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Jean-Luc Mélenchon : quelle applicabilité réelle pour un programme construit sur l’indignation ?
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Que ce soit la baisse de l'age du départ à la retraite, la parité des salaires ou le Smic à 1326 euros net par mois, une grand partie du programme du candidat de la France Insoumise semble construite sur l'indignation seule et répond essentiellement aux injustices sociales. Un positionnement qui ne l'empêchera pas de se heurter aux réalités en termes de financements s'il devait accéder à l'Elysée...

Virginie Martin

Virginie Martin

Virginie Martin est Docteure en sciences politiques, habilitée à Diriger des Recherches en sciences de gestion, politiste, professeure à KEDGE Business School, co-responsable du comité scientifique de la Revue Politique et Parlementaire.

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Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Atlantico :Quel est l'applicabilité réelle d'un programme construit sur l'indignation ?

Virginie Martin : D'abord je doute que Jean-Luc Mélenchon veuille vraiment appliquer d'une certaine manière son programme. Le but est de faire sa fameuse constituante. C'est un programme qui veut renverser la table. En France on a toujours eu un effet de balancier gauche-droite avec un écart assez faible dans la cinquième République. La nature de ce genre de programmes n'a jamais été essayée. Lorsque les communistes étaient très hauts à l'époque de De Gaulle, cela ne s'est quand même jamais fait.

Sous la Ve aucun programme de ce type n'a été porté. Il y a une forme de radicalisation. On sort des traités européens, de l'OTAN… Comment tout cela peut être mis en place, on se dit que c'est à peine possible. On peut bien évidemment partager l'indignation de Mélenchon mais entre assécher complètement l'idéologie avec des partis de gestion et faire la révolution, il y a un entre deux qui me paraît plus raisonnable.

De même manière lorsqu'il dit qu'il faut limiter les salaires au sein de la même entreprises avec des rapports de 1 à 20 pour donner des salaires à 10 000 euros après impôts. Oui il y a un excès sur les dividendes et les salaires des grands patrons mais entre plusieurs millions d'euros et 10 000 euros, il y a aussi un juste milieu. On peut comprendre sur la nature du propos que la vie n'est pas faite de dividende de gains… Mais on peut aussi se douter qu'un grand patron ne se contentera peut-être pas de 10 000 euros par mois. On est sur des symboles qui caricaturent un peu le trait.

Après son programme sur les questions des divers territoires maritimes spatiaux sont très intéressantes, il y a des idées importantes et c'est très bien que cela infuse et se diffuse. Il y a quelque chose de sain à ce que ces idées soient proposées. Mais sont-elles là pour être appliquées ? Je n'en suis pas sûre. Est-ce que lui-même croit que cela pourrait l'être ? Il est difficile de juger de l'applicabilité de ce programme car paradoxalement alors qu'il se veut exhaustif, il est très flou du point de vue du scénario constitutionnel.

Est-ce que Jean-Luc Mélenchon ne signe pas par son programme le fait qu'il ne cherche pas à conquérir le pouvoir mais uniquement à peser sur la gauche ou sur des arbitrages à venir en matière sociale ? 

Virginie Martin : Malheureusement aujourd'hui par l'histoire de la politique ces dernières années et le quinquennat de Hollande, il savonne la planche sur laquelle Hamon est assis. On a beaucoup reproché à Hamon de faire des programmes communs façon années 70, mais est-ce que ce n'était pas de son devoir d'aller voir Jadot et Mélenchon parce que si on additionne les électorats on voit bien qu'ils sont devant.  Il y aurait certainement un manque de cohésion vis-à-vis des législatives également.

A force de peser sur la gauche il empêche qu'Hamon soit élu, mais à rebours les mélenchonistes sont très sûrs de leur fait en disant que Hamon empêche Mélenchon. L'engouement est réel autour de ce candidat.

Que disent notamment ses projets en matière de financement de ses propositions ? S'agit-il de chiffrages réels ou de fantasmes du type la lutte contre les fraudes etc....?

Philippe Crevel :Question projet et financement, l’élection présidentielle 2017 innove. Nous avons le droit aux programmes à géométrie variable, à évolution et à présentation permanente. Au niveau du chiffrage, il est difficile de retrouver ses chatons car du côté des dépenses, l’imagination est toujours au pouvoir et du côté des recettes, les approximations ne manquent pas.  

Jean-Luc Mélenchon n’échappe pas à la règle. En bon marxiste et surtout en bon keynésien, il a présenté un cadrage budgétaire ronflant qui donne le tournis.

Jean-Luc Mélenchon s’est engagé sur un programme comportant une hausse de la dépense publique de 173 milliards d’euros soit 8 % du PIB. Il  prévoit un plan de relance de 102 milliards d’euros soit l’équivalent de 5 % du PIB.  45 milliards d’euros seraient affectés à « l’urgence sociale »  dont 18 milliards pour le logement. Le développement durable bénéficierait de 50 milliards dont 25 milliards pour les énergies renouvelables ; enfin 7 milliards seraient réservés aux services publics. Il espère un effet multiplicateur de 2 à 3 soit bien plus ce que tous les experts ont admis en la matière (le multiplicateur est au mieux de 1,5 et encore).

Pour financer la mise en œuvre de la progressivité de la CSG et une baisse de l’impôt sur les sociétés, il compte sur une augmentation des recettes fiscales de 190 milliards d’euros soit près de 10 % du PIB. Pour atteindre une telle somme, il parie sur le retour d’une croissance à 2 % et sur un choc fiscal. Seraient ainsi prévus l’accroissement de la progressivité de l’impôt sur le revenu avec  la création de nouvelles tranches. L’impôt sur le revenu passerait ainsi de 5 à 14 tranches. Un taux à 90% serait institué au-delà de 360 000 ou 400 000 euros de revenus. Les niches fiscales seraient supprimées. Les droits de succession seraient augmentés pour les héritages les plus élevés. Jean-Luc Mélenchon souhaite, par ailleurs, la généralisation et l’augmentation de la taxe sur les transactions financières.  Par ailleurs, il entend lutter contre la fraude fiscale et récupérer plusieurs milliards d’euros.

Il se fait fort de réduire le déficit à 2,5 % du PIB en 2022, après un rebond à 4,8 % du PIB en 2018.La dette publique passerait à 87 % du PIB en 2022 contre 97 % en 2016.

Le chiffrage proposé vise à faire chic et n’est en aucun cas certifié « norme européenne ». Il y a une part de romantisme dans ce cadrage mais il n’est pas le seul à être fantaisiste. 

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