

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Atlantico : Votre dernier ouvrage, La longue montée de l'ignorance (voir ici), met en lumière un paradoxe survenu dans nos sociétés ces dernières années : celui des avancées réalisées dans les domaines technologiques et scientifiques parallèlement au retour des "idées obscurantistes". Comment l'expliquez-vous ?

Dimitri CasaliOn s'aperçoit que chaque individu est de plus en plus spécialisé dans une tâche – phénomène en provenance des États-Unis – au détriment de ce que nous appelions autrefois la culture générale, ou encore des Humanités pour parler comme au XVIIIe siècle. Cette culture générale s'effondre peu à peu, pour mieux valoriser des compétences techniques, ce qu'on observe bien dans le cadre de l'Éducation nationale et dans l'effondrement de l'École française : nous sommes désormais au 27e rang de l'enquête Pisa alors que nous étions 10e en l'an 2000, et dans les cinq premiers au cours des années 1980.

À côté de cela, les tests réalisés par l'Éducation nationale elle-même montrent l'effondrement de cette culture générale, de ce savoir. Dans une dictée donnée en 1987, les élèves faisaient en moyenne 10 fautes, alors qu'ils font aujourd'hui 18 fautes sur la même dictée qui est des plus élémentaires (six lignes). Cette culture générale n'est plus valorisée comme avant, comme en atteste la disparition de cette épreuve du concours de Sciences Po depuis 2011, et son remplacement depuis 2015 à l'Ena, par une épreuve d'action publique.

On voit donc bien qu'il y a une rupture fondamentale qui est due aux technocrates de l'Éducation nationale, ces "pédagogistes" comme on les appelle, qui rejettent toute transmission du passé, faisant ainsi table du rase de ce dernier en vue de créer un homme nouveau. Nous sommes ainsi entrés dans l'illettrisme de masse : on dénombre, en France, 3 millions d'illettrés purs ; si l'on ajoute les Français qui ont des difficultés à lire et à écrire, nous atteignons le chiffre de 6 millions. 

A partir de quand peut-on dater, selon vous, cette "montée de l'ignorance" ? Quelles en sont les principales caractéristiques ?

J'ai corrélé ce phénomène avec les effets pervers d'Internet. Le grand démarrage, ce sont donc les années 2000, caractérisées par une surinformation qui conduit à l'ignorance. Les jeunes de 15 à 29 ans lisent de moins en moins de livres ; en revanche, ils lisent davantage sur les réseaux sociaux, les blogs, Wikipédia, etc. Quand on lit un livre, on demande à la personne de pénétrer la pensée de l'auteur et de structurer les informations. Dans le cas des réseaux sociaux ou de Wikipédia, les informations se superposent les unes aux autres ; ce n'est donc plus la même manière de réfléchir et d'organiser son cerveau.

D'autres études sont à rapprocher de cela : les Français auraient perdu 4 points de QI en 1989 et 2009, ce que montrent certains travaux réalisés sur un échantillon d'engagés volontaires dans l'armée de métier. Cela a aussi été mesuré aux États-Unis ou en Angleterre. On voit donc bien qu'il y a une baisse de notre intelligence pure qui crée une sorte de relativisme culturel général nourrissant cette ignorance : désormais, toutes les connaissances se valent. Cela est à rapprocher de la montée du créationnisme aux États-Unis, un courant qui refuse la théorie de l'évolution de Darwin ; ainsi 46% des Américains croient que la Terre a été créée il y a moins de 10 000 ans. La situation est identique dans le monde arabe qui comptera bientôt ¼ d'analphabètes. 

Selon les chiffres contenus dans votre ouvrage, 3 millions de Français seraient illettrés. De quel échec ce résultat est-il la conséquence ? 

Cela traduit un refus d'entretenir la transmission du savoir et des connaissances sur laquelle était basée l'école de la République. Depuis que ces pédagogistes sont au pouvoir - soit une trentaine d'années - on transmet plutôt des compétences techniques avec la volonté de faire table rase de tout héritage. Cette rupture a eu des conséquences dramatiques puisqu'elle a généré cette ignorance de masse, estimée à 25% de la population française qui aurait donc de graves difficultés pour lire et écrire un texte. 

Que préconisez-vous afin d'endiguer cette "montée de l'ignorance" ? 

Il convient de revenir aux fondamentaux, redonner le goût à la Culture et à l'Histoire aux plus jeunes. Pour cela, il faudrait forcer impérativement les jeunes à se rendre aux musées, et ne pas hésiter donc pour cela à user d'autorité si besoin est.  

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