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10 clés pour assurer sa défense 
dans une procédure HADOPI
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Riposte

Si vous avez reçu une lettre d'HADOPI vous reprochant d'avoir téléchargé illégalement une œuvre protégée par des droits d'auteur, tout n'est pas encore perdu. Me Antoine Chéron a répertorié 10 angles possibles pour vous défendre.

Antoine Chéron

Antoine Chéron

Antoine Chéron est avocat spécialisé en propriété intellectuelle et NTIC, fondateur du cabinet ACBM.

Son site : www.acbm-avocats.com

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Les premiers dossiers de téléchargements illégaux gérés par l’HADOPI ont été transmis au Procureur et vont être, pour certains, transmis aux tribunaux. Les avocats vont devoir, par conséquent, assurer la défense de leurs clients qui encourent une contravention et la suspension de leur abonnement internet.

Clé n°1 : Intervenir dès le début de la procédure

Si l’avocat n’intervient qu’au stade de l’ordonnance pénale, il ne pourra pas intercéder en faveur de son client devant le juge, le débat n’étant pas contradictoire (cf. clé n°10). En revanche, l’avocat a un rôle à jouer dès réception par l’intéressé de la recommandation de la Commission de Protection des Droits (CPD). Il pourra ainsi tout mettre en œuvre pour éviter la transmission du dossier au Parquet.

Clé n°2 : Vérifier la validité de la saisine de la CPD

La saisine de la Commission n’est recevable que si la procédure détaillée aux articles L. 331-24 et R.331-35 du CPI est respectée. Notamment, il convient de s’assurer que les faits dont la Commission est saisie ne remontent pas à plus de six mois (L.331-24 al 3).

Clé n°3 : Refuser ou préparer la convocation devant la CPD

L’article R.331-40 du CPI dispose que l’abonné ayant reçu une recommandation de l’HADOPI a la possibilité de présenter des observations (via un formulaire disponible sur le site internet de la Haute Autorité) et de solliciter une audience devant la Commission. Par ailleurs, la CPD peut d’elle-même convoquer l’intéressé. Les textes ne précisent pas si celui-ci peut refuser de s’y présenter ; cependant, aucune sanction n’est prévue pour l’y contraindre. Or, l’intérêt de l’abonné est de ne pas fournir à la CPD plus d’éléments que ceux contenus dans le procès-verbal de constat du téléchargement.

Si la convocation a néanmoins lieu, il convient de noter que l’abonné peut se faire assister de  son conseil (art L.33-21-1 CPI). A cet effet, l’intéressé pourra garder le silence et exercer son droit de ne pas s’incriminer lui-même. A ce titre, si la teneur de l’entretien ne lui est pas favorable, il conviendra de ne pas signer le procès-verbal de convocation, ce que permet l’article R.331-41.

Si au contraire, il peut être démontré que le client peut bénéficier d’un "motif légitime" pour ne pas avoir sécurisé sa connexion, exception visée à l’article R.335-5 du CPI, il sera consigné au PV. A titre d’exemple, si l’abonné réside à l’étranger, il n’a pu ni télécharger lui-même ni sécuriser son système contre « les pirates ».

Ces prescriptions sont essentielles car sans la contribution involontaire de l’intéressé, la CPD aura le plus grand mal à démontrer que les conditions de l’article R.335-5 du CPI sont réunies.

Clé 4 : Démontrer qu’il n’y a pas « négligence caractérisée »

Conformément à l’article R.335-5 du CPI, « constitue une négligence caractérisée, le fait, sans motif légitime (…):

1° Soit de ne pas avoir mis en place un moyen de sécurisation de cet accès ;

2° Soit d'avoir manqué de diligence dans la mise en œuvre de ce moyen (…) »

Il ressort de cet article que le défaut de sécurisation de l’accès internet est un élément constitutif de l’infraction. Afin de respecter la présomption d’innocence, la charge de la preuve relative à la sécurisation de la connexion pèsera sur le parquet. Or si celui-ci ne dispose que du procès-verbal de constat délivré par TMG dont le seul intérêt est d’établir un lien entre l’adresse IP et une œuvre téléchargée, le défaut de sécurisation ne sera pas établi.

A défaut de témoignage incriminant de l’abonné, le parquet aura évidemment le pouvoir de diligenter une enquête de police voire une instruction avec expertise ou audition ; néanmoins ces mesures longues et coûteuses, empêcheraient l’application d’une procédure pénale simplifiée.

Clé n°5 : Démontrer que les conditions de l’article 495 du Code de Procédure Pénale ne sont pas remplies

La raison d’être de l’HADOPI est de fournir aux ayants-droits un outil simple, peu coûteux et efficace afin d’identifier et de sanctionner les personnes qui téléchargent des contenus protégés sans en avoir l’autorisation en évitant les contraintes des procédures judiciaires classiques. C’est pourquoi, l’article 495 du CPP qui prévoit la possibilité de recourir à une ordonnance pénale, a été modifié pour y inclure les actes de contrefaçon « commis au moyen d'un service de communication au public en ligne».

Or cette procédure simplifiée n’est envisageable que si : « les faits reprochés au prévenu sont simples et établis, que les renseignements concernant la personnalité, les charges et les ressources de celui-ci sont suffisants pour permettre la détermination de la peine, qu'il n'apparaît pas nécessaire, compte tenu de la faible gravité des faits, de prononcer une peine d'emprisonnement ou une peine d'amende d'un montant supérieur à celui fixé à l'article 495-1 et que le recours à cette procédure n'est pas de nature à porter atteinte aux droits de la victime. »

Ainsi, à défaut d’élément probatoires attestant d’une négligence caractérisée,les faits ne pourront pas être qualifiés de « simples et établis ».

Par ailleurs, si l’intéressé refuse de fournir à la CPD « ses charges de famille et ses ressources » (R.331-40 du CPI), la procédure simplifiée ne pourra pas être envisagée.

Clé n°6 : Soulever la nullité de la recommandation

Il convient de vérifier si les conditions de forme des avertissements et de la recommandation reçus par l’abonné sont conformes aux prescriptions de l’article L.331-25 du CPI. Doivent être indiqués entre autres, l’identité de l’intéressé ainsi que la date et l'heure des faits. L’article L.336-3 du CPI et les sanctions encourues en cas de « négligence caractérisée », doivent également être mentionnés.

En particulier, la recommandation doit  contenir « une information sur l'offre légale de contenus culturels en ligne » et « sur l'existence de moyens de sécurisation permettant de prévenir les manquements à l'obligation définie à l'article L. 336-3 ainsi que sur les dangers pour le renouvellement de la création artistique et pour l'économie du secteur culturel des pratiques ne respectant pas le droit d'auteur et les droits voisins». Or cette obligation est appliquée a minima par la CPD et il pourra être intéressant d’en contester la validité devant un juge.

Clé n°7 : Soulever la nullité du procès-verbal

Les conditions de validité du procès-verbal de constat prescrites par le code de la propriété intellectuelle sont peu nombreuses, ce qui est d’autant plus étonnant que ce PV est réalisé par un sous-traitant privé et non par l’HADOPI, qui est pourtant une Autorité Administrative Indépendante. Néanmoins il importera de vérifier la conformité du PV avec les articles L.331-21-1 et R.331-41.

Clé n°8 : Contester la pertinence du Procès-Verbal

Le Rapport d’expertise de M. Znaty, commandé par l’HADOPI et rendu le 16 janvier 2012, indique que le PV constitue une preuve « robuste » de la contrefaçon. Malgré cela, l’HADOPI ne pourra pas se prévaloir de ce rapport car, en application de l’article 1315 du code civil, on ne peut se constituer de preuves à soi-même. Par ailleurs, comme il n’existe pas de procédure de contrôle du système TMG, le contenu du PV pourra également être contesté.

Clé n°9 : Sécuriser sa connexion internet

L’élément constitutif de l’infraction étant le défaut de sécurisation de la connexion internet, la preuve de l’installation d’un système de protection suffit à démontrer l’absence de « négligence caractérisée » de la part de l’abonné.

Clé n°10 : Faire opposition à l’ordonnance pénale

Si une ordonnance pénale est prononcée, l’article 495-6 du code de procédure pénale prévoit que dans un délai de 45 jours, le prévenu peut faire opposition et demander la tenue d’un débat contradictoire. Devant le Tribunal Correctionnel, l’avocat pourra alors faire valoir ses arguments de défense.

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