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A quoi ressemblerait un quinquennat de François Hollande ?
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1981 - 2012

Il est donné en tête dans tous les sondages d'intention de vote au premier et au second tour. Les éditorialistes Audrey Pulvar, Eric Brunet, Jean-François Kahn et Philippe Tesson envisagent l'avenir d'une France dirigée par le candidat socialiste.

Audrey  Pulvar - Guillaume Roquette - Jean-François Kahn - Philipe Tesson

Audrey Pulvar - Guillaume Roquette - Jean-François Kahn - Philipe Tesson

Audrey Pulvar est journaliste et chroniqueuse pour l'émission On n'est pas couché sur France 2. Elle présente également la tranche 6 h - 7 h de France Inter depuis septembre 2010.

Eric Brunet est journaliste et essayiste. il anime tous les jours de la semaine Carrément Brunet à 13h sur RMC.

Jean-François Kahn est journaliste et essayiste. Il est également le créateur de l'hebdomadaire Marianne, dont il fut directeur jusqu'en 2007.

Philipe Tesson est journaliste, fondateur et directeur du Quotidien de Paris de 1974 à 1994. Il est chroniqueur habitué des studios de radio et des plateaux de télévision.

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Article publié précédemment dans ces colonnes :
A quoi ressemblerait un second quinquennat de Nicolas Sarkozy ?

Atlantico : Si François Hollande était élu et devenait président de la République, à quoi pourrait ressembler son mandat et en quoi se différencierait-il principalement du quinquennat de Nicolas Sarkozy ?

Audrey Pulvar : Sur le plan économique, je ne suis pas sure qu’il y ait un changement tel que l’on puisse parler de rupture. Nous sommes en face d’une conception très social-démocrate des questions économiques. Je n’ai pas vu dans son programme de mesures concrètes, y compris en matière de fiscalité, (à part bien sur le fait que les revenus les plus élevés auraient des contributions plus fortes en termes d’imposition dans la solidarité nationale).

Sur la question de la finance, il est bien joli de la désigner comme ennemie mais les mesures que je vois dans ces « 60 propositions » sont assez vagues. A part peut-être la question fondamentale de la séparation des activités de dépôt et de spéculation des banques.

En revanche, il est clair que pour tout ce qui concerne les questions de société, les conceptions défendues par Nicolas Sarkozy sont très éloignées de celles de François Hollande. Le candidat PS a fait référence au mariage homosexuel, à l’euthanasie, à l’accueil des immigrés, à la politique éducative-répressive (contrairement à répressif-répressif) pour les jeunes. J’espère aussi que l’on avancera sur la question de l’adoption par les couples homosexuels.

Eric Brunet : Il jouerait sur le seul levier qu’il puisse activer : l’imposition sur la partie supérieure des classes moyennes. Il y aurait une forme de division sociale au sein des Français. Le gouvernement appuierait la politique fiscale sur les gens qui génèrent la croissance, les cadres, les chefs d’entreprises. Pour le reste, il n’y a pas grand-chose à faire qui n’ait pas été déjà fait par Nicolas Sarkozy.

Une telle pression fiscale aboutirait à une forme de "racisme social" qui monterait une partie de la France contre une autre. Les Suisses, les Belges, les Luxembourgeois le disent, nous avons déjà vu un certain nombre de Français organiser leur départ vers ces pays. Contrairement à ce que dit la gauche, ce ne sont pas des Français très riches qui envisagent de partir mais simplement des entreprises qui redoutent une pression fiscale trop importante.

Jean-François Kahn : Nicolas Sarkozy et François Hollande sont les deux candidats du système. C’est l’élection elle-même qui impliquerait une rupture. Les Français oublient souvent une grille de lecture. On aime à se répéter que François Hollande et Nicolas Sarkozy, c’est du pareil au même. Mais il ne faut pas oublier une chose : l’un et l’autre se repose sur un socle électoral différent. Prenons deux exemples : l’un va être élu, entre autres, par les soutiens du CAC40 et les plus de 60 ans ; l’autre va être élu par les jeunes et les fonctionnaires. La politique qui en découle est forcément différente. Même si François Hollande le voulait, il ne pourrait pas soutenir une politique du bouclier fiscal. Il ne pourrait pas non plus remplacer un fonctionnaire sur deux.

Il y aurait également une rupture dans la pratique des institutions. François Hollande n’a pas cette vision personnalisée de la présidence qu’a Nicolas Sarkozy. Là où ce dernier gouvernait seul, François Hollande devrait choisir un vrai Premier ministre. Le rapport de force entre les deux sera réel.

Philippe Tesson : Ce qui sépare Nicolas Sarkozy de François Hollande sur la réponse accordée à la crise correspond à très peu de chose. Leur marge de décision, de liberté, d’autonomie, de gouvernement est infime devant un événement aussi complexe et considérable que cette crise. 

Sur le fond politique, bien sûr il y aura des évolutions, une divergence importante sur des domaines "secondaires" par rapport à la question de la crise : l’immigration, l’éducation, la formation, la politique de santé. Les orientations de François Hollande seront beaucoup plus dirigistes, moins libérales que les orientations de Nicolas Sarkozy.

Sur la forme, en revanche, les oppositions seront beaucoup plus marquées. Dans la mesure où Nicolas Sarkozy a été beaucoup plus "révolutionnaire" dans l’exercice de son pouvoir qu’il ne l’a été – vu les circonstances – dans les orientations idéologiques de sa politique. Le quinquennat qui s’achève aura été marqué par quelque chose de très spectaculaire dans la façon de gouverner. Hollande ne sera pas le même président que Sarkozy à cet égard-là. J’en veux pour preuve la manière dont il conduit sa campagne. 

Avec qui et comment pourrait gouverner François Hollande ? Dans quelle mesure pourrait-il ouvrir son équipe à des représentants d’une gauche élargie ?

Audrey Pulvar : J’imagine que des figures comme Laurent Fabius, Jean-Marc Ayrault et Ségolène Royal seront encore très présentes. Il me semble logique que des personnalités comme Manuel Valls, qui est très actif dans la campagne ou comme Arnaud Montebourg, qui a eu le score que l’on sait à la primaire, aient aussi leur place dans le dispositif. Où ? C’est encore difficile à dire.

En ce qui concerne le Premier ministre, les noms les plus divers circulent. On a parlé de Pierre Moscovici, Jean-Marc Ayrault, Martine Aubry, Laurent Fabius. Chacun tient la corde, l’un après l’autre, de semaine en semaine. Je crois que la tendance en ce moment, c’est plutôt Jean-Marc Ayrault. Tout dépendra du scrutin. Imaginons que Marine Le Pen soit au second tour, son gouvernement n’aura pas la même couleur que si François Hollande se retrouve face à Nicolas Sarkozy. Cela dépendra aussi du fait qu’il batte Nicolas Sarkozy avec un gros ou un petit écart, ou avec un gros apport des voix du Front de gauche ou pas.

Une ouverture vers Jean-Luc Mélenchon, plutôt que vers François Bayrou, me semblerait plus cohérente. Je ne crois pas que la victoire de François Hollande soit possible sans les voix du Front de gauche. Je ne vois pas comment, s’il est élu, il ne pourrait en tenir compte. Même s’il y a des personnalités dans l’entourage de François Hollande qui disent qu’il est clairement plus proche de François Bayrou que du candidat du Front de gauche…

Eric Brunet : Je ne pense pas qu’il y aura une ouverture majeure. Il y aura certainement quelques signaux à destination des électeurs, notamment du centre, mais sans vraie politique du collectif. Je ne crois pas que François Hollande ait une capacité réelle à aller vers François Bayrou. Comme le reste des centristes, ce dernier est idéologiquement plus proche de la droite que de la gauche. Il n’y aura rien de plus qu’une poignée de secrétariats d’Etat secondaires destinés au Front de Gauche et aux écologistes.

La culture socialiste reste celle d’un parti monolithique qui revendique la gouvernance et le pouvoir pour lui tout seul. Si alliance il y a, ce sera avec la gauche, notamment avec Jean-Luc Mélenchon et certaines personnalités communistes. François Hollande a lancé un signal assez méprisant à ses alliés dans son interview à la presse anglo-saxonne. Il a tout simplement admis qu’il n’avait aucune volonté réelle d’être dans le rassemblement des gauches.

Il y a encore trop de ces socialistes mondains de la vieille génération qui restent frustrés du pouvoir depuis si longtemps. Ils espèrent que leur heure est enfin arrivée. Même si quelques figures plus jeunes pourraient participer au gouvernement, les éléphants historiques devraient rester omniprésents.

Jean-François Kahn : Un gouvernement constitué uniquement d’amis de François Hollande, ce serait mauvais pour le pays. S’il est élu, il devra très vite faire preuve de franchise et admettre que la situation économique est plus difficile que prévue. Sur le peu de promesses qu’il a fait, il devra certainement faire marche arrière. Il risque dés lors de se retrouver dans la même position que Nicolas Sarkozy lorsqu’il a été élu : en renonçant à une partie de son programme, il va fortement chuter dans les sondages d’opinion. Que ce soit le centre ou la gauche de la gauche, tous se sentiront trahis.

François Hollande est trop intégré au système. Son parti peut être majoritaire et s’isoler de ses alliés. Dans le cas contraire, il se retrouverait en situation de crise. Il est fort probable que les membres du PS l’empêchent d’élargir son gouvernement.

Philippe Tesson : Caricaturalement, je dirai que François Hollande gouvernera avec avec tous les membres de sa famille politique. Ce sera l'un de ses problèmes. Il est l’homme de la synthèse, qui a besoin que soient réunies toutes les composantes de sa majorité pour trouver son équilibre. A cet égard, puisque le PS reste fidèle à sa culture de courants, de sous-familles, il devra donner un gage de reconnaissance à tous ceux qui l’auront soutenu pendant cette campagne et qui par volonté de revanche, réalisent actuellement, de manière artificielle, certes, mais réalisent néanmoins cette union, cette cohésion. Chacun se forçant pour des raisons tactiques évidentes de tolérer l’autre.

En outre, il devra surmonter le "problème" posé par ses alliés. Pour les Verts, c'est réglé : ils ont gagné la partie, puisqu’ils ont obtenu en récompense à leur soutien, la promesse d’avoir 100 candidats aux législatives. Il n’y aura pas 100 élus, mais bien 20 ou 30, qu’il faudra prendre en compte pour la constitution de sa majorité parlementaire, en admettant que sa majorité ait besoin de ce soutien.

En ce qui concerne Jean-Luc Mélenchon, la grande question sera de connaître sa décision après le second tour : on peut supposer qu’il acceptera la majorité parlementaire, mais il est plus difficile de prévoir une éventuelle participation au gouvernement. Tout dépendra du résultat, du rapport de force. Si ce rapport de force est favorable à François Hollande, il sera appelé au gouvernement. Je pense qu’il jouera le jeu de la loyauté. Les difficultés de Hollande viendront, sur le plan parlementaire, beaucoup plus de sa propre famille que de ses alliés.

François Hollande pourra-t-il maintenir ses promesses ? (35 heures, création de postes dans la fonction publique, âge de la retraite, etc)

Audrey Pulvar : Je pense que c’est largement tenable. Tout cela est possible à condition de repenser l’organisation de la société. Simplement, il va falloir qu’il ait l’honnêteté de dire aux gens que ce ne sont pas que les plus riches qui seront touchés. Cela sera beaucoup plus large que cela. Ne plus défiscaliser les intérêts d’emprunts par les accédants à la propriété, fiscaliser les heures supplémentaires ou encore revoir le mode de couverture sociale des travailleurs indépendants : tout cela ne va pas toucher que les plus riches. Cela va aussi toucher les classes moyennes.

Je ne mets pas en cause son honnêteté, d’autant plus que c’est un axe de campagne de Nicolas Sarkozy. Je trouve simplement qu’il manque de clarté, c’est d’ailleurs ce que j’ai dit à Pierre Moscovici sur le plateau d’ « On est pas couché ». Il ne peut pas se contenter de dire qu’il va faire payer les riches. On pourrait taxer les riches à 99%, cela ne suffirait pas à régler nos problèmes…

Eric Brunet : La gauche risque d’arriver au pouvoir au moment où la France en a moins besoin que jamais. Tony Blair, lorsqu’il était Premier ministre, faisait ce même constat : il n’aurait pas pu rester dix ans au pouvoir s’il n’était pas arrivé après l’ère Margaret Thatcher. Il ne peut pas y avoir de répartition s’il n’y a pas avant toute chose une forte croissance. Aujourd’hui, la France n’est pas du tout à l’aube d’une phase de générosité humaniste comme l’entrevoit la gauche. Les caisses de l’Etat sont vides. Que pourrait répartir la gauche ? On voit bien que même les 60 000 postes proposés par François Hollande dans l’éducation sont en réalité des bidouillages successifs suite à des suppressions et des transferts de postes.

Le peuple de gauche exalté par les discours de Jean-Luc Mélenchon et de la gauche de la gauche attend beaucoup des promesses de François Hollande. Pourtant, c’est bien d’un gouvernement d’austérité dont nous avons besoin aujourd’hui pour relancer la croissance. Nous avons plus besoin d’un De Gaulle ou d’un Sarkozy que d’un homme de gauche prolifique et généreux.

Les socialistes vont être obligés de s’asseoir sur tout. Ils vont détourner l’attention de leurs électeurs vers autre chose. Pour assumer leur position de gauche, ils vont revendiquer des réformes sociétales de gauche qui ne coûtent pas grand-chose. Le mariage homosexuel, l’euthanasie ou la suppression d’Hadopi par exemple. Les journalistes adorent et présenteront cette politique comme une évolution sociétale majeure. 

Jean-François Kahn : François Hollande devra rapidement admettre qu’il doit repousser à plus tard ses promesses. Surtout, il devra annoncer des réductions de dépenses dont il n’a pas encore parlées.

La politique sociale de Nicolas Sarkozy n’a pas été aussi dure et réactionnaire que la gauche le dit. François Hollande est un social-démocrate. Il représente l’aile droite du socialisme. Il dénonce les mensonges et les échecs de Nicolas Sarkozy alors qu’il s’agit de la même tendance idéologique.

Il est évident qu’il faudrait articuler un réalisme immédiat et prendre des décisions extrêmement fortes et courageuses pour réduire les déficits, la dette et parvenir à obtenir un excédent. Il dit qu’il va le faire. Mais il ne propose pas de mesures assez courageuses pour le faire. Au-delà de ça, c’est tout le système économico-social libéral qu’il faut remettre en question. Il est aussi usé et aussi immoral que le communisme de la fin Brejnev. Or pour la première fois dans toute l’histoire de la gauche, nous avons un candidat de gauche qui ne propose pas un autre modèle.

Philippe Tesson : La France est un vieux pays démocratique, nous savons tous que toutes les propositions de Hollande ne pourront pas s’inscrire dans les faits. Il faudrait les prendre les unes après les autres. La résolution des effets de la crise sera le problème majeur du gouvernement. C’est dans ce cadre-là, qu’on peut affirmer que les promesses qu’il fait ne seront pas tenues ; car elles sont intenables. Hollande est un homme responsable, il y a beaucoup de choses qu’il promet qu’il ne pourra pas réaliser, bien évidemment. A cet égard, il a commis une très grande erreur quand il a affirmé au Guardian qu’il était aussi libéral que socialiste : cela prouve qu’il prendra en compte la nécessité des contraintes induites par la crise.

François Hollande a commis trois erreurs majeures jusqu’à présent : la réduction du nucléaire de façon importante, l’interview au Guardian (soulignant la mollesse de son engagement socialiste) et le fait d'affirmer qu’il renégociera le traité européen.

Et en matière de politique internationale ? A quoi pourrait, par exemple, ressembler la relation franco-allemande sous François Hollande ?

Audrey Pulvar : Le changement dépendra beaucoup de qui sera son ministre des Affaires Etrangères. Pierre Moscovici, on l’a découvert à la faveur des publications de Wikileaks, était plutôt pro-intervention en Irak. Cela n’a pas tout à fait été la ligne du Parti socialiste…

En ce qui concerne le traité européen, il a clairement dit qu’il voulait le remettre en cause. On ne peut présager de quoi que ce soit sur cette question. Je constate tout de même que Lionel Jospin, arrivant aux affaires en 1997, disait qu’il ne se sentait pas du tout lié par les engagements pris au niveau européen. Le Parti socialiste a mis en place la monnaie unique et préparé le terrain pour le Traité de Constitution européenne sans faire la révolution et sans renverser la table.

Eric Brunet : Le soutien de David Cameron et Angela Merkel à Nicolas Sarkozy est un moment fort de la campagne présidentielle. Mais pour être très honnête, je pense que François Hollande pourrait assez rapidement se rapprocher de ces personnalités. Ni l’un ni l’autre ne pourraient se passer d’une relation de confiance avec le chef du 5ème État au monde. François Hollande lui-même est suffisamment rond pour parvenir à nouer un dialogue intelligent avec eux.

Jean-François Kahn : Tout ce dont est capable un gouvernement social-démocrate, c’est un suivisme sur la technocratie européenne, quand ce n’est pas sur l’OTAN. La gauche a d’ailleurs reproché à Nicolas Sarkozy le retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN… mais ne remet plus du tout en cause cette décision aujourd’hui.

François Hollande pourra de fait prendre la relève de Nicolas Sarkozy sans aucun problème dans ce couple franco-allemand. L’ancien chancelier allemand Gerhard Schröder était plus à gauche que François Hollande et il est parvenu à s’entendre avec Angela Merkel. Il n’y a donc aucune raison que François Hollande n’y arrive pas. Là aussi ce sera une déception pour ses électeurs. Il a beau assurer qu’il renégociera le traité européen, il fera finalement comme les socialistes espagnols, portugais ou grecs et suivra le mouvement. Il a pourtant tout à fait le droit de renégocier ce traité. Toute l’histoire est faite de renégociations de traités. Je pense pourtant qu’il ne le fera pas.

Philippe Tesson : Il ne pourra pas. Il y a un rapport de force qui est actuellement défavorable à la France par rapport à l’Allemagne. Il y a également le critère de la qualité de la relation entre Sarkozy et Merkel. La renégociation est relativement impossible. Hollande a déjà cherché à modifier ses propos, qui donnent à penser qu’il mettra de l’eau dans son vin ; il est totalement conscient de la réalité qu’il aura à renégocier un traité pour l’instant non négociable.

François Hollande se revendique de l'héritage de François Mitterrand. En quoi son éventuel quinquennat pourrait-il s'inspirer du dernier président de la République socialiste ?

Audrey Pulvar : Je pense que le mitterrandisme est une page qui est tournée. Le monde d’aujourd’hui n’a rien à voir avec le monde de 1981. Cela me semble totalement anachronique de se revendiquer du mitterrandisme en 2012. Même si François Mitterrand reste la grande référence puisqu’il est le seul socialiste à être arrivé au poste de président de la République.

De plus, je me méfie de l’agnosticisme historique. Ne retenir de François Mitterrand que l’aspect flamboyant ne me semble ni sain, ni respectueux. Il y a eu des déçus du mitterrandisme à tous les niveaux, autant sur le plan économique que sur le plan des idéologies et de la morale en politique.

Je n’oublie pas ce qu’il a apporté, l’espoir qu’il a suscité. Mais je n’oublie pas aussi toute la face sombre de l’individu. Au-delà de la francisque, des amitiés avec René Bousquet ou de la peine de mort qu’il n’a pas hésité à appliquer à plusieurs dizaines de reprises pendant la guerre d’Algérie, je retiens surtout sa conduite des affaires. La pratique du pouvoir de François Mitterrand a été éminemment contestable : les écoutes, les affaires montées contre ses ennemis, sa double vie, les secrets sur sa santé. Je suis assez gênée de voir avec quelle facilité on balaie tout cela d’un revers de main pour ne retenir que l’image de Mitterrand et Kohl main dans la main, ou celle du candidat victorieux en 1981.

Eric Brunet : Difficile de comparer ces deux personnages. On ne sait finalement rien de François Hollande. C’est un personnage qui n’existe pas, qui n’a aucun CV. Il n’a jamais été ni ministre ni secrétaire d’Etat. Il est le patron du département le plus endetté de France. Même à la tête du Parti socialiste, il n’est jamais parvenu à regrouper ses troupes, entretenant au contraire la discorde. Quelle forme de gouvernance pourrait instaurer un homme qui n’a aucune stature d’homme d’Etat ? Peu de gens le savent. Dans son propre parti, il reste un mystère absolu.

Jean-François Kahn : Pour moi, il n’y a rien à voir entre les deux hommes. Il y a tout juste une imitation par François Hollande des gestes et de la rythmique vocale de François Mitterrand. Encore que ce dernier maîtrisait beaucoup mieux cet art. La vraie référence de François Hollande n’a en réalité jamais été François Mitterrand mais Jacques Delors.

Philippe Tesson : Cette question renvoie à la force et à la nécessité des mythes. Mitterrand est à la gauche ce que De Gaulle est à la droite. A droite, la référence à De Gaulle est de plus en plus fréquente dans la campagne de Sarkozy ; il est quasiment d’obligation dans le discours socialiste, de faire référence à Mitterrand. De plus, la référence à Mitterrand n’est pas vaine, ce n’est pas seulement un mythe ; sans être socialiste, on peut reconnaître que Mitterrand a été un Président de bonne qualité et qu’après tout, par là même il est un modèle.

Même si le temps a passé, il est certain que Hollande a plus à prendre à se référer à Mitterrand qu’à éviter de le faire. Il a certainement de bonnes raisons de suivre le chemin qu’a tracé Mitterrand. Mais rien n’est comparable, ni les hommes, ni les actions, ni le temps, il suivra sa propre route. 

Propos recueillis par Romain Mielcarek et Jean-Benoît Raynaud

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