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Gilles Richard : "Les classes populaires sont beaucoup plus réticentes que les classes moyennes à la "mondialisation" néolibérale"
©Pixabay

Histoire des droites

Doit-on, pour évoquer la droite française utiliser le singulier ou opter pour le pluriel ? Dans son ouvrage, "Histoire des droites en France", Gilles Richard préfère la deuxième option. Entretien.

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Gilles Richard

Ancien élève de l'Ecole Normale Supérieure de Saint-Cloud et agrégé d'Histoire, Gilles Richard a été professeur à l'IEP de Rennes et enseigne aujourd'hui à l'Université de Rennes 2. Il est notamment l'auteur de Histoire des droites en France 1815-2017 (Perrin, 2017).

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Atlantico : La candidature de Fillon n'est-elle pas audacieuse à droite dans le sens où elle essaye de faire une synthèse de ces deux tendances montantes et concurrentes de la droite, la mouvance libérale et la mouvance conservatrice sociale, entre Thatcher et Seguin ?

Gilles Richard : Audacieuse, cette candidature l'est surtout par la volonté de François Fillon de se maintenir coûte que coûte, malgré les révélations sur ce qu'il est désormais convenu d'appeler de "Penelopegate". Plus largement, en tentant de concilier néolibéralisme en matière économique et catholicisme traditionnel en matière de valeurs morales, il ne fait que reprendre la stratégie de N. Sarkozy, déployée entre 2002 et 2012, associant néolibéralisme (sa famille politique) et discours "identitaire" afin de capter ou de "ramener au bercail" une partie de l'électorat frontiste. F. Fillon a pour lui une plus grande cohérence en matière de références identitaires, en tablant ouvertement et totalement sur ce que l'on nomme depuis deux décennies les "racines chrétiennes" de la France. Mais je ne suis pas du tout certain que les deux visions du monde qui sous-tendent les deux faces du programme fillonniste soient réellement conciliables.

Vous finissez votre livre en déclarant : "gageons [...] que l'élection présidentielle [de 2017] sera d'abord un vote de classe". Entre la droite nationaliste et la droite libérale, la question du vote n'est-elle donc plus qu'une question sociale ?

Les élections ne sont jamais qu'une affaire d'appartenance sociale mais elles le sont quand même aussi. En écrivant cela, je n'ai fait que rappeler le constat des analyses de sociologie électorale depuis  les années 1990 : les classes populaires sont beaucoup plus réticentes que les classes moyennes à la "mondialisation" néolibérale. Mais les gauches étant en miettes, l'expression du refus passe maintenant en priorité par le vote nationaliste.

Quelles sont à votre avis les tendances montantes et les tendances déclinantes de la droite aujourd'hui ?

Pour moi, "la droite" n'existe pas. Elle n'a jamais existé et ne semble pas prête d'exister avant longtemps. Il y a DES droites - comme il y a DES gauches. Le pluriel s'impose. Il faut absolument apprendre à penser au pluriel si l'on veut tenter de comprendre la situation dans laquelle nous vivons.

Cela dit, la tendance me semble être la suivante. Les droites sont pour l'heure hégémoniques, faute de combattant crédible à gauche. Ce qui ne signifie pas qu'il n'y ait plus de citoyen-ne-s qui se réclament et se proclament "de gauche". Mais le système partisan est devenu tel que la grande question qui organise la vie politique est désormais la question nationale et non plus la question sociale (même si elle continue de se poser concrètement dans la vie quotidienne). Ce sont deux familles de droite qui s'affrontent et donnent le "la" du débat politique : les néolibéraux et les nationalistes. Résultat : hégémonie des droites comme jamais dans l'histoire française et division plus jamais à l'ordre du jour entre elles.

Vous reprenez dès le début de votre livre la fameuse tripartition de la droite dessinée par René Rémond en 1954 : les droites légitimistes, orléanistes et bonapartistes se distinguent-elles encore au sein de ce qu'on appelle la droite aujourd'hui ? Etre de droite en 2017 a-t-il encore quelque chose à voir avec le fait d'être de droite en 1917 ? Et 1817 ?

Non, bien sûr. C'est d'ailleurs tout l'objet du livre que j'ai écrit que de démontrer que le schéma interprétatif rémondien doit être revu si l'on veut comprendre la vie politique française contemporaine. Et, pour ce faire, je propose de lier étroitement - mais absolument pas de façon mécanique - les mutations politiques et les mutations sociales sur la longue durée.

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