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Austérité + fin du quantitative easing : les “bons” conseils du ministère allemand des Finances pour faire exploser la zone euro
©Reuters

Austérité mon amour

Fatigué de politiques économiques jugées laxistes, le ministère des finances allemand cherche à reprendre la main en Europe pour imposer un nouveau tour de vis austéritaire à ses partenaires de la zone euro.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Atlantico : Ce jeudi 2 février, le numéro 2 du ministère des finances allemand, Michael Meister, a pu appeler les pays de la zone euro à aller plus loin dans les politiques de "compétitivité" et de "consolidation budgétaire", ce qui permettra de "poursuivre une politique monétaire différente". Que révèle cette déclaration de la stratégie économique souhaitée par Berlin ?

Nicolas Goetzmann : La logique économique est très confuse. Pour essayer de comprendre, il faut reprendre l'ensemble de la déclaration de Michael Meister :

"Les pays de la zone euro n'ont pas su saisir l'opportunité des faible taux d'intérêt créés par la politique expansionniste de la Banque centrale européenne pour réformer leurs économies et consolider leurs budgets" "Les politiciens devraient se concentrer sur la résolution de problèmes fondamentaux - la compétitivité des économies nationales et la consolidation des budgets publics" "Si nous y parvenons, le besoin de taux d'intérêt bas est éliminé et la banque centrale est en mesure de poursuivre une politique monétaire différente".

Ce qui est proposé ici, c'est une politique de compétitivité, c’est-à-dire, pour être clair, une baisse du coût du travail, cumulée avec une baisse des dépenses publiques. Et selon M.Meister, une telle stratégie permettrait de changer de politique monétaire, pour que celle-ci soit plus stricte. La préconisation générale est donc ; baisse du coût du travail, baisse des dépenses, et resserrage de la politique monétaire. Tous les éléments sont donc réunis pour une purge de la demande intérieure européenne avec une nouvelle récession à la clé. Les seuls vainqueurs potentiels d'une telle politique sont les grands exportateurs qui ne dépendent pas de la consommation européenne, et qui pourront augmenter leurs marges en raison de la pression à la baisse sur le coût du travail en Europe. Pour tous les autres, c'est la sanction. C'est donc le grand retour de l'austérité pour tous, et qui montre une nouvelle fois que les européens ne sont toujours pas vaccinés contre une stratégie économique qui est pourtant totalement disqualifiée aussi bien dans la théorie, que dans la pratique. Il suffit de regarder les résultats économiques la zone euro entre 2010 et 2014 pour s'en persuader. La Grèce en étant le symbole.

Ce qui est le plus frappant, avec une telle déclaration, c'est que l'Allemagne ne semble vouloir tenir aucun compte des recommandations du FMI, de l'OCDE, ou des attaques politiques formulées par les États Unis. L'Allemagne, par ses excédents commerciaux, déséquilibre toujours la zone euro, et irrite de plus en plus Washington. Au lieu de commencer à se poser des questions, le ministère des finances allemand annonce son souhait de vouloir aller toujours plus loin dans sa stratégie de cavalier solitaire.

Quels sont les risques que peuvent faire courir une telle politique sur l'avenir de la zone euro ?

Le patient européen panse encore ses plaies de la grande récession de 2008, et le chemin est encore long avant de pouvoir envisager une véritable sortie de crise qui ne pourra être constatée que lorsque le plein emploi sera atteint en Europe. Mais le chômage de la zone euro atteint encore 9.6% de la population active. Aux États Unis, le chômage est de 4.7%, et cette question de la fin de la politique monétaire expansionniste n'a été abordée que depuis quelques mois par la FED. En Europe, cela serait totalement absurde, à moins de considérer que toute la zone qui entoure l'Allemagne n'a aucune espèce d'intérêt. C'est en tout cas la question qui se pose au regard de la nature de cette déclaration.

Le risque pour la zone euro, c'est évidemment l'éclatement. Il y a quelques jours, Wolfgang Schäuble laissait filtrer à nouveau son intention de sortir la Grèce de la zone euro. Ce qui permettrait de faire un exemple disciplinaire. Les déclarations de Meister viennent s'y superposer pour montrer les intentions futures relatives aux politiques d'austérité. Pourtant, l'Italie est déjà proche du point de rupture, avec une croissance par habitant qui a été stable tout au long de ces 20 dernières années, c’est-à-dire une situation pire encore que celle de la Grèce. La France subit toujours les effets de la crise économique, ce qui est en train de produire une crise politique. L'implosion est donc un scénario de plus en plus vraisemblable puisque les fondamentaux à l'origine de la crise ne sont pas remis en question. C'est même l'hypothèse d'un affermissement de ce qui ne marche pas, de ce qui n'a pas marché, qui semble être à l'ordre du jour.

Cette position caricaturale du ministère des finances allemand peut éventuellement s'expliquer par la future campagne qui s'annonce pour les élections fédérales qui auront lieu à l'automne, mais il est peu probable que Wolfgang Schäuble renonce à ses ambitions sur ce point.

Dès lors, comment expliquer la position du ministère des finances allemand ? Comment la justifier ?

Le décalage entre élections nationales d'une part et stratégie économique européenne d'autre part. La politique de la BCE a des implications pour l'ensemble des pays européens, la BCE prend une décision pour tous. Or, puisque les économies du continent ont fortement divergé au cours de ces dernières années, une même décision ne peut satisfaire l'ensemble des pays qui composent la zone euro. Désormais, avec une situation proche du plein emploi, l'intérêt national allemand diverge assez fortement avec l'intérêt général européen. La moyenne de la zone euro a besoin de relance tandis que l'Allemagne pourrait très bien se contenter d'une politique monétaire plus stricte. Mais ce que l'Allemagne semble oublier, c'est que son obsession "austéritaire" peut provoquer l'éclatement de la zone et un retour au Mark, c’est-à-dire qu'elle ne pourra plus bénéficier d'une monnaie sous-évaluée par rapport aux fondamentaux du pays.

Mais puisque l'Allemagne se sent en position de force au sein du continent, à juste titre, elle cherche à pousser son avantage au maximum. Et ce qui est ici révélé, c'est le manque flagrant d'opposition politique en Europe, une opposition qui correspond normalement au rôle de la France. C'est le vide politique laissé par la France qui permet un tel résultat.

Or, pour l'instant, la campagne présidentielle française se partage entre ceux qui veulent sortir de l'Union européenne et de la zone euro et ceux qui veulent se ranger du côté allemand. Il n'existe pas de position centrale permettant de jouer ce rôle d'opposition en Europe. Le cumul de l'ensemble de ces éléments laisse penser que la probabilité d'une implosion est renforcée. 

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