Pourquoi le prix de l’essence n’est pas seulement lié au prix du pétrole<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Consommation
Pourquoi le prix de l’essence n’est pas seulement lié au prix du pétrole
©

Coup de pompe

Les prix à la pompe battent des records.... alors même que le prix du baril est moins cher qu’en 2008 ! En cause : les coûts d'exploitation des gisements.

Thomas Porcher

Thomas Porcher

Thomas Porcher est Docteur en économie, professeur en marché des matières premières à PSB (Paris School of Buisness) et chargé de cours à l'université Paris-Descartes.

Son dernier livre est Introduction inquiète à la Macron-économie (Les Petits matins, octobre 2016) co-écrit avec Frédéric Farah. 

Il est également l'auteur de TAFTA : l'accord du plus fort (Max Milo Editions, octobre 2014) ; Le mirage du gaz de schiste (Max Milo Editions, mai 2013).

Il a coordonné l’ouvrage collectif Regards sur un XXI siècle en mouvement (Ellipses, aout 2012) préfacé par Jacques Attali.

Voir la bio »

Depuis le début de l’année 2012, le prix de l’essence va de record en record. Aujourd’hui, le prix du SP95 est à 1,58euro, celui du SP98 à 1,62 et celui du gazole à 1,42. Pour beaucoup, la hausse du prix de l’essence s’explique par la hausse du prix du pétrole à cause des tensions géopolitiques en Iran et des troubles au Nigéria dans un contexte où la demande est tirée par les pays émergents. A cela, il faut également ajouter la faiblesse de l’euro par rapport au dollar qui rend le pétrole libellé en dollars plus cher quand on l’achète en euros.

Pour tout le monde, il paraît évident que lorsque le prix du pétrole augmente le prix de l’essence augmente également. Pourtant, aujourd’hui, le prix du baril de Brent est à 121 dollars soit 91 euros avec un prix de l’essence à 1,58 euro contre 148 dollars en 2008 soit 93 euros (au taux de change de l’époque) avec un prix de l’essence à 1,54 euro. Comment peut-on expliquer ce record du prix de l’essence alors même que le prix du baril est moins cher en dollars et en euros qu’en 2008 ?

Il semblerait que la différence de prix du carburant entre 2008 et 2012 provienne de la différence de coûts d’exploitation des gisements : une production identique de barils de pétrole ne nécessite pas les mêmes coûts selon les gisements. Certains gisements ont des coûts d’extraction élevés, d’autres non. D’ailleurs, les compagnies exploitent des gisements de différentes rentabilités. Certains, mis en production dans les années 90, sont rentables à partir d’un baril à 15 dollars, d’autres, mis en production récemment, nécessitent un prix du pétrole supérieur à 100 dollars.

Or depuis 2009, avec l’augmentation de la demande mondiale de pétrole, les compagnies pétrolières mettent en production des gisements dans des zones de plus en plus difficiles d’accès. Les coûts d’extraction augmentent. Mais le prix du pétrole (hors spéculation) est calculé en fonction des gisements aux coûts d’extraction les plus élevés, car le prix du pétrole doit permettre de réaliser un profit suffisant pour exploiter ces gisements tout en permettant aux compagnies de réaliser un profit maximum sur les gisements dont les coûts d’exploitation sont moindres. Aujourd’hui, avec un prix du baril à 121 dollars, les derniers gisements mis en production sont tout juste rentables mais les gisements mis en production dans les années 90 (rentables à 15 dollars le baril) deviennent « super-rentables ». C’est d’ailleurs grâce à ces différences de coûts d’extraction du pétrole que les compagnies, notamment Total, réalisent la majorité de leurs bénéfices dans l’exploration-production.

Le problème est que les compagnies ne calculent pas le prix de l’essence (hors taxes) en fonction du coût moyen d’extraction de l’ensemble des gisements en activité mais uniquement en fonction du coût d’extraction du gisement le moins rentable, c'est-à-dire celui ayant le coût d’extraction le plus élevé. C’est pour cela que le prix du pétrole de 2008, largement alimenté par la spéculation, a été moins reporté sur le prix de l’essence qu’actuellement. Le prix du pétrole (hors spéculation) et de l’essence (hors taxes) dépendent donc des coûts d’extraction des gisements les moins rentables (en mer très profondes) et comme les compagnies exploitent des gisements de différentes rentabilités (rentables à partir de 10$, 20$ ou 50$), elles génèrent donc des profits énormes en exploration-production mais également en distribution. D’ailleurs, au vu des investissements en exploration réalisés par les compagnies pétrolières, le prix de l’essence pourrait atteindre plus rapidement que prévu les 2 euros.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !