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Et pendant ce temps-là François Hollande courtisait les francs-maçons : mais quels sont les candidats préférés des loges ?
©Reuters

En visite

François Hollande s'est rendu au musée de la franc-maçonnerie hier. C'est la première fois qu'un président en exercice se rend dans une loge maçonnique. Cette entité qui agit comme un laboratoire d'idée continue à exercer sa présence auprès des candidats qui veulent être vus.

Emmanuel Pierrat

Emmanuel Pierrat

Emmanuel Pierrat est avocat au Barreau de Paris et écrivain.

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Emmanuel Pierrat récemment publié "Les francs-maçons et le pouoir aux éditions FIrst

Atlantico : François Hollande s'est rendu lundi 27 février au musée de la franc-maçonnerie à Paris. Pour quelles raisons s'y est-il rendu selon vous ?

Emmanuel Pierrat : Il faut tout d'abord signaler que c'est la première fois qu'un chef de l'Etat en activité se rend dans une loge maçonnique. Il se permet de le faire parce qu'il ne se représente pas. C'est un risque politique de s'afficher officiellement dans une obédience maçonnique. Les candidats sont régulièrement invités à plancher au sein d'une loge. De plus, cette année, nous célébrons les 300 ans de la franc-maçonnerie qui est née en Angleterre et qui s'est étendue à la France par la suite. La France à une histoire complexe avec la franc-maçonnerie. Il y avait un hommage à rendre. C'était le thème de son discours aujourd'hui. 

Quel est leur influence et leur rôle dans cette campagne ? Pourquoi est-elle moins présente que pour celle de 2012 par exemple ? 

Depuis sa naissance, la franc-maçonnerie a eu des contacts très proches avec le pouvoir. Dès la monarchie, Louis XV a été initié. On compte deux périodes de répression à la Restauration et sous le régime de Vichy. Pétain a chassé, arrêté et fusillé les francs-maçons. Mise à part ces deux périodes, la franc-maçonnerie a fait couple avec le pouvoir, principalement républicain et même durant le pouvoir de Napoléon Bonaparte. La troisième République était la République des francs-maçons. Les loges sont un lieu de réflexion, de proposition pour le pouvoir. C'est un laboratoire d'inventions sociales et politiques comme les lois sur la crémation, les cimetières publics non religieux comme par exemple le Père Lachaise et Montmartre. Les francs-maçons ont porté l'instruction publique obligatoire pour les filles et pour les garçons par le frère Jules Ferry. La franc-maçonnerie, c'est aussi la loi de 1905 sur la séparation de l'Eglise et de l'Etat. C'est le décret Crémieux pour que les juifs deviennent des citoyens français. Les francs-maçons ont lutté pour l'instauration du Code du Travail, la sécurité sociale, que les femmes puissent avoir le droit de disposer de leur corps, pour la création des plannings familiaux, l'accouchement sans douleurs. C'est aussi avec les francs-maçons que Simone Veil a pu présenter sa loi sur l'avortement. Il y a un vrai héritage qui se poursuit avec le droit à mourir dans la dignité. François Hollande est venu rendre hommage à cet héritage dans les 300 ans que célèbre la franc-maçonnerie. 

Par rapport à la présidentielle, il est vrai que la franc-maçonnerie est moins impliquée cette année. C'est un débat de savoir s'il faut ouvrir les tribunes aux candidats qui se déroulent au sein des loges. Le nouveau grand maître, Christophe Habas est moins porté sur la politique même s'il se dit clairement de gauche. Toutefois, Nathalie Kosciusko-Morizet est venue lors de la campagne pour la primaire de la droite. De nombreux ministres et députés sont venus eux-aussi dans les locaux du Grand Orient. Ces rencontres sont moins organisées, moins structurées qu'il y a cinq ans ou lors des précédentes élections. Les candidats sont très demandeurs pour venir expliquer leur projet aux frères ou bien le tester. La franc-maçonnerie compte 300.000 initiés et 170.000 actifs dans une couche de population qui est à bac+5. Il y a aussi une fraternelle parlementaire avec des élus, une centaine issue de l'Assemblée Nationale, du Sénat ou du Conseil Economique Sociale et Environnemental. C'est une force de proposition qui n'influence pas pour autant ou complote d'une certaine façon, tout comme l'église catholique ou d'autres courants idéologiques.

Quelles sont les valeurs qu'ils mettent en avant, dont ils font la promotion dans le contexte politique actuel ?

La valeur première défendue par les francs-maçons est la laïcité. Elle semblait ignorée ces dernières années. Elle était là mais personne n'y faisait attention concrètement. On voit comme elle est menacée par le port du voile, les terroristes. Voyez comme les terroristes nous désignent comme cible parce que la France est un pays laïc. Les discours de Daesh sont formulés contre la France en raison de son caractère laïque. Marine le Pen revendique elle aussi la laïcité avec une vision qui n'est pas celle de l'esprit de la loi de 1905 portée par les francs-maçons. C'est une façon pour elle de mener sa guerre contre les immigrés et les musulmans. 

La franc-maçonnerie, est en faveur d'une laïcité contre les crèches religieuses dans les mairies, contre le voile. Il n'y a pas de distinctions de religions. La loi de 1905, c'est l'absolue neutralité qui doit régner dans l'espace public, pas seulement dans le service public. L'interdiction du voile à l'Université est une des mesures défendues par la franc-maçonnerie. 

Quels problèmes un François Fillon qui se dit chrétien peut-il leur poser ? Ou un Hamon qui n'est pas du tout sur la laicité de Valls ?

Manuel Valls a été initié au Grand Orient, donc il est plus laïc que Benoit Hamon. Il ne fréquente plus les loges. Benoit Hamon n'est pas sur la même ligne mais il porte des idées qui plaisent à la franc-maçonnerie comme le revenu universel. Cela fait très longtemps qu'il y a des groupes de travail sur ce sujet, mais tous le monde n'est pas d'accord. Toutes les sensibilités républicaines sont représentées. Il y a des gens de droite, des gens de gauche, des centristes, des libéraux, des sociétaux. Le camp Hamon porte un certain nombre de valeurs même si sa vision de la laïcité ne correspond pas à celle de la franc-maçonnerie.

François Fillon pose d'autres problèmes. Il y a une vraie difficulté sur une de ses positions : sa religion. L'affichage de sa religion est une difficulté. Mais elles n'empêcheront pas certains membres de voter pour lui lors des élections. C'est le cas avec chaque candidat, Emmanuel Macron, Jean-Luc Mélenchon. Chacun a le droit de croire ou pas. Mais il est interdit de mettre sa religion en étendard. L'attitude de François Fillon est en cela beaucoup plus problématique.

Qui soutiennent-ils dans cette campagne ?

Officiellement, la franc-maçonnerie ne soutient personne. Il est difficile de dire qui arriverait en tête de ce scrutin. Une candidate qui ne porte pas les valeurs de la franc-maçonnerie est Marine le Pen. En décembre, un candidat du rassemblement bleu marine a été radié de l'ordre du Grand Orient de la franc-maçonnerie. Il s'agissait d'un suppléant aux futures élections législatives. D'autres membres ont été exclus comme Jean-Pierre Soisson qui s'était rapproché du Front National pour garder sa circonscription. Le NPA n'est pas non plus bien vu. Mais pour le reste, c'est ouvert. Il y a des libéraux proches de Macron, des anarchistes. Louise Michel était maçonne. Fillon aurait des soutiens, mais moins que Nathalie Kosciusko-Morizet. Alain Juppé est maire d'une ville, Bordeaux ou les francs-maçons se sont installés il y a trois siècles. Ce n'est pas le cas de François Fillon, résident de Sablé Sur Sarthe voisine de l'abbaye de Solesmes qui a hébergé Maurice Papon n'est maçonno-compatible. 

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