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Londres empêtrée dans le Brexit : mauvaise nouvelle pour les populistes, l’Europe relève la tête
©Reuters

Atlantico Business

Conséquences inattendues du Brexit, l’Europe est peut-être en train de se reconstruire et les populistes de toutes les capitales se retrouvent piégés et reculent.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Six mois après le vote des Britanniques en faveur du Brexit et alors que les négociations devraient commencer pour fixer les modalités du divorce, la situation n’a jamais été aussi confuse en Grande Bretagne. Cela favorise un durcissement des gouvernements européens qui sont de moins décidés à céder dans une négociation qui s’annonce de plus en plus dure. Parallèlement, les mouvements populistes et anti-européens qui se sont développés dans tous les pays se retrouvent piégés par l’incapacité des Anglais à sortir un modèle de sortie.

Ce qui se passe est donc très intéressant, et il va falloir observer l‘évolution de la situation sur trois fronts.

1er front de désordre, la Grande-Bretagne. La Première ministre britannique, Theresa May,donne le sentiment de ne toujours pas savoir ce qu’elle veut. Pour les milieux d'affaires et politiques, il est évident qu‘à moins de trois mois de l’ouverture théorique des négociations avec Bruxelles, elle n’a toujours pas établi une stratégie de sortie. Tantôt, elle annonce vouloir un « hard Brexit » conforme au vote des électeurs ou du moins ce qui leur avait été promis, puis quand elle se rend compte des conséquences économiques de la séparation, elle communique sur la nécessité de négocier des accords de préférence communautaires. En bref, l’idéal pour elle, serait de sortir de l’Union européenne mais d’en conserver les avantages de marché.

En attendant, le monde de la banque, de l’assurance et aussi de l’industrie qui se sont installés en Angleterre pour pouvoir ensuite, faire commerce avec le passeport européen et pénétrer ce marché de 300 millions de consommateurs a préparé des plans B de relocalisation ailleurs, soit en Irlande, soit à Francfort ou à Paris. Les projets s’élaborent très vite. Un seul exemple, les réservations de bureau et d’espace commerciaux ou de stockage dans la région parisienne ont d’ores et déjà créé une situation de pénurie. Il ne reste pas 1m2 de bureau disponible à la Défense. Idem à Bruxelles, Amsterdam, ou à Luxembourg.

En contrepartie, les prix de l'immobilier à Londres ont commencé à baisser, tout comme la livre sterling qui est désormais à son plus bas.

L’ambassadeur britannique, qui avait été chargé de négocier les modalités du Brexit, et qui a démissionné a été d’une sévérité rare avec le gouvernement britannique. Dans sa lettre de démission qu’il a rendu public, il dénonce tout à la fois la confusion des consignes qui lui étaient données, les arguments infondés, le manque d’expérience et d’expertise sur les dossiers. Deux mois avant, le rapport d’audit commandé par Bruxelles et réalisé par le cabinet Deloitte  mettait déjà en évidence l’impréparation du gouvernement et la méconnaissance technique de Theresa May.

Depuis six mois que les Britanniques ont voté pour divorcer, le gouvernement de Londres a donc été incapable de définir une stratégie, ni même de constituer une équipe compétente et motivée pour mener à bien le projet de Brexit. A Londres, tout le monde donne le sentiment de jouer la montre. On insiste en permanence sur le temps qu’il faudra pour dénouer les liens, mais en attendant, on ne fait rien.

Consciente de la difficulté dans laquelle elle s’est mise, Theresa May a semble-t-il imaginé couper la procédure de divorce en deux.

Souhaitant ménager des conditions économiques favorables pour l’économie britannique, elle va chercher à préserver les avantages du passeport européen. Mais souhaitant répondre à une demande politique, elle va chercher à restreindre la libre circulation des hommes. L’idée est de stopper l’immigration ou du moins la contrôler.

L’ensemble de cette position est devenu insupportable aux principaux dirigeants européens.

2e front d’évolution, Bruxelles et les principales capitales de l’Union. Au lendemain du Brexit, les gouvernements européens se sont figés, presque effrayés par, ce que le Brexit pouvait annoncer comme mutation profonde et notamment un phénomène de contagion qui aurait conduit à la désintégration de l’espace européen. Aujourd’hui, ils ont compris qu’il fallait sortir le plus vite possible de cette période d'incertitude, qu’il fallait aussi clarifier la situation et qu’il leur était impossible de donner à la Grande Bretagne, les avantages de l’appartenance à l’union sans qu’elle en respecte les contraintes ou des règles de fonctionnement.

Du coup, les gouvernements allemands, français, italiens, espagnols, belges ou hollandais ont donné consigne à Bruxelles pour accélérer le processus de négociation sur la base d’une séparation claire et nette.

Michel Barnier, chargé du dossier par la Commission, harcèle le gouvernement britannique de ne pas perdre de temps. Jean Claude Junker a l’issue du dernier conseil des ministres a dit très précisément “qu'on ne pouvait pas être dehors et dedans à la fois”.

A Paris comme à Berlin, on se retrouve pour une fois sur la même longueur d’onde, “pas de manœuvres, pas de bricolage, nous devons être intransigeants. Si on commence à détricoter l’Union pour faire plaisir à un des états, nous désorganiseront la fin de l’Europe”.

Tout cela intervient à un moment ou les pays européens n’ont pas appréciés le nouveau raidissement de Theresa May. François Hollande a encore durci le ton avec l’accord d’Angela Merkel. Il faut qu’il y ait une menace, un risque, il faut qu’il y ait un prix à payer pour sortir de l’union européenne »

Curieusement, les gouvernements européens se sont rapprochés à l’occasion de cet épisode. Ils sont plus solidaires d’autant que les autres pays de l’union, les ex-pays de l’est sont derrière ces positions de fermeté. Ils ne comprendraient pas qu’on leur impose à eux des disciplines parfois douloureuses et qu'on en exonère la Grande-Bretagne.

3e front d’évolution, les mouvements populistes qui se sont développés dans la plupart des démocraties et qui ont pris pour cible, le fonctionnement de l’union européenne se retrouvent piégés. En Italie, Beppe Grillo et tous les eurosceptiques qui avaient applaudi le vote du Brexit, considérant que ce vote leur donnait raison et annonçait la fin de l’union européenne change un peu d’avis aujourd hui. Le fondateur du mouvement 5 Etoiles a même tenté ces jours ci un virage à 180 degrés en essayant de faire avaliser un accord avec le groupe libéral au parlement européen. Il a expliqué à ses militants que les difficultés d’application du Brexit l’avait amené à reconsidérer le contenu de ses propres propositions « l’ancien comique n’a pas été bien reçu par ses amis, mais les amis n’ont pas de plan B. Beppe Grillo qui a changé d’avis sur l’Europe et l’euro est toujours très populaire en Italie. Un peu comme Tsipras en Grèce qui avait lui aussi tourner casaque. De là à ce que Beppe Grillo devienne un défenseur du fédéralisme ou même un euro fanatique, il y a un peu de marge, mais l’Italie aussi évolue.

En Espagne, Podemos a changé son discours sur l’Europe en disant qu'on pouvait trouver des arrangements sans aller jusqu’au divorce. Tout le monde se rend compte en Espagne que la croissance extrêmement forte qui anime le pays depuis la sortie de crise est imputable aux efforts de compétitivité mais ces efforts ont été monétisés sur le marché de la zone euro.

En France, Marine Le Pen a beaucoup nuancé son discours sur l’euro au point où on a désormais du mal à savoir ce qu’elle promet. Sortir de l’euro tout en restant dans une monnaie unique qu’on appellerait l’euro, on voit mal ce que ça donnerait. Mais au delà des positions du front national, la campagne présidentielle, a montré que les candidats s’étaient un peu amendés de leur euro scepticisme.

L’Europe, l’euro, la BCE, ne sont plus des bouc-émissaires. Jean-Luc Mélenchon n’en parle plus. Arnaud Montebourg s’abstient de plaisanter et Benoît Hamon a rayé de son programme la sortie de l’Euro.

Ce qui est étonnant, c’est que le candidat qui a aujourd’hui le vent en poupe, Emmanuel Macron a mis au cœur de son programme l’approfondissement de l’Europe et la solidité du couple franco- allemand. Il n’a pas baissé dans les sondages alors que c’est le seul des candidats à mettre le drapeau européen dans ses meetings. Les autres sont restés plus réservés. Mais quand même si Macron fait la mode, l’Europe va redevenir à la mode.

En Hongrie, en Autriche, en Grèce, les mouvements extrémistes sont agités des mêmes réflexions.

La cause de cette évolution se trouve en grande Bretagne : tant que Theresa May n’aura pas défini une stratégie gagnante de sortie, les gouvernements européens se sentiront confortés et d’autre part leur opposition populistes se trouve très fragilisée.

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