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Mais comment expliquer cet étrange fétichisme français pour le chiffrage des programmes présidentiels quand ceux de la plupart des candidats sont totalement irréalisables ?
©Reuters

Atlantico Business

Alors que les principaux candidats à la présidentielle sont entrés dans une bataille de programmes et de chiffres, l'ancien ministre de l'Economie refuse de participer à ce bal des illusionnistes. Et il a raison.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Alors que les principaux candidats à la présidentielle sont entrés dans une bataille de programmes et de chiffres, Emmanuel Macron fait de la résistance. Il a raison de rester en marge et de ne pas aligner les milliards d’euros aux milliers d’emplois. Il a raison de ne pas participer à ce championnat des illusionnistes. Il a raison, à condition de préciser son ambition, sa vision et la cohérence des moyens avec les contraintes qu’il doit assumer.

Les électeurs ont besoin de savoir où ils vont et comment ils y vont. Ils n’ont jamais demandé de machine à calculer miraculeuse.

Cette pseudo-exigence du chiffrage chez les hommes politiques est assez récente. Elle date du moment où la croissance économique n’a plus été au rendez vous pour financer les promesses électorales.

Les hommes politiques ont toujours pensé que pour être élus, il fallait faire des promesses qui étonnent et font rêver. En fait, le métier n’était pas difficile, l’homme politique, du maire au député, en passant par les ministres et le président, passe son temps à caresser l’électeur dans le sens du poil et finalement à acheter des voix. Pendant plus d’un demi-siècle, la croissance économique leur a permis de payer le prix de ce qu’ils promettaient. Quand la croissance a fléchi à l’aube du 21e siècle, ils ont commencé à endetter la France. Mais ça marchait encore. Alors on a inventé l’euro. On a expliqué que l’euro devait nous contraindre tous à la rigueur. En réalité, l’euro a permis aux uns de payer pour les autres. Les fourmis du nord de l’Europe ont accepté de travailler pour les cigales du sud.  Mais là encore, ceux qui paient se fatiguent et grognent. 

Aujourd’hui, on sent bien que nous sommes arrivés au bout du bout de ce système. La croissance est partie dans les pays émergents et les vieux pays débordent de dettes.

Seulement voilà, les hommes politiques n’ont pas changé leur habitude. Ils continuent de promettre monts et merveilles. François Hollande a été élu sur un tissu de projets qu’il n’a jamais pu délivrer. Il n’a donc pas pu se représenter.

Aucune importance, la campagne présidentielle qui démarre redouble de promesses qui ne seront sans doute pas réalisables. Et pour paraître plus crédibles, la majorité des candidats n’hésite plus à chiffrer leurs promesses.

Marine Le Pen s’engage à "soutenir les entreprises françaises face à la concurrence internationale déloyale par la mise en place d’un protectionnisme intelligent et la mise en place d’une monnaie nationale adaptée" ce qui, au passage, ne signifie strictement rien.

Pour les salaires, elle promet de fixer l’âge légal de la retraite à 60 ans avec 40 annuités de cotisations pour percevoir une retraite pleine. Ce qui là encore ne signifie pas grand chose puisque pour avoir 40 annuités pleines, il fallait avoir commencé à travailler à 20 ans et ne pas avoir connu un seul mois de chômage.

Et pour payer tout cela, "elle entend sortir de la dépendance aux marchés financiers en autorisant le financement direct du trésor par la banque de France". Bref le processus proposé est magique.

Jean-Luc Mélenchon propose un plan de relance de 275 milliards d’euros sur 5 ans pour gagner, au bout du compte, 0,5% de croissance et 100 000 emplois. C’est à dire qu’il dépense 275 milliards d’euros pour gagner 50 milliards en richesses supplémentaires. Quel exploit ! Quel gaspillage surtout !  Le programme de Jean-Luc Mélenchon est une montagne d’absurdités. 

Benoit Hamon propose le revenu universel, 700 euros pour tout le monde soit 400 milliards d’euros, et pour payer, une taxe sur la richesse crée (ça s’appelle la TVA), il compte sur la solidarité des Etats européens, mais annonce tout de même qu’il fera évoluer le fonctionnement de la BCE et négociera des abandons de dettes. Comment s’attacher la solidarité de nos voisins en les prévenant qu’on ne remboursera pas ce qu’on leur doit ? Benoît Hamon invente un monde qui n‘existe pas et qui ne peut pas exister. 

François Fillon avait, lors de la primaire, publié un programme qui tenait compte de la contrainte financière notamment sur le modèle social. Mais compte tenu de sa fragilité et des critiques qu’il a reçues, il a fortement amendé ses propositions pour conserver en matière de santé, par exemple, le statut-quo.

En bref, tous ces programmes répondent à une demande apparente de l’opinion qui cherche à conserver les avantages acquis, tous ces programmes rajoutent des dépenses supplémentaires à l’édifice des protections sociales. Tous ces programmes mélangent des utopies à des stupidités assaisonnées à l’incohérence. Pour avoir l’air sérieux, tous les candidats essaient de chiffrer leurs propositions.

Ces chiffrages sont illisibles et ils finissent tous par se tourner vers Bruxelles, soit pour s’engager à négocier des facilités de paiement, soit pour adresser à nos partenaires un bras d’honneur. Façon un peu brutale de dire que la dette n’a aucune importance.

Un tel comportement est non seulement catastrophique, mais il est irresponsable.

Lecomble dans cette campagne est de tomber à bras raccourcis sur le seul candidat qui n’a pas publié de programme détaillé et surtout pas chiffré. Emmanuel Macron. Et ce qui énerve tout le monde, c‘est que Macron, avec sa méthode, arrive en pôle position pour la finale présidentielle.

Il faut croire qu’une partie de l’opinion n‘est pas aussi obsédée qu’on le dit par le chiffrage.

A priori, l’opinion n‘est pas dupe des chiffres dont on l’inonde. Elle a besoin d’un cap, d’une ambition, d’une trajectoire. L’opinion a surtout besoin de comprendre ce qui se passe. Elle a besoin de comprendre :

Un : la mondialisation dont elle profite souvent

Deux : la révolution digitale dont elle profite tous les jours avec son smartphone

Trois : la concurrence, qu‘elle accepte pourtant volontiers dans la compétition sportive. Que serait le football mondial sans la concurrence ?

Le pays ne marche pas au rythme de la situation mondiale. Pourquoi ? Comment ? Peut-être parce qu’une partie de l’élite française n’y a pas intérêt ? C’est la raison pour laquelle les populistes ont autant d’échos. Mais c’est aussi la raison pour laquelle les élites n‘aiment pas Emmanuel Macron. 

La situation économique se résume trop souvent à une montagne de chiffres. Personne ne les comprend mais ça rassure toujours les chiffres. Même s’ils sont faux ou virtuels.

Macron n’a pas intérêt à creuser cette montagne de chiffres, ça ne servirait à rien. Ce dont l’opinion a envie c’est qu’on lui dise comment on contourne la montagne et ce qu il y a de l’autre côté. 

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