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3 leçons qui pourraient sauver François Fillon inspirées par la campagne victorieuse de 2007
©Reuters

Trucs et astuces

Avec une campagne obscurcie par les affaires et le récent ralliement de François Bayrou à Emmanuel Macron, François Fillon paraît subir cette présidentielle et semble avoir du mal à trouver la bonne communication. La campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007 pourrait bien détenir les clés pour une campagne réussie.

Georges-Marc Benamou

Georges-Marc Benamou

Georges-Marc Benamou est producteur de cinéma et journaliste. Ancien conseiller de Nicolas Sarkozy, il est notamment l'auteur de Comédie française: Choses vues au coeur du pouvoir (octobre 2014, Fayard), ainsi que de "Dites-leur que je ne suis pas le diable" (janvier 2016, Plon).

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Bruno Jeudy

Bruno Jeudy

Bruno Jeudy est rédacteur en chef Politique et Économie chez Paris Match. Spécialiste de la droite, il est notamment le co-auteur du livre Le Coup monté, avec Carole Barjon.

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Georges-Marc Benamou à  publié Comédie Française aux éditions Fayard. 

Georges-Marc Benamou

1 Rompre avec sa stratégie solitaire et constituer une Dream-Team. 

François Fillon doit saisir que ce n'est pas avec des stratégies doloristes, du sang et des larmes, qu'il fera gagner son parti. Il s'agit là de moyens seulement. Or, la fin, le but, c'est le redressement de la France. Il faut qu'il renvoie dans sa stratégie quelque chose de moins phobique et de plus désirable. Il est en train de devenir la face un peu obscure de la présidentielle, celle qui ennuie les gens. Et outre les difficultés qu'il rencontre -du fait des affaires et des casseroles qu'il traine derrière lui-, il doit trouver une transcendance dans sa campagne, le but à atteindre pour le redressement du pays, et ce, au détriment des moyens qu'il expose trop. 

2 Constituer une War Room afin de travailler sur plusieurs temporalités et une forte réactivité. 

On a vu durant la crise qui l'a frappé, le Pénélope Gate, une sorte de difficulté conceptuelle et une difficulté à répondre. Or, l'intérêt de Nicolas Sarkozy et de son travail pendant sa campagne de 2007, c'était de conceptualiser des séquences fortes qui pouvaient durer deux, trois, quatre jours, parfois même des semaines. Et qui installaient des thèmes forts en même temps que d'avoir une réactivité extrêmement forte, du matin au soir, quand il fallait prendre une décision. 

Prenons pour exemple le procès de Charlie Hebdo, à l'époque poursuivi pour la publication des caricatures de Mahomet. En quelques heures, Nicolas Sarkozy –qui était contre ce procès- avait fait un communiqué qui était immédiatement porté à l'avocat de Charlie Hebdo. La lumière était sur lui, pas sur les autres candidats. C'est une réactivité qui manque à François Fillon et je pense qu'il faudrait probablement une semaine à son équipe pour prendre position dans une situation du même type. 

On voit bien que le candidat LR est complètement empêtré aujourd'hui. Il faut qu'il change de terrain, qu'il ne laisse pas les médias ni les juges lui dicter son calendrier. Il faut savoir également transgresser sur ces terrains-là pour être entendu. Il doit le faire afin de relancer le débat, le déplacer et sortir de cette situation car pour le moment, il a du mal à être audible. 

Nicolas Sarkozy avait vraiment préparé sa présidentielle. Lorsque les polémiques sur les travaux qu'il avait effectué chez lui l'affectaient, il a su répondre immédiatement. Pour avoir une communication efficace on ne laisse pas une mauvaise nouvelle se rependre pendant 20 minutes, c'est une règle essentielle. Il a immédiatement apporté des preuves et des réponses efficaces. On a le sentiment que François Fillon a manqué d'anticipation. Il aurait dû voir venir ce coup. Il n'a pas fait ce travail de "machine à laver" que tout candidat à la présidentielle dans une démocratie occidentale fait car il sait qu'il est sous l'œil des médias. 

3 Une meilleure gestion des ressources humaines de sa famille politique. 

Il y avait une crise similaire à celle que François Fillon traverse aujourd'hui vis-à-vis d'Emmanuel Macron lors de la campagne de Nicolas Sarkozy. En mars 2007, la montée de François Bayrou dans les sondages avait fait que les troupes de Nicolas Sarkozy sur le terrain étaient en train de perdre pied et de passer par bataillons entiers chez les centristes. Voyant ses troupes flancher, il a repris la main sur tous les notables et les a mis sur le terrain avec des sortes d'obligations de résultat.  Ainsi, chaque notable était occupé. Personne ne passait à travers les mailles du filet. Et malgré les restrictions d'audiences, cette prise en main de la situation lui conférait une présence sur le terrain à la fois politique, médiatique etc…

François Fillon de ce point de vu là a du mal à avoir une bonne gestion des ressources humaines. Preuve en est des barons qui, plutôt d'être occupés à militer, se tirent dans les pattes et LUI tirent dans les pattes. 

Atlantico : Qu'est ce qui a fait le succès de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007 ?

Bruno Jeudy :Nicolas Sarkozy est parvenu à mettre tout le monde d'accord à droite. Il a fait passer toute les chapelles de la droite et du centre sous son joug. Il a pu se lancer dans la campagne avec une troupe en ordre serrée.  Après il y a le charisme de Nicolas Sarkozy, ses capacités d'inventivité avec cette idée selon laquelle il ne faut jamais rester une cible immobile. Il a réussi à imposer ses thèmes et créer des polémiques au bon moment pour empêcher la gauche de l'enfermer dans des clichés déjà connus à l'époque comme l'argent, ses amitiés sulfureuses, les formules assassines adressées à son propre camp. Il a bougé au point de faire tourner le débat autour de ses propositions et n'a pas laissé l'opposition alors dirigée par Ségolène Royale leur imposer leurs thèmes.  

L'autre point fort de Nicolas Sarkozy sur sa campagne de 2007 par rapport à François Fillon aujourd'hui, c'est son sens inné pour imposer son tempo dans les médias au point de fasciner jusqu'aux médias de gauche comme le Nouvel Observateur, le Monde et Libération. Ses discours écrits pas Henri Guaino usaient de la triangulation pour désarmer la gauche. On pense à ses tirades sur Jaurès, sur la défense des ouvriers, sur son opposition à la double peine, et sa capacité à séduire une partie du monde intellectuel et artistique. 

Il a également réussi tout au long de sa campagne à repousser la menace centriste incarnée par François Bayrou en ne lâchant rien sur son angle de campagne qui était plus à droite que ce qu'aucun candidat de droite n'a jamais fait avant lui, le tout en conservant un vernis libéral qu'il a su mélanger avec la martingale de l'ouverture. 

A noter tout de même le contexte radicalement différent de celui de François Fillon qui tient aux conditions de candidature de Nicolas Sarkozy qui achevait la conquête de l'UMP. Il  marquait une rupture avec la personnalité de Jacques Chirac. Son action en tant que Président de la République et ses positionnements politiques. Sarkozy est arrivé en campagne en janvier 2007 avec un parti totalement rassemblé y compris avec ses rivaux chiraquiens. Il a su créer une dynamique au sein de son camp qui lui a permis  de prendre l'ascendant sur sa rivale socialiste, Ségolène Royale. Nicolas Sarkozy a aussi bénéficié d'un Jean-Marie Le Pen vieillissant, fatigué qui n'est alors plus le candidat de 2002. Il n'était plus un rival.

Quelles leçons peuvent tirer François Fillon et l'ensemble du parti Les républicains aujourd'hui de cette campagne victorieuse de 2007 ?

Bruno Jeudy :La première leçon, consiste à ne pas subir. François Fillon, au-delà de l'affaire Pénélope Gate, n'a pas su trouver la bonne communication à l'exception de quelques coups précis. Il a subi les révélations du Canard enchaîné, l'exploitation qui en a été faite par certains médias et le tempo judiciaire sans jamais parvenir à reprendre la main. Mais il est difficile d'être percuté par une affaire qui est venue entacher son ADN d'exemplarité qui lui avait permis de remporter la primaire. Nicolas Sarkozy avait en son temps, réussi à ouvrir des contre feux pour éviter de se laisser enfermer dans une séquence négative. 

La gestion des médias et des réseaux sociaux est importante également. Il est très compliqué de faire face aux sollicitations des grands médias et des chaînes d'information en continu additionnés aux réseaux sociaux. Dans cette séquence, François Fillon paye ses mauvaises relations avec les médias. Il n'a pas bâti de relations fortes avec les médias. Il est resté très discret, voire indifférent. 

François Fillon paye son caractère solitaire. Cela constituait un avantage lors de la primaire. Avec le Pénélope Gate, il paye de ne pas avoir de "grognards" pour le défendre quoi qu'il arrive, quelques soient les faits qui lui sont reprochés. Il n'a pas gardé suffisamment de bonnes relations dans le milieu politique. Il est plutôt perçu comme un solitaire, pas un chef de bande. Tout le contraire de Nicolas Sarkozy en somme. 

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