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En route pour la même chienlit que 1958 ?
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Tout le monde se souvient de la chienlit de 1968. Mais il en est une, que l’on croyait conjurée, écartée, impossible à revoir : celle de 1958. En suivant les développements quasi-horaires maintenant de la campagne hostile à François Fillon, on se demande pourtant si le destin de la Vème République n’est pas de finir comme sa prédécesseuse. Plus d’un trait commun accentue en effet les ressemblances entre ces deux soeurs.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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La chienlit des impossibles majorités parlementaires

Et tout d’abord, bien entendu, c’est l’absence de majorités parlementaires qui frappe dans les deux cas. La IVè République fut balayée parce que le jeu des partis y rendait impossible la décision politique, faute de majorités à l’Assemblée. Avec François Hollande, le groupe socialiste a montré qu’un parti pouvait être (largement) majoritaire mais incapable de décider.

Le mouvement des frondeurs est parvenu, pendant cinq ans, à rendre impossible l’exercice du pouvoir, jusqu’à forcer Manuel Valls à dégainer le 49-3 pour faire passer une loi que son adversaire, à la primaire, se promet de détricoter. C’est quand même inédit…

Le phénomène n’est pas seulement anecdotique. Il prouve le malaise général de notre constitution qui donne des pouvoirs mal calibrés à des minorités. En lui-même, le groupe des frondeurs a prouvé que le régime de la Vè République n’était plus qu’une mécanique sans âme. Certes, il permet de dégager des majorités formelles. Mais les partis qui concourent à l’exercice ne représentent plus rien… en tout cas plus aucune idéologie vivante dans l’opinion.

La culture de l’opacité est devenue insupportable à l’opinion

Dans l’affaire Fillon, les réponses apportées par le candidat aux questions de l’opinion, pourtant simples (votre femme a-t-elle oui ou non occupé un emploi fictif?), ont montré la rupture profonde entre les décideurs politiques et les citoyens qui les ont élus.

N’importe quel citoyen est soumis à d’innombrables contrôles qui l’obligent chaque jour à justifier de sa situation professionnelle: contrat de travail, droit du travail, formalités multiples, rendent impossible la situation où on ne sait plus très bien si l’on dispose ou non d’un contrat de travail en miroir à sa rémunération. Le fait que François Fillon puisse expliquer haut et fort qu’il a employé sa famille sans se souvenir de ces “détails” (alors qu’il est très méchamment attaqué par la presse sur ce sujet) montre bien le décalage majeur, fondamental, entre la perception commune du monde et celle de nos responsables politiques.

Ce décalage oppose le monde de la transparence sur toute chose dans laquelle le citoyen ordinaire vit, et celle de l’opacité qui continue à régner dans la classe dirigeante. Cette opposition n’est plus acceptée par l’opinion.

La dangereuse chienlit, la grande menace pour nos libertés

Je regardais hier le Quotidien de Barthès, et, comme beaucoup de Français, j’ai assisté éberlué à l’évacuation manu militari à la demande du Front National des journalistes qui ne plaisent pas à Marine Le Pen. Il est évidemment difficile de ne pas voir que, dans la chienlit qui règne, cette extrémité-là nous guette, et paraîtra à l’opinion infiniment préférable au grand bordel qui existe par ailleurs.

C’est précisément ce qui inquiète aujourd’hui. Le désordre tel qu’il se présente ouvre des boulevards, y compris à des gens dangereux, y compris à des gens qui détestent la liberté de la presse, y compris à des gens qui donnent des claques aux élus qui ne leur plaisent plus. Derrière l’affaire Fillon, ce sont aujourd’hui nos libertés publiques qui sont fragilisées, et cette fragilité vient beaucoup plus vite qu’on ne le croit.

Un coup serait-il salutaire?

La question est bel et bien ouverte… Comme en 1958. On n’y croyait pas. L’histoire et son éternel recommencement…

Article publié sur le blog d'Eric Verhaeghe

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