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Portables, ordinateurs, gadgets divers … nous consommons de plus en plus d’appareils électroniques au quotidien.
Portables, ordinateurs, gadgets divers … nous consommons de plus en plus d’appareils électroniques au quotidien.
©Reuters

Poubelle globale

Alors que la consommation de produits électroniques et électriques, le traitement des déchets semble relever du détail. En parallèle de quotas obsolètes, des méthodes aléatoires dispersent nos poubelles du troisième millénaires vers le monde entier.

Stéphane Arditi

Stéphane Arditi

Chargé de projet "déchets et gaspillages" au sein du Bureau européen pour l'environnement.

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Atlantico : Portables, ordinateurs, gadgets divers … nous consommons de plus en plus d’appareils électroniques au quotidien. Une fois usés ou cassés, nous les jetons. Que deviennent nos déchets électroniques ?

Stéphane Arditi : Les déchets électriques et électroniques sont de loin le flux de déchets qui grossit le plus vite. Au niveau européen, nous avons une assez bonne idée de ce qu’ils deviennent. D’après les derniers chiffres, qui datent de 2010, il y aurait 9,5 millions de tonnes de déchets par an et nous devrions atteindre 10,5 millions en 2014.

C’est normal au vu de nos modes de consommations. Les directives européennes réclament de chaque Etat membre de collecter 4kg de déchets électroniques par habitant et par an. C’est très peu. Nous estimons que les pays les moins avancés en matière de consommation, à l’est de l’Europe, produisent un peu plus de 5kg par an. En France, nous dépassions les 15kg en 2010. Pour nous, respecter cette norme, c’est collecter moins de 25% de ce que nous produisons comme déchets. Aujourd’hui, en moyenne, nous ne collectons que 33% de ces déchets.

Une étude néerlandaise vient de confirmer que 80% des déchets aux Pays-Bas arrivaient dans des centres de retraitement spécialisés. Sachant qu’ils sont l’un des pays les plus avancés, cela signifie qu’une grande quantité de déchets échappent à toute forme de traitement correct.

Une partie de ces déchets sont mis dans des décharges non spécialisées. Du fait des matières qu’ils contiennent, ils représentent une valeur économique qui attire des collecteurs illégaux. On estime que 10 à 20% des déchets produits sont exportés illégalement hors d’Europe. On peut parler là de criminalité.

Dans les pays qui réceptionnent ces déchets, il n’y a évidemment pas les installations et les infrastructures pour les traiter correctement. L’impact environnemental et sanitaire est évident. Mais il faut aussi compter avec un impact économique : les matières utilisées pour fabriquer ces produits sont perdues vu qu’elles ne sont pas récupérées via des processus de recyclage.

Quels sont les conséquences pour les populations de ces pays ?

Pour renseigner les risques sanitaires réels, il faut pouvoir pratiquer des suivis sur les populations sur une période longue. Or dans les pays où ces déchets sont finalement abandonnés, il est évident que les études épidémiologiques sont d’une grande faiblesse. Du coup, il n’y a aucune évidence scientifiquement documentée.

Les associations internationales travaillent cependant sur le sujet et documentent largement le sujet. Les photographies prouvent que la situation est totalement anarchique : les gens dispersent les restes de ces déchets dans les cours d’eau, les découpent au chalumeau pour récupérer des pièces et dispersent phtalates, dioxines et autres matières plastiques dans la nature.

Ces produits, particulièrement volatiles une fois mélangés à l’air et à l’eau, se déplacent ensuite dans le monde entier. C’est une problématique globale.

Que peut-on faire pour lutter contre ce phénomène ? Existe-il des solutions concrètes et efficaces que l’on puisse mettre en place à court terme ?

Au-delà, il faut mettre à jour les objectifs de collecte. Les 4kg annuels ne sont plus suffisants. Il faut prendre en compte l’explosion de la consommation. Cela permettrait de réduire les flux qui échappent à tout contrôle et sont évacués vers l’étranger.

Il faudrait enfin faire évoluer cette réflexion jusqu’en amont, dès la conception du produit. Plébisciter ce que l’on appelle de l’éco-design. Il faudrait exiger des limitations et des interdictions sur certaines matières utilisées dans la fabrication des produits électriques et électroniques. Des règles de ce type, pensées à minima, existent déjà. Pourquoi ne pas les élargir à d’autres produits dangereux ?

Sans être extrémistes, nous pourrions voir plus loin tout simplement en facilitant l’extraction de ce qui est utilisé dans certains objets. Cela permettrait de réduire les coûts du recyclage et donc de diminuer l’intérêt des réseaux parallèles illégaux.

Rien que la récupération des matériaux critiques, comme les terres rares, mais aussi d’autres produits à forte valeur ajoutée comme l’or ou le platine, serait un argument. Leur intégration à des produits augmente la durabilité et la qualité de certains appareils électroniques. Il faudrait anticiper leur recyclage, qui reste complexe, pour empêcher qu’ils soient dispersés de matière aléatoire à l’étranger dans des conditions parfaitement aléatoires.

Propos recueillis par Romain Mielcarek

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