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Discours sur l'état de l'Union : Donald Trump, héritier de Ronald Reagan
©Reuters

Ressemblance

Loin du dictateur fasciste dénoncé par les médias, le président Trump s’affirme comme le véritable héritier de Ronald Reagan. En matière de défense, d’économie et de déréglementation. Son discours devant le Congrès le démontrera encore.

Gérald Olivier

Gérald Olivier

Gérald Olivier est journaliste et  partage sa vie entre la France et les États-Unis. Titulaire d’un Master of Arts en Histoire américaine de l’Université de Californie, il a été le correspondant du groupe Valmonde sur la côte ouest dans les années 1990, avant de rentrer en France pour occuper le poste de rédacteur en chef au mensuel Le Spectacle du Monde. Il est aujourd'hui consultant en communications et médias et se consacre à son blog « France-Amérique »

Il est aussi chercheur associé à  l'IPSE, Institut Prospective et Sécurité en Europe.

Il est l'auteur de "Mitt Romney ou le renouveau du mythe américain", paru chez Picollec on Octobre 2012 et "Cover Up, l'Amérique, le Clan Biden et l'Etat profond" aux éditions Konfident.

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Ce 28 février,  Donald Trump prononcera son premier discours aux  élus du Congrès en tant que président des Etats-Unis. A l’occasion, il détaillera le projet de son administration et peut-être son budget. Les grandes lignes en sont déjà connues. Elles ont répétées discours après discours pendant la campagne électorale de 2016 : sécurité face au terrorisme islamique, contrôle des frontières et de l’immigration, renforcement de l’appareil militaire (une hausse de 10% du budget du Pentagone est envisagée), renégociation des traités commerciaux, rénovation des infrastructures économiques et relance de la production énergétique nationale et de la machine industrielle américaine…

A y regarder de près,  ce programme ressemble singulièrement à celui de Ronald Reagan en 1981. Cela ne devrait pas surprendre. "MakeAmerica Great Again",  "Rendre sa grandeur à l’Amérique", le slogan électoral de Donald Trump était déjà celui de la campagne présidentielle de Ronald Reagan. Certes le contexte international est différent. La guerre contre le terrorisme islamique a succédé à la Guerre Froide, mais il s’agit aujourd’hui comme hier de gagner, pas de gérer le status-quo. Pour le reste l’appel au renouveau économique et à l’indépendance énergétique sonne comme  un écho au "nouveau matin" que Reagan appelait hier de ses vœux. De même que la volonté reaganienne de libérer l’entreprenariat américain des chaines que l’Etat fédéral et les syndicats avaient placé sur lui, trouve son prolongement dans la volonté "trumpienne" de dérèglementer massivement l’économie.

Alors que les médias et l’opposition démocrate dénoncent Donald Trump comme un despote autoritaire et fascisant – sorte d’amalgame ignominieux d’Hitler, Mussolini et Berlusconi - c’est dans un passé plus récent, et strictement américain, qu’il convient de trouver sa véritable filiation.

La preuve en est encore venue ce week-end à National Harbor dans le Maryland avec la tenue du CPAC, (Conservative Political Action Convention) la réunion annuelle du mouvement conservateur américain. Dans la foulée de l’élection de Donald Trumpcette réunion était d’abord une célébration de la  victoire, aussi exaltante qu’inattendue, du camp conservateur. Ce fut ensuite un étalage des réformes attendues ou en cours. L’esprit de Ronald Reagan a été régulièrement invoqué et Donald Trumpy a été ovationné. Mais c’est la venue de Steve Bannon, son conseiller personnel, qui a fait sensation.

Bannon, est le stratège en chef de la nouvelle administration. Les médias le dépeignent comme l’éminence grise – voire carrément noire – du pouvoir; le cerveau du président (qui, bien sûr, en serait dépourvu !). Ilsen ont fait l’idéologue en chef de la Maison Blanche, le Savonarole du néo-populisme américain. Bannonest surtout un lieutenant de marine, ayant servi sept ans sous les drapeaux, et un diplômé de Georgetown et Harvard qui fut banquier d’affaires pour Goldman Sachs avant d’intégrer la politique par le biais du journalisme engagé.

Bannon s’exprime rarement. Mais cette fois, devant un parterre de partisans enthousiastes, il a répondu pendant vingt minutes aux questions et révélé en toute candeur les grands axes de l’action de Donald Trump.

Ces axessont au nombre de trois. "Le premier concerne la souveraineté et la  sécurité nationale, il inclut tout ce qui touche à la protection du territoire… Le second concerne le nationalisme économique et passe par la révision, voire le  retrait, des accords de libre échange qui plombent l’économie américaine et l’emploi… Le troisième touche à la déconstruction de l’Etat administratif, c’est-à-dire à un vaste effort de déréglementation."

Cette présentation et en particulier son troisième point ont été salués par une salve soutenue d’applaudissements. Bannon parlait aux initiés. L’expression "déconstruire l’Etat administratif" revêt un sens particulier aux Etats-Unis à quiconque a fréquenté les rangs conservateurs au cours des quarante dernières années. Les démocrates peuvent s’interroger sur son sens, les conservateurs le connaissent. Il s’agit de revenir sur les intrusions toujours plus poussées de l’Etat dans la vie quotidienne des individus et des entreprises. C’est-à-dire détricoter maille par maille le carcan des règlementations mises en place depuis un demi-siècle et qui ont fini par étouffer la créativité et le dynamisme américains. "Au cours des récentes décennies, a expliqué Steve Bannon, à chaque fois qu’une loi voulue par la gauche a été rejetée par le Congrès, elle est revenue sous la forme d’une règlementation imposée par une agence fédérale, dirigée par des bureaucrates au mépris du processus législatif… Tout cela c’est fini. Nous allons le déconstruire.".

Cette promesse est une hantise pour la gauche... et un graal pour les conservateurs. Ils attendent ce moment depuis Ronald Reagan qui le premier avait osé défier la machine fédérale à tout contrôler et tout codifier. Les agences en question sont légions. Elles incluent l’EPA,  l’Agence pour la Protection de l’Environnement, la FDA (surveillance alimentaire), la FCC (communications), l’OSHA (santé du travail) la CPSC (consommation) et des centaines d’autres avec chacune son budget, et sesfonctionnaires non élusagissant au nom d’un bien commun indéfinissable et infiniment tyrannique. Leur nombre exact est inconnu. Tout comme celui de leur personnel. Le FederalRegister(journal officiel du gouvernement américain) en dénombre 257. Un rapport du Sénat de 2015 parlait de 430 départements, agences et sous-agence, et près de trois cent mille employés. Le registre des règlementations fait 80 000 pages aux Etats-Unis. Au cours du mandat de Barack Obama ce sont pas moins de vingt-deux mille nouvelles règlementations qui ont été mises en place, pour un coût économique total estimé à 2 000 milliards de dollars par an, soit plus que ce que rapporte la collecte de l’impôt sur le revenu…

La dérèglementation annoncée renvoie aussi à un débat qui touche au cœur même de la démocratie américaine, celui sur le rôle de l’Etat, entre partisan du "limitedgovernment", c’est-à-dire d’un Etat restreint, et les partisans du  "biggovernment", d’un Etat interventionniste et régulateur. Par son esprit "libertarien", l’approche de Donald Trump se place en héritière de Ronald Reagan qui dans une expression restée célèbre estimait que "le gouvernement ne fait pas partie de la solution, mais du problème».

Une première vague de règlementations avaient été mise en place au tournant du vingtième siècle sous l’impulsion des progressistes et du président Teddy Roosevelt. Il s’agissait d’encadrer un capitalisme alors véritablement sauvage. Mais tout est vraiment parti de Franklin DelanoRoosevelt (FDR, neveu de Teddy )et de son New Deal. Jusqu’à alors le gouvernement fédéral était une administration quasi provinciale reléguée à Washington quand le cœur économique du pays battait à New York, Chicago et Los Angeles. Ses fonctions étaient peu nombreuses, son budget limité, et sa foi économique placée dans le "laisser-faire". La crise de 1929 mit en évidence  les limites de cette approche. Elu président en 1932, FDR a fait du gouvernement un acteur clé de l’économie, avec une politique industrielleplanifiée, un double soutien aux syndicats ouvriers et aux banques d’investissement, et un programme de grands travaux pour moderniser le pays. Cette politique s’est poursuivie au-delà de la Grande Dépression avec l’entrée dans la deuxième guerre mondiale puis la période de guerre froide. De sorte que la bureaucratie washingtonienne est devenue une nouvelle réalité aux Etats-Unis et que le rôle interventionniste et régulateur de l’Etat est entré dans les moeurs. D’un côté, la forte croissance économique  permettait d’absorber sans trop de dommages le coût des nouvelles règlementations. De l’autre ces règles étaient vues comme essentielles pour corriger les maux de l’industrialisation –pollution, dégradations, contaminations, etc . Pour la gauche, ces règlementations représentaient aussi un progrès social, la primauté de la politique  sur l’économie, du progressisme sur le capitalisme, de la raison sur l’argent. Seul le ralentissement de la croissance observé à partir des années 1970 fit se réveiller chez les conservateurs la volonté de restreindre l’emprise sans cesse croissante de l’Etat sur la vie et l’économie du pays. Reagan en fit un de ses chevaux de bataille. Avec un succès limité. Depuis, chaque cycle électoral est marqué par la volonté, côté républicain, de restreindre les pouvoirs du gouvernement. Sans effet réel. Donald Trump ne fait pas exception, sinon par sa détermination.

Donald Trumpn’est pas un dirigeant comme les autres. Ce n’est pas un homme politique de carrière. Reagan ne l’était pas non plus. Etant milliardaire il n’a besoin de l’argent de personne et peut ainsi maintenir les lobbies et les intérêts corporatistes à distance. Surtout il affiche l’intention (invraisemblable en politique) de tenir ses promesses et ne semble pas décidé à modérer ses ambitions. Les élus peuvent en général être calmés, amadoués, bernés, par l’environnement du pouvoir et le besoin d’y ménager des alliances. Pas Donald Trump. C’est un bulldog obtus. Un hyperactif compulsif qui s’estime investi d’une mission et qui entend la remplir. C’est d’ailleurs ce qui fait tant peur à la gauche et explique la virulence de son opposition.

Ronald Reagan en son temps avait également été dénoncé comme un cowboy fou, un  extrémiste dangereux, et un inculte ne connaissant de l’histoire que la version Hollywoodienne… Des qualificatifs, peu ou prou, collés à Donald Trump aujourd’hui. Ce qui ne fait que renforcer leur filiation.

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