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Donald Trump va-t-il précipiter la fin de l'une des plus longues reprises économiques américaine ?
©JIM LO SCALZO / POOL / AFP

Récession en vue

Voilà 100 mois que les Etats-Unis sont sortis de leur plus grave récession d’après-guerre. 100 mois que la reprise avance certes lentement, mais 100 mois qui en font la troisième reprise d’après-guerre par sa longueur, bien proche de battre le record si la politique de normalisation graduelle des taux de la Fed se poursuit.

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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Mais Donald Trump veut aller plus vite en besogne, au risque de fragiliser cette longe reprise, qu’il juge sans doute trop lente. Toute sa stratégie repose sur une accélération fiscale et budgétaire de la croissance américaine, même si elle est déjà  en plein emploi et en phase de montée d’inflation.

Avec 235 000 nouveaux emplois en février, 209 000 en moyenne ces trois derniers mois, l’économie américaine confirme sa bonne santé. Le taux de chômage est revenu à 4,7% de la population active, son minimum depuis mi-2006, avec un taux de participation de la population active qui monte à 63%, contre 62,9% les mois précédents. Les salaires se réveillent, avec une hausse moyenne horaire de 0,2% sur le mois et 2,8% sur un an. Cette inflation salariale, encore modeste mais régulière, comme le note le beige book la semaine derrière, teste les limites de la Fed. L’inflation s’établit déjà à 2,5% sur douze mois en janvier et à 2,3% hors produits alimentaires et énergie. La Fed va donc monter ses taux le 15 mars. A continuer ainsi, avec la politique de Donald Trump, il n’est pas impossible d’avoir encore deux hausses cette année. Nous allons ainsi vers 0,75-1%, puis 1-1,25%, puis 1,25–1,5% en fin d’année pour les Fed funds, les taux longs vont suivre et le dollar monter encore.

Alimenter la surchauffe : c’est le risque boursier et politique majeur. Donald Trump veut aller vers 3 à 3,5% de croissance, contre 2,5% prévus au mieux dans les deux années qui viennent. Cette lente sortie de récession signale la naissance d’une nouvelle économie, celle des nouvelles technologies et de la communication, dans un nouveau monde, celui de la globalisation. Ce n’est plus : Apple + Chine mais : Apple x Chine. Le chômage a beaucoup augmenté du fait de la concurrence, impactant les salaires : c’est l’effet globalisation. Surtout, les nouvelles technologies ont détruit des emplois dans l’industrie et plus encore dans les services : c’est l’effet économie de la communication.

Pour en sortir, la Banque centrale américaine a baissé ses taux courts à zéro et a fait tout son possible pour baisser les taux longs. Cette « répression financière » veut dissuader de l’épargne monétaire, soutenir la valeur des maisons et réduire le coût des emprunts, pour pousser à l’investissement. Sans le dire, il s’agit toujours de soutenir la bourse.

Que se passe-t-il aujourd’hui ? Continuer ou accélérer ? La bourse a beaucoup aimé les dernières années et plus les annonces de Donald Trump (+16% depuis son élection), le logement aussi, l’investissement repart – mais c’est surtout la consommation qui est à l’œuvre. C’est le plein emploi, mais des salariés, déqualifiés par les nouvelles technologies, ont quitté le marché du travail. C’est le plein emploi, mais encore sans forte hausse des salaires. Le souvenir la Grande récession pèse et les qualifications nécessaires ne sont pas toutes au rendez-vous.

Donc, jusqu’à présent, la Banque centrale gère doucement la montée de ses taux. Elle les augmente deux fois moins vite que pour une reprise « ancienne ». Elle veut que les salaires augmentent, mais pour attirer de nouveaux salariés. Elle est prête à prendre le risque d’une surchauffe, autrement dit d’une inflation qui dépasse durablement 2%, mais pour prolonger la reprise en la renforçant par l’emploi.

Mais, avec Donald Trump, il faut faire attention à ne pas alimenter les inquiétudes : inquiétude de guerre commerciale en subventionnant les exports et en taxant les imports, inquiétude de creusement du déficit par les baisses de la fiscalité sur les entreprises, les nouvelles dépenses d’armement et de grands travaux, inquiétude sur le plafond de la dette (sous quinze jours), sans compter celles avec la Corée, la Chine ou la Russie.

La bourse pourrait bientôt s’inquiéter, surtout si Donal Trump met en question l’indépendance de la Banque centrale. Alors, les taux longs pourraient fortement monter, mettant en danger des entreprises (en fait fragiles) qui ont profité des conditions merveilleuses de taux pour s’endetter et accélérer, voire cacher leurs problèmes. Le risque est donc d’une récession d’un nouveau type : les grandes entreprises et le NASDAQ pourraient résister à la montée des taux courts et longs, pas le segment high yield et les PME.

Ce serait donc la finance, encore une fois, qui sifflerait la fin de la partie, mais une partie bien différente. Il ne s’agit pas de formation et d’attraction des talents pour continuer, avec une normalisation régulière des taux. La politique de Donald Trump pourrait pousser la Fed à changer de stratégie. Ce serait bien qu’il s’en explique, sauf à faire venir la récession plus tôt que prévu – en pleine élection à mi-mandat du Congrès. Ce n’est sans doute pas ce qu’il a en tête, ce serait donc bien qu’il l’évite.

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