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"La Grèce est dans une situation comparable à celle des pays communistes après la chute du mur"
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Crisis Horribilis

Malgré le second plan d'austérité adopté cette semaine, la Grèce se retrouve exsangue, comme l'explique le professeur grec de géopolitique Georges Prévélakis.

Georges Prévélakis

Georges Prévélakis

Georges Prévélakis est professeur de géopolitique à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. 
Il est spécialiste franco-grec de géopolitique. Il a signé Géopolitique de la Grèce (Complexe, 2005)

 

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La Grèce est sortie exsangue de la Seconde guerre mondiale. La génération de ceux qui détiennent aujourd’hui les leviers du pouvoir est née dans un pays considéré comme “sous-développé”. Pendant les Trente glorieuses, l’économie grecque a bénéficié de rythmes de croissance élevés (7%). Ce dynamisme a permis à la Grèce d’adhérer à la CEE en 1981. Ensuite, les subventions européennes et l’endettement, fortement facilité depuis l’entrée de la Grèce à la zone euro, ont soutenu une croissance ininterrompue.

Après six décennies de croissance, la récession des trois dernières années est arrivée comme un énorme choc. Ce n’est ni la pauvreté ni la pénurie qui sont inconnues aux Grecs d’aujourd’hui, puisque tous ceux qui ont plus de 30 ans sont nés dans un pays pauvre. C’est la récession, les taux de croissance négatifs, qui constituent la nouveauté. La diminution de la richesse pèse beaucoup plus lourdement que la pauvreté. Auparavant le présent était meilleur que le passé, tandis que l’avenir paraissait plein de promesses. Aujourd’hui, le présent est pire que le passé et l’avenir parait bouché. Ce choc vient après une période pendant laquelle, pour la première fois dans leur histoire, les Grecs se sentaient rassurés, considérant que l’intégration de leur pays en Europe les avait définitivement sauvés des anciennes malédictions économiques, politiques et géopolitiques (dictatures, guerres).

Les conséquences de ce retournement de fortune sont profondes. La société grecque est obligée de retrouver des comportements et des habitudes qu’elle avait abandonnés avec l’encouragement, voire meme avec l’incitation de l’Europe : il faut revenir à la famille élargie et son économie, retrouver l’Eglise et ses structures de solidarité, reprendre des rythmes quotidiens traditionnels. Mais il y a pire.

On peut comparer la situation grecque à celle des pays communistes après 1989. Pourtant, le cas grec, malgré un niveau de vie plus élevé, se présente comme plus traumatisant. Les sociétés post-communistes ont vécu l’effondrement de leur économie avec la compensation de la liberté et de la fierté retrouvées, avec l’espoir de jours meilleurs. Les réalités politiques grecques sont déprimantes : perte de souveraineté, humiliation nationale, restrictions des droits démocratiques. Le désespoir des jeunes créé actuellement une vague de départs à l’étranger.

Les Grecs doivent faire face à des situations pour lesquelles personne ne les a préparés. Ils passent du Paradis à l’Enfer. Ils vivent cette situation comme une énorme perte. Ils ont déjà traversé la première période de leur deuil, celle du refus de la nouvelle réalité. Actuellement ils vivent la deuxième phase, la plus douloureuse : la désorganisation. Il faut espérer que la troisième phase, celle de la réorganisation, ne tarde pas trop. En attendant, tous les dangers sont présents, y compris les tendances suicidaires. Pour cette raison, l’Europe doit rester vigilante et doit éviter d’exaspérer encore plus le peuple grec par des déclarations agressives et humiliantes.

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