Les meilleurs produits du monde mais une augmentation des importations : le désolant paradoxe de l'agriculture française<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Santé
Les meilleurs produits du monde mais une augmentation des importations : le désolant paradoxe de l'agriculture française
©Antoine Jeandey - WikiAgri

Bonnes feuilles

Comment nourrir demain le monde alors que l’humanité continue de s’accroître, qu’elle s’urbanise et s’enrichit, et qu’il faut protéger la planète ? Les agriculteurs tiennent notre avenir entre leurs mains. Mais en France, ils souffrent de leurs conditions de travail, comme des critiques qu’ils subissent. Beaucoup se découragent. Nous risquons de perdre notre richesse agricole. Extrait de "Plaidoyer pour nos agriculteurs" de Sylvie Brunel aux Editions Buchet-Chastel (1/2).

Sylvie Brunel

Sylvie Brunel

Sylvie Brunel, Geographe, Ecrivain, spécialiste des questions agricoles, a notamment publié "Nourrir, cessons de maltraiter ceux qui nous font vivre" (Buchet-Chastel), grand prix du livre eco 2023. Et "Sa Majesté le Maïs" (le Rocher) parution le 14 février 2024. 

Voir la bio »

Les attentes des consommateurs sont fortes. Ils veulent de la traçabilité, de la transparence, de la qualité… Mais aussi des prix bas, ce qui les transforme en consommateurs féroces dès qu’ils poussent la porte d’un supermarché. Pour la grande majorité des Français, le prix est déterminant dans le choix d’un produit alimentaire. Et comment les en blâmer ? Mais il y a une contradiction fondamentale entre vilipender l’agriculture conventionnelle et opter, au moment de l’acte d’achat, pour les produits les moins coûteux, généralement importés de pays qui sont loin d’appliquer les mêmes normes que  la France. On aboutit ainsi au paradoxe que les agriculteurs français se sont mis à produire les meilleurs aliments du monde pour répondre aux attentes sociétales, mais que les importations alimentaires de la France augmentent, pour faire venir de pays tiers, y compris européens, des produits moins chers parce qu’ils ne subissent pas les mêmes contraintes sociales et environnementales. La restauration collective notamment, surtout quand elle est publique, privilégie les produits importés parce qu’elle est obligée de tirer les prix au maximum. Quelle contradiction !

Ni les filières de transformation, ni la grande distribution ne paient le juste prix à l’agriculteur, le prix qui rémunère son travail. Quant au consommateur, il privilégie trop souvent les pois gourmands venus de Chine par cargos entiers (ne parlons pas des émissions de gaz à effet de serre…) et produits dans les conditions les plus douteuses, à ceux de l’agriculteur local, plus chers parce que ce dernier s’astreint à payer la main d’œuvre au SMIC et à respecter des critères de qualité draconiens. Sur ce point, nous avons en Europe une des règlementations les plus exigeantes… Et non seulement la France transpose les directives européennes, déjà très pointilleuses, en les alourdissant, mais les cahiers des charges de la grande distribution comme des industriels de l’agroalimentaire alourdissent encore les impératifs que doit respecter l’agriculteur, sous peine de se voir refuser le fruit de son travail. Et quand le camion de céréales ou d’œufs est déclassé, il est bradé à bas prix ou détruit, engendrant un immense gaspillage et un profond découragement chez celui qui comprend qu’il ne pourra pas payer ses traites, rembourser la banque… Ne parlons même pas de partir en vacances !

Chaque année, des millions d’agriculteurs quittent les campagnes et viennent grossir les villes dans le monde, cessant de cultiver la terre qui ne parvient pas à les faire vivre. Cette immense fuite des campagnes est toute l’histoire de l’humanité. Face à la misère rurale, le confort urbain. Face à la dépendance envers les caprices du ciel et le pouvoir du marchand, la ville, lieu de stockage de la nourriture et d’un immense gisement d’opportunités. On vit plus longtemps dans les villes du Sud que dans les campagnes du Sud. Les Chinois, qui anticipent les enjeux alimentaires de demain, rachètent ainsi de plus en plus de terres en France, dans les campagnes isolées comme dans les beaux vignobles du Bordelais. La nourriture a un prix, une valeur. Il faut des modèles agricoles qui permettent à tous ceux qui nous nourrissent de vivre décemment, pas juste de la bonne conscience sur des marchés de niche. Il est urgent de repenser notre rapport à ceux qui nous nourrissent !

Extrait de "Plaidoyer pour nos agriculteurs"  de Sylvie Brunel, chez Buchet-Chastel

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !