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Débat de la primaire : la gauche made in France regardée de l’étranger
©SEBASTIEN BOZON / AFP

French touch

Pour le troisième et dernier débat des primaires du parti socialiste, trois journalistes étrangers posent leur regard sur cette primaire et expliquent comment ils essayent -péniblement- d'intéresser leurs lecteurs, auditeurs ou téléspectateurs.

Juan Pedro  Quiñonero

Juan Pedro Quiñonero

Juan Pedro Quiñonero est journaliste. Il est correspondant en France du journal conservateur espagnol ABC.

Auteur d'une vingtaine de livres.

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Hugh Schofield

Hugh Schofield

Hugh Schofield est correspondant en France pour la BBC.

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Ariane Hasler

Ariane Hasler

Ariane Hasler est journaliste pour la RTS (Radio Télévision Suisse)

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Atlantico : Comment analysez-vous le débat de la primaire de ce soir et cette primaire socialiste en général ?

Hugh Schofield :  Franchement, le débat a été une déception totale. Personnellement je trouve que la formule de sept personnes avec un temps de parole égal par question crée une ambiance stérile et sans intérêt. En plus j'ai écouté par la radio, et si on ne reconnaissait pas les voix, c'était impossible même de savoir qui parlait !  Mais ce n'est pas pas que question de format. A mon avis, l'auditeur lambda aurait quitté le débat dans un état de confusion total. Ou les participants parlaient en banalités façon "on s'engage à éliminer le problème des sans-abris" ou ils parlaient au-dessus de nos têtes pour des propositions peu compréhensibles comme celui de Hamon pour le revenu universel. Est-ce pour tout le monde ? Comme le suggèrent les libéraux?  Ou que pour les pauvres? Et Montebourg sur sa relance, il parle comme si c'est toute une évidence que de dire que d'abord on accumule davantage de déficit et puis comme avec un coup de baguette ça re-descend. Mais personne n'est dupe.

Ariane Hasler : Dans l'ensemble les candidats étaient plus détendus mais aussi plus dans l'échange et l'attaque. Ils étaient dans des thématiques plus de gauche et ça a donné un aspect moins austère aux débats par rapport aux questions qui étaient posées précédents débats qui étaient plus techniques. On a regardé ces 10h de débat et on se pose tous la question de savoir ce qu'il va se passer dimanche vu que le peuple de gauche a aussi les yeux rivés sur Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon. Nous n'arrivons pas à faire de pronostique et c'est assez perturbant. Qui va remporter? C'est la question que l'on se pose tous. Pour l'instant ceux qui débattent sont donnés derrière les candidats hors primaire et du coup le vainqueur cette primaire souffrira tout de même d'un défaut de légitimité. 

Juan Pedro Quiñonero : Cette primaire et ces débats montrent l'effondrement total du socialisme français. Il s'inscrit dailleurs dans le cadre de l'effondrement global de tous les socialismes européens à la fois dans les pays et au sein de l'union européenne. C'est une sorte de guerre civile froide avec deux grandes tendances pour la gauche: des pros européens libéraux et des anti européens et anti euro. La "guerre civile" s'inscrit de manière profonde dans le quinquennat Hollande.  Cette primaire c'est vraiment le résumé global de toutes les crise du socialisme francais et européen. Depuis des années je dis que Manuel Valls aurait été un bon candidat de droite vu l'accaparement qu'il fait des thématiques autoritaires. Au contraire, Hamon et Montebourg ont toujours incarné la gauche anti Maastricht et anti Europe. Dans l'état actuel des choses j'ai l'impression que les rapports de force sont plutôt favorables à la gauche traditionnelle avec son parfum archaïque plutôt qu'à une gauche libérale comme celle qu'incarne Manuel Valls.

De manière générale, quel ressenti avez-vous vis-à-vis de l'élection présidentielle à venir et quel regard portez-vous sur la situation politique en France à l'heure actuelle à travers votre travail?

Hugh Schofield : Pout être totalement honnête il a été très difficile d'intéresser la BBC aux primaires socialistes. Pour les Républicains, c'était simple. Le gagnant là avait une bonne chance d'être le prochain président. Mais pour les socialistes, c'est tout autrement. Mais ce n'est pas que ça.  Les candidats aujourd'hui ne disent rien d'intéressant; rien qui retient l'esprit. Leur grand problème est que les autres candidats - Fillon, Macron, Le Pen, Melenchon -  ont chacun un offre qui est assez tranchée. On peut être en désaccord total, mais au moins ils disent : moi, je suggère cette nouvelle route , ou libérale ou protectionniste.  Pour les candidats socialistes, on a l'impression qu'ils restent dans un monde politico-théorique, où ce qui compte ce ne sont que les mots. 

Ariane Hasler : Ces élections arrivent dans un contexte particulier avec les attentats. Les questions de terrorisme et de sécurité ont envahi le débat politique et public et du coup ont fait émerger d'autres thématiques, comme le communautarisme ou le vivre ensemble. Ces thématiques, peut-être que la France les a sous estimées ou a minimisé le fait que cela pouvait exploser. Du coup, je pense que l'on est face à un tournant dans l'histoire politique de la française. On le voit avec le succès de certaines figures comme Emmanuel Macron qui veut s'extraire du système partisan et qui suscite un réel engouement. On a vu l'émergence aussi de mouvements comme les "nuits debout" ou "laprimaire.org". Comme correspondant extérieur on a l'impression que les partis traditionnels sont désemparés face à ce contexte et que les citoyens ne sont plus satisfaits du choix qui leur est proposé. A côté de cela, il y a eu aussi pour la première fois un Président qui ne brigue pas de deuxième mandat, un ancien Président qui tente de revenir. Et comme si cela ne suffisait pas, il y a Marine Le Pen dont l'ombre plane sur ces élections et qui n'est pas encore rentrée dans l'arène. Lorsqu'elle le fera les paramètres vont encore changer.

Juan Pedro Quiñonero : La France a une croissance officielle de 1.2, 1.3 %. L'Espagne va faire une croissance de 3% c'est dire si l'on revient de loin.  Maintenant la France a le choix entre continuer dans le déclin ou entamer une rupture. Deux candidats incarnent cette rupture. Marine Le Pen incarne une rupture dure, une sortie de l'euro même si ses propos sont plus nuancés aujourd'hui. Ca à mon avis c'est la décadence pure type Brexit. Il y a aussi la rupture réaliste (ou pas) de Fillon qui veut faire 5 milliards d'économie et supprimer 500 000 postes de fonctionnaires. Si il arrive à concrétiser cette rupture, s'il est élu, alors cela pourrait être un changement de cap formidable si la France est prête. 

Comment faites-vous pour intéresser votre lectorat/auditeurs/spectateurs à la situation politique française ? Est-elle seulement intéressante pour nos voisins ?

Hugh Schofield : Mais je finis par dire que en Grande Bretagne il y a un vrai intérêt dans les élections présidentielles. On nous interpelle constamment pour nos avis sur le probable vainqueur. Bien évidemment, après le Brexit et Trump, la question qui revient chaque fois est : est-ce que Marine peut gagner ? J'ai toujours été sûr qu'il est impossible qu'elle gagne, et que la situation en France est différente. Mais la persistance avec laquelle la question est re-posé tous les jours -- ça a l'effet de me faire douter!

Ariane Hasler : J'ai la grande chance de vivre dans un pays où les gens sont très intéressés par la politique française. Le Suisse romand baigne dans cette politique donc il a une connaissance et une compétence déjà sur les personnages et sur le fonctionnement de la politique en France. S'il y a un pays dont la politique intéresse et motive le Suisse Romand c'est la France. Il y a une vraie appétence pour la politique de chez vous.  Comparativement la politique suisse  est beaucoup plus lisse, sans esclandres avec peu d'éclats et de confrontations… Du coup lorsque l'on campe les personnages et quand on décrit les rebondissements de l'élection présidentielle ils trouvent cela intéressant et forcément plus vivant que leur propre politique.Il y a aussi parfois un peu de condescendance sur le côté granguignolesque de la politique française, c'est un mélange de curiosité intellectuelle et en même temps un peu d'effarement.

Juan Pedro Quiñonero :Il y a une sorte de fascination historique des Espagnols pour Paris. Les femmes de président et les présidents français. Mais aujourd'hui entre Donald Trump et le Brexit, c'est très difficile de parler de la France au-delà des frontières de l'hexagone. La France a perdu son intérêt, aujourd'hui c'est vraiment laborieux d'expliquer qui est Hollande ou Benoît Hamon. En dehors de la France, cela n'intéresse personne. Aujourd'hui  parler simplement de politique c'est très difficile. Par contre en introduisant des thématiques sociologiques dans un sujet politique, comme le nombre de jeunes prêts à voter pour Marine Le Pen permet encore de vendre des papiers. 

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