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Sommet migratoire européen : des efforts qui ne devraient pas enrayer une nouvelle crise des migrants au printemps
©Reuters

Menace en vue

Suivant les décisions politiques prises et le contexte géopolitique de certains Etats au Sud de la Méditerranée, les routes migratoires varient. Actuellement, les principaux flux migratoires sont observés en Méditerranée centrale, en partance depuis la Libye, faisant craindre une nouvelle crise migratoire.

Atlantico : Ce vendredi, les dirigeants européens se sont réunis en sommet à Malte, pays européen qui a tiré la sonnette d'alarme quant à la possibilité qu'une nouvelle crise migratoire survienne au cours des prochains mois. Cette crainte est-elle effectivement probable ? 

Laurent ChalardCette crainte est partiellement justifiée pour trois principales raisons.

La première raison est que les flux d’immigration clandestine vers l’Europe, depuis la fermeture de la route des Balkans, passent désormais quasiment dans leur totalité par la route de la Méditerranée centrale, entre la Libye et l’Italie, qui se caractérise par la présence d’un Etat de départ, la Libye, où règne depuis plusieurs années une anarchie certaine, très favorable à l’immigration clandestine, puisqu’il n’existe pas un Etat central en mesure de réguler les flux entrants et sortants de son territoire. Les passeurs peuvent donc agir en totale impunité et les flux s’y concentrent.

La deuxième raison est le maintien d’un écart de développement considérable entre l’Afrique et l’Europe, auquel s’ajoute la persistance d’une mythologie de l’eldorado européen, à l’origine d’un flux structurel de migrants qu’il est difficile de quantifier. Il concerne plus particulièrement les pays d’Afrique occidentale, comme le Sénégal et la Guinée.

La troisième raison est la persistance de conflits militaires au sein du continent africain ou l’existence de dictatures que fuient les populations locales. Par exemple, l’instabilité au Sahel, à travers l’existence de plusieurs conflits localisés, au nord-est du Nigéria, au nord du Mali, au Soudan et au Sud-Soudan, ainsi qu’en Somalie, continuent de pousser sur les routes de nombreux migrants, dont une faible partie va essayer de tenter sa chance en Europe. De même, le régime de fer de la dictature érythréenne conduit une bonne partie de la jeunesse, en particulier diplômée, à le quitter, dans l’optique d’éviter le redouté service militaire.  

Si la reproduction d’une crise migratoire de l’ampleur de celle constatée à l’été 2015 dans les Balkans est peu probable à court terme, par contre, une crise d’ampleur moindre est tout à fait probable si les dirigeants européens n’arrivent pas à s’accorder sur la mise en place d’une politique permettant de dissuader la majeure partie des potentiels migrants à rejoindre le continent européen.

En amont de ce somment européen, le Premier ministre italien, Paolo Gentiloni, a rencontré son homologue libyen, Fayez al-Sarraj, afin de convenir, à travers un mémorandum, d'un renforcement de la coopération entre les deux pays en matière de lutte contre le trafic humain. Dans quelle mesure l'UE pourrait-elle soutenir pleinement ce mémorandum ?

Le mémorandum signé entre l’Italie et la Libye va dans le bon sens, puisque l’Italie s’engage à aider financièrement, mais aussi, probablement le plus important, matériellement l’Etat libyen à juguler les flux de migrants sur son territoire. Il permet à l’Etat libyen de commencer à reprendre pied dans le contrôle de ses frontières, en mettant en avant un interlocuteur privilégié. L’Union européenne a donc tout intérêt à le soutenir si elle souhaite effectivement résorber l’immigration clandestine en provenance de Libye, ce qui semble être la volonté affichée par Donald Tusk. Ce soutien pourrait prendre une forme financière comme matérielle.

Un accord européen avec la Libye, sur le modèle de celui conclu l'été dernier avec la Turquie, pourrait-il s'avérer efficace dans la régulation des flux migratoires et la lutte contre les passeurs ?

Un accord européen constituerait un premier pas important pour réguler les flux migratoires passant par la Libye, mais son application ne pourrait être aussi efficace que l’accord conclu l’été dernier avec la Turquie, car le contexte est sensiblement différent. La Turquie est un Etat fort, qui a pleinement les moyens de contrôler ses frontières si elle le souhaite, ce qu’elle a démontré puisque les flux de migrants en provenance de Turquie se sont quasiment taris du jour au lendemain au cours de l’année 2016. Or, ce n’est pas du tout le cas de la Libye. Tant qu’un Etat central libyen unifié contrôlant l’ensemble du territoire et de ses frontières ne sera pas mis en place, les problèmes persisteront. Le plus urgent est donc de soutenir un processus de réconciliation nationale permettant de mettre fin à plus de cinq années de chaos, faisant suite à la chute du dictateur Kadhafi. La résolution du problème de la route des migrants de la Méditerranée centrale passe avant tout par la résolution du problème politique libyen.

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