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"Citoyen d'honneur" : un très beau thème, traité avec intelligence, profondeur et respect de la complexité des choses
©Reuters

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Gilles Tourman pour Culture-Tops

Gilles Tourman pour Culture-Tops

Gilles Tourman est chroniqueur pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).
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CITOYEN D’HONNEUR – El Ciudadano ilustre    (2016 – 1H57’)

Argentine. Couleur. Comédie de Mariano Cohn et Gaston Duprat. Avec Oscar Martinez, Dady Brieva, Andrea Frigerio, Nora Navas, Manuel Vicente, Belen Chavanne, Marcelo d’Andrea, Gustavo Garzon, Julian Larquier, Nicolas de Tracy…

Sortie le 8 mars 2017

LES REALISATEURS

Gastón Duprat et Mariano Cohn se rencontrent en 1993 à Buenos Aires lors d’un festival dédié à la vidéo expérimentale. Gastón Duprat, alors âgé de 24 ans, est membre du jury, et Mariano Cohn, tout juste 18 ans, présente un court métrage en compétition. Ils décident de travailler ensemble, rejoignant le cercle fermé des duos, depuis les frères Dardenne jusqu’aux Taviani. Multipliant les supports de production et de diffusion, ils réalisent en 1999 un des tous premiers programmes de télé-réalité au monde, Televisión Abierta, qui invite le public argentin à créer lui-même les contenus qu’il veut voir diffusés. Quatre ans plus tard, ils imaginent pour la ville de Buenos Aires une chaîne culturelle qu’ils baptisent Ciudad Abierta, occasion pour eux de travailler à de nouveaux concepts dans le domaine de la communication de masse. En 2012, ils créent une nouvelle chaîne de télé publique pour la province de Buenos Aires. Leur carrière sur grand écran démarre en 1983 avec Yo Présidente, panorama sur plus de 20 ans d’histoire politique en démocratie. Ils passent à la fiction en 2006 avec L’artiste. En 2007, L’homme d’à côté, filmé dans le seul et unique immeuble construit par Le Corbusier sur le continent américain, suscite l’intérêt mondial. Récompensé au Festival de Mar del Plata, il remporte le prix de la meilleure photo à Sundance en 2010. Ils enchaînent avec Querida voy a comprar cigarillos y vuelvo en 2011, reviennent au documentaire avec Civilizacion en 2013 et Living Stars en 2014. En 2016, présenté à la Mostra de Venise 2016, Citoyen d’Honneur, leur 4ème long-métrage, remporte la Coupe Volpi du meilleur acteur pour Oscar Martínez et enregistre plus de 600.000 entrées dans son pays d’origine, ce qui en fait le 4ème plus gros film argentin de l’année, plus qu’Inséparables, remake local d’Intouchables, dans lequel Oscar Martínez incarne le personnage joué par François Cluzet. Citoyen d’Honneur représentait l’Argentine aux Oscars 2017.

THÈME

Cinq ans après avoir été le premier écrivain argentin à recevoir le Nobel de littérature, Daniel Mantovani, qui n’a plus rien écrit depuis et a refusé toutes les sollicitations (conférences, inaugurations, etc.), reçoit une lettre du maire de Salas, son village natal, l’invitant à venir présider diverses commémorations 4 jours durant. Parti depuis 40 ans sans jamais y avoir remis les pieds, s’étant inspiré des lieux et habitants pour ses romans, Daniel décide de s’y rendre seul, malgré les inquiétudes de son agent Nuria. A juste titre, comme il va pouvoir s’en rendre compte !…

POINTS FORTS

- sous le récit, dont la simplicité lumineuse reflète le souci sincère des deux réalisateurs de toucher le public le plus large possible (cf supra), se dissimule une réflexion d’une intelligence extrême sur la responsabilité de l’Auteur vis-à-vis des fantasmes qu’il crée chez ses lecteurs à travers son œuvre.

- entre ombre et lumière, artifices médiatiques et vérité intime, réalité et imagination, où se situe-t-il vraiment ? Peut-il se dissocier de la vie de ceux qui l’ont inspiré, enrichi, rendu célèbre au nom de son statut de thaumaturge ? Telle est le passionnant questionnement que propose ce film, lui même mis en abyme puisque se situant entre documentaire et fiction jusque dans la description de Salas !

- à cette interrogation franchement excitante vient se greffer une subtile allusion à l’intellectuel déconnecté de ce qu’il décrit et qui, croyant inventer, vise juste. En effet, exilé depuis 40 ans, Mantovani a évolué avec son temps alors que son village, lui, est toujours aussi pauvre, coincé entre autarcie et entre soi. Du coup, chacun se projette dans ses personnages tout en feignant de croire qu’il s’agit de fiction, ainsi que le prétend l’Auteur, interloqué d’être dépossédé de ce qu’il pensait sorti de son imagination.

- dès lors, la vérité et le mensonge explosent le couple fiction/réalité jusqu’à frôler le drame comme avec cette belle et tragi-comique histoire d’amour gâché jadis avec Irène et que l’espace d’un moment… ? Mais chut !

- ainsi, forte de ses coups de griffes, la fable débouche sur une satire puissante et profonde autour du fantasme et des liens unissant créateur et créatures dans la lignée du mythe de Frankenstein.

POINTS FAIBLES

 - les plus chagrins pourront regretter une forme de nonchalance dans le rythme et la sensation de sentir venir de loin les déboires de l’écrivain. Ce serait oublier un peu vite que l’intérêt de ce film réside non dans son action mais dans les “ré-actions”.

EN DEUX MOTS

“Mantovani est à la fois un héros et un antihéros. D’ailleurs, cette ambivalence (…) et aussi (celle) des autres personnages, est une composante du film à part entière. Il n’y a pas les gentils d’un côté et les méchants de l’autre, rien n’est figé dans le récit, un peu comme dans la vraie vie. Cela rend le film très vivant et très réaliste. Les personnages ont tous une part de vrai même ceux qui ont tout faux.” Gaston Duprat.

“Si nous avions pensé uniquement Daniel Mantovani en tant que héros ou anti-héros, nous n’aurions certainement pas fait ce film.” Mariano Cohn.

Cette absence de jugement moralisateur laissant le public décider par lui-même - tout en s’en amusant - est vraiment la force de ce film dans lequel tout le monde peut s’identifier de quelque côté qu’il se trouvât.

DEUX PHRASES

“J’ai rendu Salas célèbre, je suis seul responsable ” Daniel Mantovani à son assistante.

“Il n’y a pas plus cliché que de déchirer mes livres pour s’essuyer”. Daniel Mantovani à Roque pris d’un besoin subit.

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