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Donald Trump ou la fin de l'ère des néo-conservateurs : vers une meilleure relation avec l'Amérique ?
©Reuters

Nouvelle idéologie en vue

Georges W. Bush, Bill et Hillary Clinton, ou encore Barack Obama : tous les derniers dirigeants américains ont été inspirés par l'idéologie néoconservatrice.

Roland Hureaux

Roland Hureaux

Roland Hureaux a été universitaire, diplomate, membre de plusieurs cabinets ministériels (dont celui de Philippe Séguin), élu local, et plus récemment à la Cour des comptes.

Il est l'auteur de La grande démolition : La France cassée par les réformes ainsi que de L'actualité du Gaullisme, Les hauteurs béantes de l'Europe, Les nouveaux féodaux, Gnose et gnostiques des origines à nos jours.

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Beaucoup sont, depuis vingt-cinq ans, très critiques de la politique étrangère des Etats-Unis menée sous l'égide de la pensée néoconservatrice. Ils se font, en conséquence, taxer régulièrement d'antiaméricanisme de manière aussi mécanique que les critiques du communisme se faisaient autrefois taxer d'antisoviétisme par Georges Marchais.  

La doctrine néoconservatrice a inspiré aussi bien des démocrates comme Clinton, mari et femme, voire Obama, que des républicains comme Bush Jr . Nous n'incluons pas son père dans cette série dans la mesure où la première guerre du Golfe (1990), à la différence de la seconde (2003), répondait à une agression réelle et, quoique déjà discutable, était conforme à la Charte des Nations Unies. Les principes de cette doctrine : l'Amérique a un modèle de civilisation supérieur et la mission de l'imposer au reste du monde, au besoin en changeant les régimes par la force. Par un étonnant paradoxe, sa mise en œuvre  s'est traduite dans le Proche-Orient arabe par une alliance  avec l'islamisme radical. Le bilan de cette politique : au moins sept guerres, des millions de  morts  (en incluant  les effets de l'embargo imposé à l'Irak de 1991 à 2003).  

Rien à voir avec la période de la Guerre froide où les Etats-Unis avaient généralement réagi à une agression du bloc communiste (Corée, Vietnam, Afghanistan), ni avec les rodomontades de Reagan qui a réussi à "gagner le Guerre froide", sans jamais attaquer personne, en tous les cas de manière ouverte (sauf la minuscule Grenade).     

Le paramètre idéologique

On ne peut manquer d'établir un parallèle entre ce qui s'est passé aux Etats-Unis depuis 1990 et ce qu'il était advenu de la Russie au temps du communisme.

Nous ne reviendrons pas sur les méfaits de ce régime, d'abord pour les Russes, puis pour les peuples allogènes de l'URSS, ensuite pour ceux qui tombèrent sous le joug du communisme après 1945, notamment les pays d' Europe de l'Est. Que la Chine, devenue elle aussi communiste en 1949, ait ensuite pris ses distances avec l'Union soviétique n'empêche pas que l'idéologie marxiste y ait été au moins aussi dévastatrice.

Toutefois l'horreur que pouvait inspirer le communisme ne pouvait empêcher que beaucoup d'entre nous aient aimé la civilisation russe : ses icônes, ses églises à bulbes, ses grands romanciers, ses grands musiciens, les films d'Eisenstein etc. C'est pourquoi la chute du communisme permet  de révérer à nouveau cette civilisation ; le nouveau régime, à la tête de qui se trouve Poutine, a certes des défauts mais il  met en avant la religion orthodoxe et la patrie russe, deux valeurs que la Russie actuelle ne cherche pas imposer au reste du monde.  Selon le mot du général de Gaulle, un pays bien gouverné doit être en paix à l'intérieur, respecté à l'extérieur (les deux étant  liés). C'est le programme qui semble être celui de la Russie actuelle, ce que ne veulent pas comprendre les néoconservateurs qui , avec un rare aveuglement, voient toujours le soviétisme derrière la Russie de Poutine.

La même chose peut être dite des Etats-Unis. On peut aimer l'héritage américain, bien qu'il soit moins riche que le russe, aimer l'épopée du Far West, le roman américain, le jazz, la qualité du cinéma de Hollywood, les grandes universités, aimer l'enthousiasme avec lequel  les Américains ont combattu à nos côtés au cours de la Première, puis de la Seconde guerre mondiale, ainsi que leur résistance au communisme. On peut en même temps trouver détestables les effets de l'idéologie néoconservatrice dans le monde : une idéologie moins dévastatrice à l'intérieur que ne l'était le communisme en Russie, mais bien plus à  l'extérieur, si on additionne les dégâts des guerres engagées en son nom au cours des dernières années, y compris par Obama, prix Nobel de la Paix. 

Trump, malgré son style grossier, a nettement pris ses distances avec cette idéologie : il récuse le regime change, il accepte l'idée que d'autres parties du monde ne soient pas adaptées aux valeurs américaines, il refuse toute complaisance avec l'islamisme et se propose d'établir un partenariat pacifique avec la Russie. Il se déclare mu par la défense des intérêts des Etats-Unis et non par la volonté de répandre une idéologie. Comme la chute du rideau de fer en 1990 à l'Est, son élection annonce, à l'Ouest, un retour à la politique classique hors de toute idéologie. 

L'idéologie est une véritable pathologie de la raison politique : comme la Russie s'en est débarrassée en 1990, les Etats-Unis viennent de s'en débarrasser en 2016.

Que nous trouvions Donald Trump aimable ou pas n'est pas la question. De même que la chute du communisme avait permis aux Russes et à ceux qui aiment la Russie de retrouver le goût  de ce pays, la fin du néo-conservatisme - dont on mesurera bientôt toute la folie qu'il a représenté -  nous permet de redevenir les amis de Etats-Unis.

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