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Vers un quinquennat de l’impuissance quel que soit le Président : mais où en sera alors la France en 2022 ?
©Reuters

Quel avenir

Majorité hasardeuse, manque de légitimité... A bien y regarder, le prochain Président français sera un président faible dont le parcours sera semé d’embûches.

Alexandre Delaigue

Alexandre Delaigue

Alexandre Delaigue est professeur d'économie à l'université de Lille. Il est le co-auteur avec Stéphane Ménia des livres Nos phobies économiques et Sexe, drogue... et économie : pas de sujet tabou pour les économistes (parus chez Pearson). Son site : econoclaste.net

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Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Atlantico : Pourquoi est-ce que le président qui va arriver au pouvoir en 2017 sera forcément un Président faible ?

Alexandre Delaigue : D'abord parce qu'on a l'impression que celui qui sera élu sera le fruit du hasard avec les affaires, les outsiders qui vont avoir du mal à rassembler... Après c'est très rare qu'il y ait des gens fort qui se retrouvent au pouvoir. Mais est-ce vraiment un problème ? Qu'il y ait des contraintes européennes, des finances publiques qui ne laissent pas beaucoup de marge de manœuvre. Peu importe le président il y a peu de croissance peu de marge de manœuvre, des équilibres politiques qui vont dans le sens du maintien du statut quo… Tous ces facteurs font que le prochain président ne sera pas forcément un homme fort au sens où on l'entend. Cette situation dans d'autres pays convient très bien, en France on rêve toujours d'avoir des grands chefs… On vote pour quelqu'un que l'on souhaite tout puissant en qui l'on confie des attentes déraisonnables pour constater ensuite qu'il n'y a pas tant de choses faisables.  Cela mène à se poser la question : est-ce nos attentes qui sont excessives ou est-ce notre Président qui sera faible ?

Eric Verhaeghe : Déjà, il va arriver dans un climat de forte défiance et même de soupçon quasi-inquisitorial vis-à-vis de la classe politique dans son ensemble. On ne mesure peut-être pas assez l'étrange effet de déception produit par l'affaire Fillon. Cette déception ne vient pas seulement de l'impression que Fillon a pu donner de mentir ou de commettre quelques compromis excessifs avec le mensonge. Elle vient surtout du sentiment qu'il ne prend pas la mesure de l'écœurement de la population vis-à-vis de ses comportements. Prenons le cas de sa femme qui ne sait plus si elle a eu ou non des contrats de travail. C'est quand même compliqué à expliquer. N'importe quel chef d'entreprise serait en situation extrêmement délicate depuis longtemps avec ce genre de comportement. L'accusation de travail dissimulé viendrait très vite. Il est incompréhensible que des députés puissent recruter du personnel sans une parfaite clarté sur les contrats de travail. Face à ce genre de découvertes, le sentiment d'une rupture profonde entre l'élite et le peuple risque forcément de s'accroître. Pour le président qui pourrait être élu en mai, cette situation pèsera lourd.

A quoi pourrait ressembler la France en 2022 économiquement parlant en fonction de si c'est un candidat "raisonnable" (Hamon, Fillon, Macron) ou un candidat "déraisonnable" (Mélenchon, Le-Pen) ?

Eric Verhaeghe : Tout le sujet est de savoir si oui ou non le président qui sera élu en 2017 acceptera d'endosser des réformes de structure douloureuses, fondées essentiellement sur une réduction de la place de l'Etat dans l'économie. La dépense publique passive en France atteint des proportions effrayantes. Il faut donc un président qui prend sur lui d'inverser la courbe. 

Si le président est "raisonnable" au sens où vous l'entendez, il pratiquera un minimum de réformes nécessaires qui laisseront l'économie française augurer d'une amélioration de sa compétitivité. Ce serait un bilan positif. Toutefois, Mélenchon comme Le Pen ne sont pas sur cette ligne et annoncent d'ores et déjà un maintien de leur ligne très favorable à la dépense publique. Pour l'ensemble de l'économie française, le quinquennat à venir serait alors un quinquennat perdu, comme celui de François Hollande d'ailleurs. On connaît les conséquences d'une catastrophe de ce genre. La France continuera à s'enfoncer dans sa sinistrose, dans son sentiment de prendre l'eau doucement mais sûrement. Nos jeunes continueront à partir et nos usines continueront à se délocaliser.

Alexandre Delaigue : J'ai tendance à dire que l'on est à une période où c'est bien difficile d'imaginer les choses. La présidence consiste à prolonger les tendances et beaucoup de secteurs subissent des fluctuations assez chaotiques. Dans l'Union Européenne avec le Brexit, l'élection de Donald Trump aux Etats-Unis… Si la même question m'avait été posée il y a cinq ans, j'aurais répondu "à peu près pareil que maintenant", aujourd'hui je ne m'amuserai pas à faire ce pronostique. D'un point de vue économique si c'est un candidat "raisonnable" on va rester dans les mêmes tendances, je n'imagine pas qu'il peut y avoir des changements considérables. On sera toujours dépendant des mêmes variables. Dans le cas d'un candidat "déraisonnable" on est sur autre chose. Marine Le Pen tiendrait probablement un référendum sur l'Union Européenne qui se ferait dans des conditions catastrophiques (fuite des capitaux…), on pourrait arriver dans un scénario où Marine Le Pen serait un peu "reine fainéante". Si elle arrivait elle se retrouverait mise en minorité au parlement. Mélenchon n'est pas explicitement pour une sortie mais toute politique très différente de ce qui a été fait jusqu'à maintenant est en totale contradiction avec ce qui a été fait dans la Zone euro… Le parallèle qu'on peut faire dans ce cas-là c'est avec ce qu'il s'est passé en Grèce. Un an pendant lequel il y a eu une crise économique supplémentaire dû à une crise de confiance généralisée avec en prime une récession.

A quoi pourrait ressembler la France en 2022 sur la scène internationale et dans l'Europe parlant en fonction de si c'est un candidat "raisonnable" (Hamon, Fillon, Macron) ou un candidat "déraisonnable" (Mélenchon, Le-Pen) ?

Alexandre Delaigue : Dans l'Europe il faut noter d'abord que l'on n'est pas des moteurs mais des suiveurs. Il n'y a pas pour l'instant un grand candidat qui a véritablement une vision européenne, un projet pour l'Europe. Beaucoup sont eurosceptiques, ou en tout cas avec des prises de position qui auraient des problèmes de compatibilité avec la France dans l'Europe.  Le seul qui est "europositif" si j'ose dire c'est Emmanuel Macron mais sans véritablement dire ce qu'il ferait comme réorientation politique. Dans le cas d'un candidat "raisonnable" on resterait le même pays qui peut avoir un impact de temps en temps mais sans être un leader. Après si ce sont les "déraisonnables" pour moi le scénario parallèle c'est celui de la Grèce un pays qui entame et perd un bras de fer et qui se retrouve toujours à l'intérieur mais avec beaucoup moins de latitude et une crédibilité bien moindre. Pour l'instant l'avantage de la situation à l'heure actuelle c'est que pour l'instant on nous fiche la paix. Elle ne le serait plus si elle se mettait à élire des candidats qui ont des positions incompatibles avec l'Europe.

Eric Verhaeghe : Les questions que vous posez ont un rapport direct à la fois avec la relation franco-germanique, qui est fondée aujourd'hui sur une étreinte, voire une contrainte, allemande, et avec la relation transatlantique. Sur ces deux points, on peut penser que les candidats "déraisonnables" auront plus de latitude pour modifier un état de fait qui retarde la France. Je pense particulièrement à la relation avec l'Allemagne, qui a besoin d'être rééquilibrée. On peut ici penser que les candidats déraisonnables auront moins de complexe à opérer ce rééquilibrage. Bien évidemment il s'agit de plans sur la comète, mais tout laisse à penser qu'il existe aujourd'hui une intention d'y parvenir. En revanche, sur la scène extra-communautaire, les positions des candidats déraisonnables risquent de déforcer le pays. Il faudra une France capable de retrouver la ligne gaullienne d'équilibre entre les puissances. Or les candidats déraisonnables risquent d'être décentrés par rapport à cette ligne, soit pour une relation trop proche avec la Russie ou pour une relation trop proche avec les Etats-Unis.

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