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Ce à quoi pourrait mener la nostalgie des juppéistes pendant un quinquennat Fillon
©Thomas SAMSON / AFP

Mise en garde

En l'absence d'une candidature indépendante de François Bayrou - qui a proposé mercredi 22 février une alliance à Emmanuel Macron - et face à François Fillon qui semble représenter le choix de la raison mais pas celui du cœur, les "Juppéistes" risquent bien de se retrouver sans candidat pour les représenter.

Jean-Thomas Lesueur

Jean-Thomas Lesueur

Titulaire d'un DEA d'histoire moderne (Paris IV Sorbonne), où il a travaillé sur l'émergence de la diplomatie en Europe occidentale à l'époque moderne, Jean-Thomas Lesueur est délégué général de l'Institut Thomas More

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Olivier Rouquan

Olivier Rouquan

Olivier Rouquan est docteur en science politique. Il est chargé de cours au Centre National de la Fonction Publique Territoriale, et à l’Institut Supérieur de Management Public et Politique.  Il a publié en 2010 Culture Territoriale chez Gualino Editeur,  Droit constitutionnel et gouvernances politiques, chez Gualino, septembre 2014, Développement durable des territoires, (Gualino) en 2016, Culture territoriale, (Gualino) 2016 et En finir avec le Président, (Editions François Bourin) en 2017.

 

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Atlantico : Alain Juppé l'a déclaré sur son blog : François Fillon est le "choix de la raison". On comprend ainsi que ce n'est pas celui du cœur. Désormais et en l'absence d'une candidature indépendante de François Bayrou, les "Juppéistes" sont-ils contraints à l'insatisfaction ? 

Olivier Rouquan : Disons que, par définition, les sympathisants de la droite classique et modérée n’ont pas de candidat en propre à soutenir. Tel est le cas depuis la fin du chiraquisme. Ils vont donc, au vu de la campagne, se départager entre François  Fillon et Emmanuel Macron, qu’ont déjà rejoints quelques Juppéistes et que rallie désormais François Bayrou, dont on sait la proximité qu’il entretient avec Alain Juppé.

Jean-Thomas Lesueur : Je ne le crois pas. D’abord, parce que c’était le jeu de la primaire : les perdants rallient le vainqueur. François Fillon n’était pas leur premier choix mais il a été au final, et à la loyale, celui de leur famille politique. Une partie d’entre eux se reportera bien sûr sur Emmanuel Macron, mais je pense qu’une large majorité des juppéistes votera pour François Fillon. Certains, bien sûr, peuvent être rebutés par "l’affaire Fillon" mais ni plus, ni moins que les électeurs d’autres sensibilités à droite…

Je sais bien que les sondeurs nous disent que l’électorat est devenu beaucoup plus volatile, beaucoup moins fidèle qu’auparavant. Mais la sociologie et la moyenne d’âge du "segment électoral" juppéiste me font penser qu’ils resteront majoritairement au bercaille. Les "prises de guerre" de quelques membres de l’ancienne équipe d’Alain Juppé par Emmanuel Macron ne font pas une tendance électorale.

François Bayrou aurait pu être une sorte de "père de substitution" pour eux, ayant soutenu Alain Juppé lors des primaires. Cependant, il a déclaré ce mercredi qu'il proposait une alliance à Emmanuel Macron. Une fuite des électeurs "juppéistes" vers le candidat d' "En Marche !" est-elle possible ?

Olivier RouquanCombien seront-ils à le rallier ? Il est trop tôt pour le savoir, car les événements de campagne vont compter. La fragilité des soutiens est certaine, renforcée par l’incapacité des candidats à communiquer sur leurs idées jusqu’à présent. Donc, leur faculté à capter les anciens électeurs d’Alain Juppé dépendra de l’équilibre global qui se dégagera de leurs propositions.

François Fillon commence à lisser quelques aspects (la santé), mais il a aussi rappelé sa position assez dure sur la sécurité, qui pourrait déplaire à certains centristes... Quant à Emmanuel Macron, sa technique des "coups" par provocation a un avantage : elle permet de tester de nouvelles lignes et donc le nouveau sens à donner aux clivages pertinents. Mais elle a l’inconvénient de choquer une partie des électeurs qu’il veut capter par priorité, assez modérés et prudents. François Bayrou va compter dans la campagne de Macron pour essayer de subvertir d’anciens électeurs de Alain Juppé.

Jean-Thomas Lesueur : Je ne le crois pas non plus. Je ne crois pas que l’annonce de François Bayrou soit de nature à faire bouger sensiblement les lignes. D’abord, parce que les électeurs juppéistes ne voulant pas voter Fillon n’ont pas attendu François Bayrou pour rallier Emmanuel Macron et sont donc déjà pris en compte dans les sondages. Ensuite, parce qu’il ne faut pas surestimer l’influence de François Bayrou !

Il bénéficie plutôt d’une bonne réputation et assurément d’une bonne visibilité médiatique (sans commune mesure avec son poids électoral) mais il est sans troupe et a, depuis belle lurette, déboussolé aussi bien les gens de gauche que les gens de droite qui avaient, un temps, cru dans l’aventure du Modem.

Ce qu’il peut éventuellement apporter à Emmanuel Macron, en fonction de la place qu’il tiendra dans le dispositif de celui-ci (ce qu’on ignore à ce jour), c’est de la substance et de la structuration dans sa campagne. Mais des cohortes d’électeurs, j’en doute assez. Peut-être un, deux ou trois points, ce qui n’est pas négligeable bien sûr. Mais pas de quoi lui garantir sa qualification pour le deuxième tour de la présidentielle…

Si cet électorat continue de voter pour François Fillon, en cas de victoire de ce dernier, est-ce que les anciens partisans du maire de Bordeaux pourraient incarner une sorte d'alternative de droite à un gouvernement Fillon ?

Olivier Rouquan : SI François Fillon gagne, ils vont peser par la suite et se rallieront pleinement si celui-ci a l’habileté de les récompenser ; dans ce cas, conformément aux règles de la Ve République, il tiendra une majorité, à condition ne l’oublions pas, de la gagner préalablement lors des législatives, ce qui va peut-être moins de soi qu’auparavant dans ce contexte aussi mouvant...

Les difficultés ne manqueront pas et en fonction du cap fixé pour les réformes, si le programme clive trop (fonction publique, sécurité, Etat providence…), les Juppéistes seront incités à faire entendre leurs différences et pourront causer des difficultés au gouvernement... Une sorte de fronde. Dans tous les cas, François Fillon s’il est élu, aura du mal à tenir unie la droite tripartite sortie de la primaire, d’autant que la pression du Front national sera forte, dès les législatives et après. Il est ainsi probable que le Front national aura cette fois-ci plus de députés…

Jean-Thomas Lesueur Je ne suis pas sûr que la menace de la constitution d’un groupe de "frondeurs", en cas de victoire de François Fillon, vienne du camp juppéiste ! Regardez plutôt du côté d’un autre candidat malheureux de la primaire…

L’hypothèse qu’un tel groupe voie le jour et qu’une présidence Fillon, si elle prend forme, soit une présidence chahutée est plausible mais cela ne sera pas le fait des juppéistes. D’autant qu’il n’est pas dit que le dit-courant se maintienne très longtemps. Un groupe sans leader et sans "but de guerre" ne survit pas longtemps en politique. Dit autrement, je ne suis pas convaincu que le juppéisme soit un élément très structurant de la vie politique française dans les années qui viennent.

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