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Arrestation violente à Aulnay-sous-Bois : ces formations qui manquent aux policiers pour savoir évoluer dans les quartiers difficiles
©Reuters

Violence policière

Il y a deux jours à Aulnay-Sous-Bois,Théo, 22 ans, est devenue victime d'un viol présumé à la suite d'un contrôle de police. Gravement blessé, le jeune homme s'est retrouvé à l'hôpital avec 60 jours d'ITT. Sans excuser, il faut aussi maintenant porter la lumière sur les difficiles conditions de travail des forces de l'ordre dans les quartiers dits "sensibles" et pointer du doigt les éventuels défauts des formations et des méthodes managériales.

Xavier  Camby

Xavier Camby

Xavier Camby est l’auteur de 48 clés pour un management durable - Bien-être et performance, publié aux éditions Yves Briend Ed. Il dirige à Genève la société Essentiel Management qui intervient en Belgique, en France, au Québec et en Suisse. Il anime également le site Essentiel Management .

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Atlantico : Sans excuser, ce genre d'actions revient de manière récurrente dans l'actualité. Quel est votre point de vue de manager, d'expert en ressources humaines sur ce problème. Qu'est-ce que cela dit du métier de policier ?

Xavier Camby : Avant toute chose, il me semble important de préciser l'importance sociale vitale du métier de policier. Aucune civilisation un peu structurée n'a jamais pu s'en passer, même s'il semble constant que certains de ses membres, toujours, transgressent les pactes sociaux et les codes de vie de chacune de ces organisations sociales si complexes et différentes. Cependant, à la base de chaque engagement d'un policier, il y a sans aucun doute une valeur de justice, plus forte que celle de sécurité. Cette sécurité des biens et des personnes pour laquelle ils acceptent pourtant, hommes et femmes, de risquer leur vie, au service d'une cause utile et d'une justice aussi simple que nécessaire.

Vous évoquez ma connaissance du management et je vous remercie de votre confiance. Permettez-moi d'affirmer sans aucune réserve que les comportements violents de nos policiers français sont pour moi dramatiquement révélateurs de nombreux dysfonctionnements, dont ils ne sont pas responsables mais bien plutôt les victimes !

Comme bien d'autres professions indispensables (médecins, infirmières, pompiers, urgentistes...), les policiers ne reçoivent jamais la formation nécessaire à l'exercice très stressant de leur difficile métier. Alors qu'ils sont tous sans cesse confrontés au pire de nos sociétés et qu'ils affrontent morts, suicides, violences infinies, insultes innombrables et incivismes variés... ils n'ont de formation que juridique, technique, administrative et fonctionnelle. Mais pas émotionnelle ! Me permettez-vous d'aller plus loin ? Nos policiers français, au service de la sécurité des personnes et des biens, sont désormais systématiquement désavoués par l'instance judiciaire et le pouvoir politique, de toutes les couleurs possibles... Chaque enquête après un attentat les amène à découvrir d'invraisemblables stocks d'armes militaires, mais ils ne peuvent le dire ni même agir en fonction du risque réel, sauf à ce que leur responsabilité personnelle et professionnelle soit engagée, par les juges ou les politiciens...

Un tel niveau d'insécurité et de désaveu - inique - ne peut manquer de générer des frustrations violentes, à base de justice déniée par d'autres ! D'où de rares débordements, outrageusement médiatisés.

Dans un autre contexte pour prendre du recul sur cet événement, de nombreux cas de maltraitance en maison de retraite par des infirmières surgissent car le personnel n'a pas été formé pour se distancier d'une certaine forme d'agressivité de la patientèle. Il y a un enjeu de dépersonnalisation primordial que l'on pourrait ne pas retrouver auprès des forces de l'ordre appelées à évoluer dans un contexte difficile au quotidien. Y voyez-vous un défaut dans la formation ou le management ?

Je ne sais pas trop ce que vous entendez par personnalisation et/ou dépersonnalisation. Les neurosciences attestent depuis des années (50 environ) de l'importance de nos perceptions et de nos émotions, dans l'ensemble de notre système neurologique, pour gérer nos interactions avec nos congénères comme nos décisions. Mais ces émotions sont tabous au sein d'un monde qui se prétend - prétentieusement - exclusivement rationnel et qui relègue les émotions au niveau animal (ce qui paradoxalement est une ineptie scientifique et rationnelle). En fait, encore une fois, ces professions sont confrontés au pire de nos sociétés, sans soutien réel ni formation adéquate. L'exaspération, l'outrance puis la violence deviennent alors l'inexorable exutoire des frustrations, des peines et des peurs que la lâcheté de nos dirigeants génèrent. Je l'affirme avec force : la couardise de nos élus et de nos énarques, de nos préfets et de nos juges, injustifiables en elle-mêmes, à base de clientélisme et/ou de lâcheté, est à la racine des comportements déviants de policiers exposés, désavoués trop souvent, culpabilisés et abandonnés, dès qu'il leur importerait d'être soutenu. Il existe des solutions, à base de courage et de vérité. La première est de former ces personnes exposées à ce que je nomme la résilience émotionnelle: Nous le faisons en entreprise avec les DRH, récipiendaires aussi du pire en entreprise.

Quel rôle pourrait jouer la hiérarchie ou l'Etat dans l'accompagnement des forces de l'ordre ? Pensez-vous que les policiers sont suffisamment accompagnés ou au contraire livrés à eux-mêmes ? Quelles mesures pourraient être prises ? 

Non ! La police française est livrée, sans cesse, en victime expiatoire, en bouc émissaire, en épouvantail... Notamment à la presse. Les budgets de formation sont pitoyables, les commissariats miséreux (voire hors-norme), les moyens, paléolithiques, les usages, médiévaux... Mais demeurent la motivation loyale, le courage et l'engagement de la majorité des agents de maintien de l'ordre social que sont les policiers (et les gendarmes). Une première mesure judicieuse serait peut-être d'engager une certaine presse à cesser de stigmatiser les 1% de dysfonctionnements policiers pour valoriser les 99% d'actions utiles. Une seconde serait de désintoxiquer le magistrature de son arrogance idéologique, où le suspect est une victime et le policier un sadique pervers obsessionnel et compulsif. La troisième serait d'inviter nos élites (auto-proclamées) politiques au bon sens et au courage, à la responsabilité et à l'audace. Mais là, je dépasse le champs de mes aptitudes et de nos capacités à entreprendre de vrais et définitifs changements.

A défaut, un populisme sécuritaire (et solidaire des garants de nos organisations sociales) ne manqueront pas de s'imposer. Démocratiquement ! C'est une histoire actuelle et réelle.

Je ne sais pas trop ce que vous entendez par personnalisation et/ou dépersonnalisation. Les neurosciences attestent depuis des années (50 environ) de l'importance de nos perceptions et de nos émotions, dans l'ensemble de notre système neurologique, pour gérer nos interactions avec nos congénères comme nos décisions. Mais ces émotions sont tabous au sein d'un monde qui se prétend -prétentieusement- exclusivement rationnel et qui relègue les émotions au niveau animal (ce qui paradoxalement est une ineptie scientifique et rationnelle). En fait, encore une fois, ces professions sont confrontés au pire de nos sociétés, sans soutien réel ni formation adéquate. L'exaspération, l'outrance puis la violence deviennent alors l'inexorable exutoire des frustrations, des peines et des peurs que la lâcheté de nos dirigeants génèrent. Je l'affirme avec force : la couardise de nos élus et de nos énarques, de nos préfets et de nos juges, injustifiables en elle-mêmes, à base de clientélisme et/ou de lâcheté, est à la racine des comportements déviants de policiers exposés, désavoués trop souvent, culpabilisés et abandonnés, dès qu'il leur importerait d'être soutenu. Il existe des solutions, à base de courage et de vérité. La première est de former ces personnes exposées à ce que je nomme la résilience émotionnelle: Nous le faisons en entreprise avec les DRH, récipiendaires aussi du pire en entreprise.

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