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Ces grands méchants Russes qui font si peur aux médias occidentaux
©REUTERS/Alexei Nikolskyi/RIA

Tout de suite, les extrêmes !

Bien qu'encore timides, certaines voix en provenance du monde du renseignement américain se font entendre pour dire que les médias occidentaux "exagèrent" un peu la menace constituée par la Russie.

Alain Rodier

Alain Rodier

Alain Rodier, ancien officier supérieur au sein des services de renseignement français, est directeur adjoint du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R). Il est particulièrement chargé de suivre le terrorisme d’origine islamique et la criminalité organisée.

Son dernier livre : Face à face Téhéran - Riyad. Vers la guerre ?, Histoire et collections, 2018.

 

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La presse occidentale, dans son écrasante majorité, n’a pas de mots assez durs à l’encontre de la Russie et de son président, Vladimir Poutine. La menace représentée par l’ours russe est même assimilée aux pires heures de l’Histoire du XXème siècle, quand le nazisme était en pleine ascension. Par ailleurs, les "défenseurs de la Démocratie" (quand ce système est favorable à leurs édiles) rappellent que Hitler a été élu "normalement" et qu’en conséquence, il est un devoir impérieux de s’opposer par tous les moyens à toute autorité politique qui parvient "normalement" au pouvoir si, à leurs yeux, elle jugée comme "déviante". Pour le moment, le discours convenu est d’affirmer péremptoirement que la Russie de Poutine est la menace numéro un de l’Occident mais la Chine n’est pas bien loin derrière.

Mais quelques voix issues du monde du renseignement américain, pourtant peu jugé favorable à Moscou, commencent - très timidement - à se faire entendre pour dire que les medias "exagèrent" tout de même un peu.

Trois faits récents sont cités.

En février, les "vilains" Russes ont dépêché un navire espion, le SSV-175 Viktor Leonov, au large des côtes du Connecticut - mais dans les eaux internationales, donc rien d’illégal - pour participer à l’effort de renseignement sur les États-Unis. Dans les faits, il se trouve que ce navire date de 1988 et que ses capacités techniques d’écoutes sont limitées, totalement dépassées et, de toutes façons, bien incapables d’intercepter des communications sensibles véhiculées par des moyens de transmissions modernes. Cela n’a rien à voir avec la technologie développée par les Américains dans le même domaine.

Et justement, il se trouve que le destroyer USS Porter qui, pour sa part, est opérationnel depuis 1999 et surtout doté des moyens d’interceptions dernier cri, a navigué à peu près à la même période en mer Noire, à proximité de la base navale russe de Sébastopol. Des "méchants" chasseurs-bombardiers russes sont venus le titiller à quelques centaines de mètres en effectuant des manœuvres "inappropriées et non professionnelles".

Pire encore, depuis 2014, Moscou est accusé par Washington de violer le traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire signé en 1987 en testant des missiles de croisière SSCX-8. Les essais étant terminés, la Russie aurait déployé sur son territoire deux bataillions armés chacun de quatre lanceurs mobiles pour la version opérationnelle SSC-8. Il est possible que ce soit la réponse à l’installation de missiles air-sol, certes à charges conventionnelles, sur les bombardiers stratégiques américains, quelques armes étant stockées en Allemagne et certaines devant être vendues aux armées de l’air polonaise et finlandaise. Pour le moment, même l’Otan n’a pas reçu de précisions à ce sujet de la part des États-Unis, mais cela ne saurait tarder puisque si l’un des bataillons est toujours localisé sur le cosmodrome de Kapoustin Yar (région d’Astrakan), le positionnement du second reste pour l’instant inconnu. Voilà du vrai travail pour les services de renseignement de l’Otan.

Bien sûr, à tout cela, il convient d’ajouter la volonté supposée de Moscou d’interférer dans les élections qui vont avoir lieu en Europe en 2017. Si recueillir des renseignements reste une chose admissible car tout le monde le fait, se livrer à des opérations d’influence est condamnable sachant que Washington s’est bien interdit de mener de telles actions dans le passé…

La presse russe, en particulier Russia Today (RT) et Sputnik, est qualifiée d’outil de propagande du Kremlin (ce qui est loin d’être totalement faux), ses homologues occidentaux étant, pour leur part irréprochables car n’étant pas officiellement assujettis à des pouvoirs politiques officiels. Il n’empêche que le ton monocorde de la pensée unique diffusée par l’ensemble des medias occidentaux qui servent en boucle la même soupe laisse à penser que la source est unique. La difficulté est de déterminer qui elle est exactement. Certains tournent leurs regards vers la "finance internationale" et les lobbies - particulièrement militaro-industriels [1] - qui en dépendent. Le plus extraordinaire, c’est que cette soupe médiatique est reprise ensuite par des grandes organisations telles l’Onu, l’Union européenne et de nombreuses ONG. A croire que les rédacteurs de base ne font que copier ces informations (en leur ajoutant une petite touche personnelle de moindre importance pour ne pas en altérer le sens) pour ensuite les injecter dans les tuyaux qui les conduisent vers les hautes autorités qui les prennent pour argent comptant. En fait, le système tourne en boucle en s’autoalimentant, tout fait n’allant pas dans le sens général voulu (les Russes et Poutine sont très méchants [2]) étant écarté car il ne correspond pas à ce que les responsables veulent entendre.

[1] Les méchantes langues prétendent que les complexes militaro-industriels souffriraient de ne plus avoir d’ennemis assez puissants - comme la Russie et la Chine - pour justifier leurs dépenses, la lutte contre le phénomène terroriste étant considérée comme marginale et ne justifiant pas des investissements assez productifs.

[2] Ce qui semble certain, c’est que Moscou tente de faciliter l’émergence d’un "nouvel ordre post-occidental" dans lequel chaque pays souverain "cherchera l’équilibre entre ses intérêts et ceux de ses partenaires" selon une déclaration de Sergueï Lavrov datée du 18 février 2017.

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