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Les 168 milliards en trompe-l'œil du plan Juncker de relance pour l'Europe
©Reuters

Europe

Le plan Junker, même s'il arrive aux 315 milliards initialement prévus, va encore surfer sur les schémas de financement pluriel pour aboutir à une ratatouille plus complexe qu'efficace.

Jean-Yves Archer

Jean-Yves Archer

Jean-Yves ARCHER est économiste, membre de la SEP (Société d’Économie Politique), profession libérale depuis 34 ans et ancien de l’ENA

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Atlantico : Le 7 février dernier, la Commission européenne publiait un communiqué se félicitant de l'avancée du plan Juncker, et mettant en avant l'investissement de 168 milliards d'euros à ce jour. Pourtant, le plan initial évoquait la somme de 315 milliards à horizon 2017. Faut-il comprendre que ce plan risque de ne pas remplir ses objectifs ?

Jean-Yves Archer : En septembre 2015 était lancé le plan Juncker : autrement dit le "Plan d'investissement pour l'Europe" qui devait réunir plus de 315 milliards sur la période 2017-2019. Le 14 septembre 2016, Jean-Claude Juncker déclarait, dans son discours sur l'état de l'Union devant le Parlement européen : "Le plan d'investissement pour l'Europe de 315 milliards d'euros a déjà mobilisé 116 milliards d'euros d'investissements dans sa première année d'application. Le 7 Février dernier, la Commission s'est livrée à un exercice d'autosatisfaction dont elle a le secret (autant que l'addiction) et a dressé un premier bilan nettement plus flatteur que prévu. Selon cette communication, tout fonctionnerait à merveille à tel point que l'Union envisage sérieusement de doubler la durée du Fonds et de doubler sa capacité financière pour fournir un financement total d'au moins 500 milliards d'euros d'ici à 2020. S'il parait opportun de répondre à la poursuite de la crise économique par le déclenchement de projets d'investissements d'infrastructures, force est de constater l'importance de l'effet de levier (endettement) puisque seuls 21 milliards sont issus du budget européen et de la BEI (Banque Européenne d'Investissement) auxquels viennent se greffer 50 milliards des Etats membres. Pour la France, il s'agira d'une mise de fonds de 9 milliards via la Caisse des dépôts et consignations et de BPI France.

Il est surprenant que face à la crise, la réponse de l'Union repose sur la pointe d'une toupie de moins de 75 milliards surmontée par plus de 240 milliards d'endettement. Rapportés aux PIB des 27 Etats membres et rapportés aux bonnes conditions de marché (taux d'intérêt bas et politique accommodante de la BCE), le panachage fonds dédiés et fonds levés parait mal dosé.

Quelles sont les difficultés ou les erreurs qui peuvent expliquer cette situation au niveau européen ? 

Le scepticisme allemand est une composante du manque de dynamisme du plan Juncker. Outre-Rhin, on redoute ces programmes européens qui aboutissent à construire des autoroutes sans trafic et des projets de type " éléphants blancs ".Or, l'Allemagne connait pourtant une crise de vieillissement de nombreuses infrastructures et fait donc passer le dogme de la réticence avant le réalisme du job à accomplir. Il est clair qu'il fallait s'appuyer davantage sur la BEI et lui donner de sérieux apports en fonds propres ou assimilés afin de porter le plan Juncker.

Dans un document du 31 octobre 2016 la Commission se vante du fait que le Plan a généré plus de 100.000 nouveaux emplois à ce jour. Outre qu'elle ne fournit aucune méthodologie permettant de confirmer cette affirmation, il faut relativiser ce chiffre dans une Union de plus de 400 millions d'habitants.

Qu'en est-il de la situation de la France ? Dans quelle mesure le pays a t-il pu profiter du plan Juncker ?

La situation de la France est très contrastée pour ne pas dire contrariée. La philosophie de mise en œuvre du plan Juncker consiste à cibler des projets que le secteur privé n'aurait pas spontanément retenus. Ce type de mode de pensée est connu : il s'appelle le rôle contra-cyclique (et cuisant) que le Crédit Lyonnais a joué du temps des années Mitterrand. Sur 315 milliards d'euros, on comptera donc les projets mort-nés ou les impasses financières. Parmi les fonds dédiés à la France, ce taux intrinsèque d'échec existera. Nécessairement et hélas. A l'inverse, il est étonnant de voir des projets structurants (comme la liaison Charles de Gaulle Express) éligibles alors qu'ils présentent des garanties publiques avérées ce qui amène un vent de contestation de la part de groupes de libéraux.

A vouloir trop embrasser, on étreint mal. Ainsi, le Plan Juncker est en passe de devenir une sorte de ratatouille où l'on trouve de tout. Des fonds dédiés pour des projets énergétiques crédibles côtoient des levées de fonds dans des projets si balbutiants qu'ils méritent d'être qualifiés de précaires. Concernant spécifiquement la France, il est à noter que de nouveaux secteurs sont désormais concernés par le Plan Juncker notamment la sécurité et la Défense. Pour la France, on découvre des financements croisés : ainsi certains projets relatifs aux énergies propres ou sobres en carbone seront soutenus à la fois par le EFSI (Fonds européen pour les investissements stratégiques) et par des Fonds structurels. Autrement dit, l'Union va encore surfer sur des schémas de financement pluriel qui donnent lieu à des tentations de toutes sortes et à une complexité qui rime rarement avec efficacité. On est loin de la vision des pères fondateurs (Jean Monnet) ou des gestionnaires intègres (Jacques Delors).

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