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Le consommateur français et européen signe sa soumission par ses achats
©geralt - Pixabay

Les entrepreneurs parlent aux Français

Cessons de nous plaindre de la domination américaine et chinoise et lançons nos champions.

Denis Jacquet

Denis Jacquet

Denis Jacquet est fondateur du Day One Movement. Il a publié Covid: le début de la peur, la fin d'une démocratie aux éditions Eyrolles.  

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Les Français aiment à se plaindre de ces méchants politiques qui mentent et déçoivent. Mais continuent à voter pour eux et pensent que voter FN sera une sanction au profit d’un parti pas comme les autres. Et pourtant il est comme les autres, en pire peut être. Un parti de nantis, d’héritiers, népotique, qui souffle le retour au passé et l’exclusion, 2 thèmes en vogue chez ceux qui ne croient plus à l’avenir. Et je ne peux, de ce point de vue, leur donner tort.

Les Français aiment se plaindre, certains en tous cas, de ces méchantes multinationales qui foulent nos modèles au pied et détruisent la valeur qu’ils captent pour leur seul intérêt. Et pourtant, ils leur donnent leur index plutôt que leur majeur, quand il s’agit d’internet, d’alimentation, d’achats quotidiens, de décision sur le prix. Mais aussi comme salarié et décideurs des grands groupes, des collectivités locales, de l’Etat.

Les Français aiment se plaindre et se moquer, mais ne font rien pour inverser la tendance. Le fameux consommateur-acteur est une invention marketing destinée à nous faire croire que nous serions passé à l’ère du consommateur responsable qui PENSE ses achats. Fumisterie, sauf chez 2% de la population qui a les moyens et le temps d’avoir un peu de conscience et de recul.

Les Français ne comprennent pas que nos emplois nous aient échappé, mais ont acheté eux mêmes leur chômage avec la complicité des politiques et de la distribution.

Je suis entrepreneur. Je décide, j’évite de faire ce qu’on me dit de faire, d’agir comme on me dit d’agir, de penser comme on me l’impose. C’est la caractéristique de l’entrepreneur, de ne pas aimer les cases préfabriquées et préférer les construire lui même. Contester, analyser avant de faire avant de mettre ses pas dans les pas de son père, quel que soit l’amour qu’on lui porte. De refuser la fatalité, la douleur, l’échec, sauf à en faire une leçon de vie destinée à la rendre plus belle.  

Et puis, nous sommes de plus en plus nombreux à penser que c’est aussi le rôle des entrepreneurs, du fait de leur pouvoir économique, de leur influence majeure sur la réussite d’un pays, de montrer une autre voie que celle que les dompteurs de moutons essaient de nous imposer, au travers de cette phrase fatale du « ceux qui ont acheté cela ont aussi acheté ceci » et « ceux qui te ressemblent pensent que ». Cette aspirateur à neurones qu’on appelle l’intelligence collective, et que j’appelle la « démission individuelle à changer la collectivité ». L’entrepreneur, l’un des derniers acteurs libres, au sens où il choisit les conditions de sa propre servitude, a le devoir de partager son esprit critique, une part des gênes anormaux qui le constituent et le composent, avec une population qui doit plus que lui, obéir à un système, un chef, une hiérarchie, une dictature collective.

Nous avons entre les mains un outil, qui devient et sera prochainement, une extension de nous mêmes, vraisemblablement intégré à notre corps, commandé télépathiquement, paresse suprême, dans un monde où la l’inactivité, la sédentarité et l’alimentation font exploser les chiffres de l’obésité. Nous avons donc un outil, qui nous permet d’un mouvement de l’index, de nous réveiller ou de nous faire opposer le majeur, par des pouvoirs qui nous dépassent déjà. De quoi suis je en train de parler ?

Le monde du digital ne nous appartient pas, nous en sommes les victimes consentantes. Les agneaux qui s’offrent au loup, dans une cérémonie bien réglée, ou l’aveuglement face à la gratuité, a fait de nous le produit, victimes adoratrices d’un internet contrôlé par l’étranger, qui se renforce et s’enrichit sans que nous ne recevions rien d’autre que la gratuité en partage. Nous devenons gratuits et comme tout ce qui est gratuit, nous perdons notre valeur.

Constat 1 : Les français utilisent à plus de 95% Google comme moteur de recherche. La nouvelle Bible, le nouveau testament nous promet un bel enterrement. Une entreprise tellement puissante qu’elle veut indexer le monde pour le mettre à l’index. Mais l’enrobe magnifiquement et brillamment (d’un point de vue marketing). Santé, éducation, commerce, financement.. Mais aussi la Singularity University qui nous promet un homme post humain, dans un élan démocratique destiné à faire des plus faibles, il faut y croire en se concentrant bien, les plus forts.

Les apôtres Google nous promettent que « les derniers seront les premiers », en les augmentant. La réalité est toute autre. Au final, un acteur seul, et omnipotent, sans concurrence, qui achète sans payer, afin de contrôler vos vies en les connaissant mieux que quiconque, finira par confondre le bien de l’humanité et le sien propre. Cela s’appelle une future dictature. Et les Français achètent !! L’un des plus beaux scores de Google dans le monde, c’est la France. Nous leur confions les clés de nos portes et ne demandons même pas à voir ce qu’il y a derrière. Contre la gratuité d’accès au moteur de recherche, nous avons cédé. Et Qwant, notre moteur de recherche national, doit se battre pour rêver à 5 ou 6% de vos recherches. Alors qu’il ne conserve pas nos données. Ce que nous devrions préférer non ?

Pas de champions mondiaux prêts à « contrôler » le monde, n’est français. Ne nous plaignons pas, nous sommes passés à l’ouest, mais pas en France.

Constat 2 : Nous préférons les prix qui créent l’emploi des autres et condamnent les nôtres. 30 années d’aveuglement face à la politique du pouvoir d’achat, ont permis aux enfants mineurs du Bengladesh de fabriquer nos t-shirt à la place de nos ouvriers français. Quand on fait le choix du moins cher, on fait le choix du chômage. Ils sont où les Consom’acteurs ? Foutaise.

Amazon nous dit que la livraison est gratuite. Pensez vous que cela permettra de payer le livreur, à vélo, à roller, en bout de chaîne. Si la livraison est gratuite, il sera payé en roue de bicyclette ?! Un modèle économique vertueux, conduisant à l’élévation sociale passe rarement par un chômage massif des plus faibles. Une économie solvable et croissante, ne passe pas par leur paupérisation.

Et pourtant d’un point de vue purement entrepreneurial et financier, Google comme Amazon sont de super boîtes, fondées par des entrepreneurs géniaux et visionnaires. Mais entre la vision de départ et la visée d’aujourd’hui, le cours de bourse est passé par là, et je crains que la vision de demain soit nettement moins acceptable. Voire pas du tout.

J’ai beaucoup aimé comme vous, la publicité de Monoprix moquant la pub des magasins sans caissières d’Amazon, en indiquant que l’on pouvait être moderne en préservant l’humain.

Car le combat à l’œuvre c’est de fabriquer, au nom de la technologie et du « progrès », au nom de la productivité aussi, un monde parfait, mais sans humain. Faire des humains, un mal temporairement nécessaire, que nous devront augmenter pour qu’ils soient à la hauteur des robots qu’on lui fabrique comme challenger, pour normer sa conduite afin qu’elle rentre dans les cases et devienne plus prévisible (afin de rendre intelligent les systèmes prédictifs, qui à leur goût permettent trop de prévoir l’avenir par l’étude de la reproduction statistique des actes passés et non dans la prévision des actes futurs bruts), pour qu’il ne soit plus indispensable, car il n’est qu’un ensemble de données à offrir au Dieu Big Data traité par l’IA.

Pessimiste ? Etre réaliste n’est pas réactionnaire, c’est le devoir de toute personne dotée d’un cerveau. Etre réaliste n’empêche pas de rechercher et accepter le changement, mais uniquement quand il est porteur de MIEUX, de MIEUX POUR L’HOMME.

Constat 3 : La commande publique, celle des collectivités publiques, des grands groupes. Pourquoi n’est elle pas prioritairement affectée à faire naître des géants français. Pas ceux qui existent déjà, ceux que nous devons faire naître. Tant que nos politiques économiques ne seront pas destinées à donner aujourd’hui, à nos futurs géants, ce qu’ils nous rendront demain ; tant que nous ne leur donnerons pas la pièce, nous nous exposons à recevoir la mendicité.

La preuve, nous avons déjà accepté notre défaite par le débat sur l’allocation universelle. Une défaite, car nous semblons accepter l’idée que créer de la richesse, de l’emploi appartient au passé, qu’il faut baisser les bras et perfuser les victimes, les anesthésier aussi un peu, afin qu’ils ne se révoltent pas. Ou pas trop vite.

Que faisons nous pour financer par le chiffre d’affaire ces PME, start-up, innovantes, qui pourraient non seulement prospérer mondialement, si nous leur donnions leur chance, un bon de commande et un paiement à 30 jours ? La réponse est simple : RIEN, à l’exception de certaines initiatives vertueuses (UGAP et le Tour de France de l’achat public innovant avec Parrainer la Croissance, la Médiation, le comité Richelieu, l’INPI…).

Alors peuple de France, cesse de te plaindre et agis. Sers toi de ton index pour indexer ton avenir en lui donnant une couleur tricolore. Non pas nationaliste, recluse, conservatrice ou réactionnaire, protectionniste. Non, seulement une fierté et une ambition, à un prix juste. Un prix juste, c’est celui qui rémunère la personne qui rend le service, à un prix logique et partage la valeur créée.  

Nous devons inventer un système, un modèle économique, différent du modèle américain (et Chinois), car il ne sert à rien de tenter de les battre sur leur terrain et modèle. Ils sont plus forts, plus nombreux, plus puissants, mieux financés. Non. Et surtout, c’est le leur et on ne peut pas leur reprocher. Moi j’adore les USA. Mais je suis français et je souhaite faire gagner la France, et certainement pas en m’excitant uniquement sur le fait de taxer ces « méchants GAFA » qui ne paieraient pas leur impôts. Les taxer de nous donnera pas d’avenir. Il faut y réfléchir mais c’est un pansement, pas une solution au service de notre avenir.

Ce que devons nous reprocher c’est de ne pas donner la chance à nos propres services et produits et de ne pas les payer. Nous sommes seuls coupables de notre déclin, arrêtons d’accuser les autres. C’est injuste et trop facile. Ils gagnent parce que nous avons décidé de perdre, de baisser les bras. Il faut donc nous laisser tenter un modèle différent mais économiquement viable et centré sur l’homme. C’est notre responsabilité et ce que nous devrions imposer aux candidats, qui sur ces sujets, à droite et à gauche (et ailleurs) sont bien primaires !

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