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Attentat du Louvre : le chaos de la campagne présidentielle représente-t-il une prime au terrorisme ?
©Reuters

Etat Islamique

L'attentat déjoué au Louvre le 3 février en début de journée incite à se poser une question : est-ce que la période électorale dans laquelle nous nous engageons pousse les membres de l'Etat Islamique à commettre des attentats sur le sol français ?

François-Bernard Huyghe

François-Bernard Huyghe

François-Bernard Huyghe, docteur d’État, hdr., est directeur de recherche à l’IRIS, spécialisé dans la communication, la cyberstratégie et l’intelligence économique, derniers livres : « L’art de la guerre idéologique » (le Cerf 2021) et  « Fake news Manip, infox et infodémie en 2021 » (VA éditeurs 2020).

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Atlantico : Le Louvre attaqué ce n'est évidemment pas une surprise, toutefois est-ce que les médias ont raison d'affirmer que la temporalité de l'attaque (proche des élections) joue un rôle majeur dans les motivations ? Selon vous est-ce qu'il y a quand même une prime à l'attentat en période électorale ?

François-Bernard Huyghe : Pour le lieu d'abord évidemment c'est pas une surprise si vous attaquez le Louvre vous savez qu'on en parlera dans le monde entier et ça fait partie des consignes données aux partisans. Pour la temporalité, se demander si cet acte a plus d'échos en temps électoral honnêtement je n'en sais rien, là il faudra voir… Toute circonstance qui va dramatiser les choses ou avoir un sens symbolique va être particulièrement important. On l'a vu pendant Noël ou le 14 juillet. On peut imaginer que le fait de faire un attentat en période électorale, on peut être sûr que les candidats vont l’exploiter, se le renvoyer à la figure, c'est aussi un facteur multiplicateur. Il y a des éléments de théâtralisation dans le lieu le temps ou le choix des victimes est mieux pour eux.

Je suis interloqué aujourd'hui par la théorie à la mode qui consiste à supposer qu’il y a une intelligence machiavélique qui suppose que en frappant en période électorale cela fera monter l’extrême droite, monter les actes islamophobes et ostracisera les musulmans qui du coup seraient enclins à se radicaliser. Personnellement je ne vois aucune base sérieuse à cette théorie. Je n’en suis pas convaincu pour plusieurs raisons. La première c’est que dans les publications djihadistes, ils sont d’une relative indifférence (pour l’Etat Islamique) à la politique intérieure du pays. Ils ne parlent quasiment jamais du Front National et ne reprochent pas aux Français d’être racistes ou islamophobes. Par contre ils surfent sur les thèmes et les mots « colonisation, Franc-maçonnerie » ou surtout les bombardements en Syrie. Oui il ya des djihadistes qui ont préconisé la stratégie du chaos pour durcir le camp adverse mais ils sont en guerre avec le monde entier, la situation ne peut pas être pire et rien que le fait que la France soit intervenue en Irak et en Syrie constitue des crimes abominables.

Pourtant à Madrid, les attentats du métro en 2004 avaient suffi à faire basculer l'opinion et les élections en seulement cinq jours. Est-ce que le même scénario peut se produire en France ?

En 2004 c’était également un attentat islamique mais la situation était très différente. Le responsable de la droite espagnole devait gagner les mains dans les poches cette élection mais ce qui l’a compromis c’était d’accuser l’ETA et d’essayer de diminuer la nature islamique de l’attentat jusqu’au jour de l’élection pour diminuer la responsabilité de l’Espagne dans cet acte de vengeance à cause de son intervention en Irak. C’était une tentative assez maladroite de tromper l’opinion espagnole et les conséquences ne se sont pas faites attendre. Dans la mesure où le pouvoir actuel a su se faire une réputation sur sa fermeté (à tort ou à raison) vis-à-vis de l’islamisme et que nous n’avons pas cédé, que ce soit à gauche comme à droite d’ailleurs.

Dans le cadre d’un attentat de grande ampleur évidemment cela sera favorable à Marine Le Pen et plutôt défavorable à Benoît Hamon qui est plutôt sur une ligne où il ne parle pas énormément de lutte contre le terrorisme. Je pense que cela remettra la thématique sécuritaire au centre du débat mais de là à bouleverser totalement une élection j’attends des preuves.

L'attentat a été déjoué, mais supposons qu'un acte de guerre de grande ampleur survienne, est-ce que cela aurait une grande influence sur le vote ou est-ce que les Français se sont en quelque sorte "habitués" et donc ne changeraient pas leur vote pour autant ?

L’attentat du Bataclan ou du 14 juillet à Nice étaient des attentats très spectaculaires et de grande ampleur. Dans le cas du Louvre évidemment ce n’est juste qu’un homme avec un couteau et qui attaque un militaire tout en sachant qu’il allait se faire abattre. Ce n’est pas une première et ce ne sera certainement pas une dernière. Alors imaginons un nouveau Bataclan. D’abord je ne sais pas si cela se reproduirait aussi facilement car à l’époque, il y avait eu des commandos très organisés qui voyageaient comme ils voulaient entre les pays, qui savaient comment avoir des kalachnikov… Aujourd’hui je ne sais pas s’ils sont en mesure de faire un attentat de cette ampleur.Toutefois si un nouvel attentat se produit, il y a un risque de report des voix pour le candidat du parti qui parle le plus des mesures sécuritaires, qui critique le plus le quinquennat Hollande

Sur l’idée que l’habitude des attentats n’entrainerait pas un report de vote massif il faut prendre en compte que les sondages sur lesquels on se base pour ces théories se font sur des périodes de calme plat. Mais on peut prendre l’exemple d’autres pays comme Israël où les gens ont appris à composer avec les menaces, ont l’habitude de prendre des précautions comme de se faire fouiller dans un bus. L’opinion n’est plus bouleversée par un nouvel attentat (sauf à grande échelle), mais dans le fond je ne sais pas si on peut jamais s’habituer à ces horreurs.

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