Les scientifiques disent enfin savoir où serait l'avion du vol MH370 juste au moment où les budgets de recherche sont épuisés <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
Les scientifiques disent enfin savoir où serait l'avion du vol MH370 juste au moment où les budgets de recherche sont épuisés
©Reuters

THE DAILY BEAST

Les scientifiques sont maintenant sûr qu'ils savent où est l’avion, après avoir dépensé 150 millions de dollars pour rien. La Malaisie financera-t-elle de nouvelles recherches ?

Clive Irving

Clive Irving

Clive Irving est journaliste pour The Daily Beast.

Voir la bio »

The Daily Beast par Clive Irving

Les scientifiques qui recherchent le vol Malaysia Airlines 370 sont plus confiants qu'ils ne l'ont jamais été, et croient savoir où l'avion est tombé. Mais, après avoir cherché là où il ne fallait pas pendant 27 mois, faute d’argent les recherches vont être abandonnées.

Il y a deux semaines, l’Australian Transport Safety Bureau reconnaît qu'il y a peu de chances que l’avion disparu se trouve dans la zone de 130 000 kilomètres carrés de l'océan Indien où les recherches ont été menées. En même temps ils ajoutent que le plus probable est maintenant que le Boeing 777 soit dans une zone de 23 kilomètres carrés au nord de la zone de recherche initiale.

Dans la foulée de ces déclarations, le ministre des Transports australien, Darren Chester, ajoute que tant qu’il n’y aura aucune «preuve crédible» pour fixer un endroit plus précis, les recherches en cours, qui ont coûté environ 150 millions de dollars, se termineront bientôt et qu’aucune nouvelle recherche ne sera lancée.

Cependant, The Daily Beast a appris que, même en l'absence de tout financement pour une nouvelle recherche, les travaux scientifiques en cours un peu partout dans le monde, y compris aux États-Unis continueront, y compris sous forme de simulation de la dérive de l'épave du jet dans l'océan Indien avec l'aide de super-ordinateurs qui ont avalé des données pendant des mois.

Une chose est sûre : les restes de vol MH370 se trouvent au fond de l’océan dans l'une des zones les plus inhospitalières du globe. Et il est maintenant clair que lorsque le jet a brutalement heurté la surface de l’eau à la fin d'un vol d'une durée de sept heures et quarante minutes, il s’est disloqué, de nombreux débris n'ont pas coulé, ils ont formé un champ de morceaux flottants, au- dessus d’une zone où des pièces plus grandes et plus lourdes ont coulé.

Au bout de plusieurs mois ces débris flottants ont été dispersés, certains d'entre eux ont fini par couler, d’autres se sont retrouvés sur des plages de l'océan Indien et certains risquent de passer des années flottant sur l'immensité des mers, en passant inaperçus.

Plusieurs morceaux de débris flottants ont été recueillis sur des plages de l'océan Indien au sud, jusqu'au Cap en Afrique du Sud, mais aussi loin au Nord que la Tanzanie, et aussi loin à l'Est qu’un petit atoll appelé l'île Rodriguez. Ils ont fourni aux scientifiques des informations très importantes pour tenter de trouver l'emplacement précis de l'accident. Les débris ont fourni des pièces essentielles dans le puzzle de l’une des enquêtes les plus difficiles jamais réalisées sur un accident d'avion.

Les méthodes scientifiques utilisées pour cette recherche sont complexes, mais les bases sont relativement simples.

Le premier principe de la navigation, c'est de savoir précisément où quelqu'un ou quelque chose est sur le globe à tout moment, c’est trouver l'intersection de deux lignes. La navigation moderne a commencé quand il est devenu possible de calculer avec précision l'intersection des lignes de la longitude et de la latitude.

Mais les recherches de l'avion ont commencé avec un énorme handicap : il n'y avait qu'une seule ligne se déplaçant du nord au sud dans un arc décrivant la trajectoire de vol de l’avion. L'arc a été dessiné à partir des seuls messages jamais reçus du 777, une série de sept échanges automatiques, "handshakes", avec un satellite en orbite de la société Inmarsat basée à Londres.

Seule une personne avec une bonne connaissance des mathématiques peut expliquer comment ces échanges ont permis à Inmarsat d'établir la trajectoire du vol. Mais ils l'ont fait, et avec un niveau de crédibilité élevé. Cela a indiqué que le jet était dans le sud de l'océan Indien à environ 1.700 miles à l'ouest de la côte de l'Australie occidentale.

La question demeure : où le long de cet arc le vol a-t-il pris fin ? En d'autres termes, où se trouve le point X, l'endroit précis où l'avion a touché l'eau.

La meilleure estimation a été faite par Boeing en exécutant des simulations informatiques des cinq dernières heures et quarantes minutes du 777, la partie du vol appellée " vol zombie " parce qu'aucun signe n'a jamais été reçu durant cette période indiquant qu’une personne quelle qu’elle soit, à bord, y compris les pilotes, était encore en vie.

Les simulations Boeing supposent que le jet était en croisière à 35.000 pieds comme il le ferait sous pilote automatique jusqu'à ce qu'il ait manqué de carburant et soit tombé dans l'océan. Ces simulations ont été affinées au fil des mois mais malgré tout, elles ne pouvaient pas être très précises, elles ont placé le point X, quelque part entre les latitudes 36 et 39,3 degrés sud et jusqu'à 60 miles de chaque côté de l’arc, la zone de recherche en cours.

Et, il est maintenant avéré que cette supposition était erronée.

La découverte fortuite de débris, à partir de l'été 2015, a changé la qualité de l'information disponible pour les calculs. Pour la première fois il y avait des preuves physiques, et cela a apporté une nouvelle crédibilité qui ne reposait plus seulement sur des simulations informatiques. Bien que tous les morceaux de débris aient été éparpillés sur des milliers de kilomètres quand ils se sont échoués, ils avaient, évidemment, commencé leur voyage au même endroit, le point X. Non seulement au même endroit, mais au même moment.

En regardant la répartition des débris, les scientifiques ont réalisé que, compte tenu de l'accès aux données déjà recueillies par un certain nombre d'organisations océaniques de surveillance à travers le monde, il pourrait être possible de créer une image de l'état exact de la mer dans cette région de l'océan Indien en mars 2014 et pendant les mois qui ont suivi dans d'autres parties de l'océan Indien.

Le but était de détailler les éléments qui ont guidé les débris loin du lieu de l'accident. Si cet exercice pourrait montrer comment chaque débris est arrivé, en inversant le sens de son trajet, les scientifiques auraient une bien meilleure idée de l'endroit d’où les débris étaient originaires.

Bien sûr, cela semble beaucoup plus simple que cela ne l'est en réalité. Peu de choses sont plus complexes que l'interaction constante des vagues, du vent, des courants, de la température et du climat à la surface de l'océan. Et pourtant, l'espoir de trouver les restes du MH370 dépend désormais dans une large mesure de la capacité à construire un tel schéma. Aucune autre catastrophe aérienne n’a jamais mobilisé autant de compétences et de ressources scientifiques.

Pour faire cette enquête le Commonwealth Scientific and Industrial Research Organization, CSIRO en Australie, a fait appel à des organismes scientifiques aux États-Unis, en Europe et en Inde, sans oublier les satellites qui surveillent les océans depuis l'espace.

L'un d'eux était celui la National Oceanic and Atmosphere Organisation, NOAA américaine, et très tôt, la NOAA a permis d e progresser. À tout moment, l'agence a plusieurs centaines de bouées dérivantes dispersées sur les océans qui recueillent des donnéessur l‘état de la mer.

Quand les scientifiques australiens ont commencé à essayer de recréer l’état de la mer en mars 2014, ils ont réalisé que, par pure chance, il y avait à ce moment deux bouées de la NOAA dans l'eau à l'extrémité nord de l'arc. Leurs données, une fois récupérées, ont révélé qu'il y avait de fortes influences qui auraient dirigé les débris au Nord et à l'Ouest loin de la côte de l'Australie occidentale, vers l'Afrique. La NOAA a, depuis, ajouté 10 bouées au projet, ainsi que l'accès complet à ses archives.

Une deuxième étape a été franchie en juin 2016, avec la découverte d'un des plus grands débris, un volet d’aile, sur une plage de l'île de Pemba, au large de la côte de la Tanzanie. Son importance n'est pas seulement liée au suivi des chemins empruntés par les débris.

Un volet d’aile est une commande, seulement utilisée pendant le décollage et l'atterrissage, elle est activée par le pilote. L'une des inconnues qui limitent la simulation de Boeing sur la façon dont le jet a finalement plongé dans l'océan était de savoir si cette commande a été activée par un être humain ce qui a affecté la trajectoire finale.

Après des semaines de recherche, il a été établi que le volet récupéré n'a pas été déployé, ce qui permet de réduire l'estimation du point d'impact à une trentaine de kilomètres de chaque côté de l'arc.

Le premier morceau de débris se trouve être une autre, plus petite partie des surfaces de contrôle de l'aile appelée flaperon ou aileron-haute vitesse (ilbouge en permanence pendant un vol commandé par le pilote automatique) qui est arrivé sur une plage de l'île de La Réunion en juillet 2015. Il est important pour d'autres raisons et a inspiré une autre expérience qui relève de la menuiserie plutôt que de la télémétrie.

Six quasi-répliques du flaperon ont été faites en bois et en acier. Elles étaient grandeur nature  avec un poids équivalent. Elles ont été équipées de détecteurs de mouvement et de balises GPS avant d’être mises à l’eau dans une baie près des laboratoires du CSIRO à Hobart en Tasmanie,

Le comportement des répliques dans l'eau a été comparé aux données émises par les bouées dérivantes dans l'océan. L'expérience a montré que les flaperons se déplacaient plus rapidement que les bouées. Quelques mois plus tard d'autres tests ont été effectués dans l'océan, y compris des tests avec des répliques de deux petits morceaux de débris.

Les résultats des tests utilisant les débris répliques et les données recueillies à partir des bouées ont été combinés avec celles des principaux courants dans l'océan Indien obtenues par satellites pendant plus d'un an après la disparition de l'avion. L'heure d'arrivée du flaperon sur la plage de La Réunion, le 31 juillet 2015, puis a joué un rôle important. Le flaperon a été trouvé 509 jours après le crash. En récupérant l’historique des conditions océaniques pour cette période, jour par jour et trajectoire probable des débris dans le sens inverse, les scientifiques ont réalisé que l’origine devait être plus au nord que la zone recherchée.

C’est pourquoi les scientifiques du CSIRO croient maintenant que le Boeing 777 est tombé entre les latitudes 32 à 36 degrés Sud. En fait, ils disent que cette estimation est beaucoup plus précise que ce qu'ils pensaient possible.

Avant que les expériences australiennes soient menées, une équipe du Natural Hazards and Earth System Sciences un organisme européen basé en Italie, a mené sa propre analyse indépendante des courants océaniques à l'aide d'un modèle informatique différent et une autre source de données. Ils ont publié un rapport en juillet 2016, disant "si les recherches actuelles échouent, une extension vers le nord de la zone de recherche doit être envisagée."

Leurs résultats ont, en fait, suggéré que la zone la plus prometteuse se situait entre les latitudes 28 et 35 degrés au sud.

L'un des auteurs du rapport, Eric Jansen, dit au Daily Beast, "Les résultats du CSIRO sont très intéressants. C’est la première étude qui présente des expériences sur le terrain afin de déterminer les caractéristiques de la dérive des pièces d'avion. Cela ne figurait pas dans les études précédentes. L'étude du CSIRO est plus complète que le nôtre, et confirme que notre hypothèse était réaliste ».

Ainsi, les Européens et Australiens étaient sur la même longueur d’onde.

David Griffin, un des leaders de l'équipe australienne, a déclaré au Daily Beast que leur analyse est loin d'être complète. Il y aura plus de tests en utilisant les débris & les bouées avec une nouvelle méthode d'analyse des données qui continuent d'être recueillies, cela prendra des mois avec super-ordinateur.

Pendant ce temps dans la zone de recherche initiale, l'Equator, un navire hollandais, termine sa mission en sachant que toute ses recherches ont presque certainement été vaines.

Qu'est-ce qui se passe maintenant?

La recherche est dirigée par l’Australian Transport Safety Bureau, ATSB. Les questions du Daily Beast, adressées à l'ATSB sur l'avenir des opérations ont été renvoyées au Joint Agency Coordination Centre (JACC), un organisme qui regroupe des représentants de l'Australie et de la Malaisie. En réponse, le JACC a cité l’accord conclu en juillet 2016, entre la Malaisie, l'Australie et la Chine (la majorité des passagers du vol étaient chinois) déclarant que "... en l'absence de nouveaux éléments de preuve crédibles menant à l'identification d'un emplacement spécifique l'avion, la recherche serait suspendue à la fin des opérations sur la zone de recherche existante ".

Le JACC a ajouté: « La position des trois pays n'a pas changé ».

Cependant, 24 heures plus tard, l’ATSB a ajouté: « Les ministres ont réaffirmé que cela ne signifie pas la fin définitive des recherches. »

Durant le premier mois suivant la disparition de l’avion a disparu les recherches, y compris les avions et les navires envoyés par les Etats-Unis, ont coûté 44 millions de dollars. C’est presque autant que le coût des recherches (couronnées de succès) du vol Air France 447 tombé dans l'Atlantique Sud, qui se sont déroulées entre 2009 et 2011. Sur les 150 millions de dollars consacrés à la recherche du MH370 qui se termine maintenant, l'Australie a contribué pour 60 millions, la Chine 20 millions, et le reste est venu de Malaisie.

Il y a une anomalie presque inexplicable et flagrante : pas un sou n'a été dépensé pour mener une recherche systématique des débris. Tous les débris jusqu'à présent découverts l’ont par des amateurs ou, par hasard, par des gens passant à pied sur des plages. Et pourtant, les débris ont joué un rôle déterminant pour arriver aux nouvelles conclusions qui semblent convaincantes sur l'emplacement probable de l'épave.

Ces conclusions mettent une nouvelle pression sur les Australiens et Malaisiens qui doivent estimer s’il s’agit, ou non, de « nouveaux éléments de preuve crédible. » qui justifieraient de nouvelels et coûteuses recherches.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !