Valls, seul espoir pour le PS de résister à l’offensive Macron... mais à quel prix pour les socialistes<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
Valls, seul espoir pour le PS de résister à l’offensive Macron... mais à quel prix pour les socialistes
©CHARLY TRIBALLEAU / AFP

Perspective

Un sondage Harris Interactive pour France Télévisions donne une avance de 18 points à Manuel Valls, devant Arnaud Montebourg, pour le premier tour de la primaire du Parti socialiste. Si l'ancien Premier ministre représente un espoir pour le PS de résister à l'offensive Macron, quels problèmes une telle candidature pourrait poser ?

Jean Petaux

Jean Petaux

Jean Petaux, docteur habilité à diriger des recherches en science politique, a enseigné et a été pendant 31 ans membre de l’équipe de direction de Sciences Po Bordeaux, jusqu’au 1er janvier 2022, établissement dont il est lui-même diplômé (1978).

Auteur d’une quinzaine d’ouvrages, son dernier livre, en librairie le 9 septembre 2022, est intitulé : « L’Appel du 18 juin 1940. Usages politiques d’un mythe ». Il est publié aux éditions Le Bord de l’Eau dans la collection « Territoires du politique » qu’il dirige.

Voir la bio »

Un sondage Harris Interactive pour France Télévisions donne une avance de 18 points à Manuel Valls, devant Arnaud Montebourg, pour le premier tour de la primaire du Parti socialiste. Si l'ancien Premier ministre représente un espoir pour le PS de résister à l'offensive Macron, quels problèmes une telle candidature pourrait poser, la ligne défendue par Manuel Valls représente-t-elle le centre de gravité du PS ?

Jean Petaux : Il n’est pas du tout certain que la candidature de Manuel Valls soit "l’antidote au poison Macron" pour le PS. Aucun des candidats socialistes, d’ailleurs, ne peut se prévaloir de cette fonctionnalité. Dans un autre sondage réalisé par Elabe pour "Les Echos", publié également ce 5 janvier, il ressort qu’en cas de victoire à la primaire BAP, Manuel Valls, candidat du PS et de ses alliés (Radicaux et Ecologistes) ferait, certes, comparativement à Montebourg, Hamon ou Peillon, le meilleur score du PS le 23 avril 2017, mais il ne dépasserait pas les 13% des voix, toujours derrière Macron, que Bayrou se présente ou pas. Pour formuler simplement les choses on peut dire que Valls est celui qui gênerait le plus Macron dans son entreprise de "transmutation" de l’électorat socialiste, mais, le gênant il n’en tirerait pas pour autant profit. Autrement dit si Valls se maintient (a fortiori un autre vainqueur de la primaire "Belle Alliance Populaire") il deviendra celui qui empêchera Macron de se qualifier pour le second tour. C’est un élément essentiel qui risque de "plomber" considérablement la candidature à la présidentielle du vainqueur de la primaire, y compris Manuel Valls. Ce vainqueur deviendra alors celui qui portera la responsabilité de "l’élimination directe" du seul candidat à même de s’interposer dans un duel Fillon-Le Pen au second tour. En d’autres termes : Valls passera à la postérité comme le "sergent fourrier" de Fillon. Incapable de devancer Mélenchon, il apparaitrait comme celui qui aura, par sa présence, disqualifié Emmanuel Macron et donc qui obligera une partie de l’électorat de gauche à voter François Fillon au second tour de la présidentielle pour faire obstacle au danger Marine Le Pen. Si le "décrochage" de Valls, même vainqueur de la primaire le 29 janvier au soir, se confirme en février, il se pourrait très bien que la pression soit telle qu’il ne soit plus en mesure d’assumer ce rôle de "facteur paralysant" et qu’il renonce, laissant alors le champ libre à Macron.

Quelles perspectives s'ouvrent-elles à lui, pourrait-il être tenté d'adoucir son discours social-libéral, voire de mettre entre parenthèses certaines de ses convictions ? Que représente pour lui la menace d'une défection de l'aile gauche du PS vers Jean-Luc Mélenchon par exemple ?

Manuel Valls a bien compris que chaque élection dispose de sa propre logique. La primaire relève d’une configuration inversée par rapport à l’élection présidentielle en elle-même. Pour gagner à la primaire il faut mobiliser le "noyau dur" de son électorat présidentiel et donc lui tenir un discours mixte : moitié militant, moitié sympathisant. La partie "militante" est un discours clivé idéologiquement qui présente des choix plutôt radicaux où les lignes de partage "droite-gauche" sont clairement identifiées et d’où le manichéisme n’est pas absent. C’est dans ce discours que s’inscrit le "on m’a imposé le 49.3" ou encore "je supprimerai l’usage du 49.3 pour tout texte de loi hors loi de finances". Les militants socialistes sont censés considérer que celui qui tient ces propos est authentiquement un des leurs. Nous sommes ici en présence de "formules magiques" qui fonctionnent comme autant de "mantras" appréciés par le "peuple des militants socialistes". L’autre discours, "moitié-sympathisant" c’est un discours plus "dans l’air du temps" qui s’adresse à d’éventuels électeurs à la primaire qui vont se mobiliser pour désigner celui qui, parmi les candidats, sera le seul le mieux à même de battre le candidat de droite (Fillon), celle de l’extrême-droite (Marine Le Pen) et celui de "l’ailleurs" (Emmanuel Macron). Ces électeurs-là n’ont pas besoin d’entendre les paroles d’un "refrain gauchisant", bien au contraire. Ils veulent entendre une rationalité politique qui doit répondre à la leur. Dans ce cas c’est "le Vall-réaliste" qui est en mesure de les séduire. L’ancien premier ministre et ministre de l’Intérieur fort en gueule et en coups de menton à même d’incarner une autorité manifeste et attendue. Pour ces électeurs potentiels, savoir s’il faut ou pas garder le 49.3 importe peu (ils considèrent que c’est un "truc" secondaire), ce qui compte le plus c’est la capacité à défendre la laïcité, à pourfendre les dérives communautaristes et à rétablir l’ordre dans les quartiers identifiés comme "zones de non-droit".
S’il est élu au soir du 29 janvier, Manuel Valls va forcément désespérer les militants de l’aile gauche du PS pour qui la promesse d’en finir avec le 49.3 n’aura pas suffi à les convaincre d’un réel marquage à gauche de l’ancien premier ministre. Ceux-là, en effet, qui auraient trouvé chez Montebourg ou chez Hamon (lesquels se livrent, entre eux, à une bataille feutrée mais aux couteaux sur les réseaux sociaux entre autres) matière à satisfaire leur "désir de gauche", seront orphelins. De là à dire qu’ils iront directement soutenir Mélenchon rien n’est moins sûr. Mélenchon semble, pour l’heure, confronté à un "plafond de verre" qui est celui des 12-13% d’intentions de votes. Son OPA sur l’astre mort qu’est le Parti Communiste Français a certes fort bien fonctionné mais elle lui a permis d’acquérir tout simplement une coquille vide, sans apport réel de voix. Rien ne permet pour l’heure de considérer qu’une hémorragie massive d’électeurs socialistes, déçus par la victoire de Valls à la primaire, soutiendraient et voteraient Mélenchon. Ce dernier est une figure connue au PS et très largement discrédité dans les rangs socialistes. Cela limite d’autant sa force d’attraction.

A quelles résistances au sein du PS, que ce soit de la part des cadres ou des électeurs de Benoît Hamon ou d'Arnaud Montebourg Manuel Valls pourrait-il être confronté ?

Manuel Valls, même désigné par la primaire BAP qui a toutes les chances d’être un fiasco de participation électorale et qui n’aura pas la capacité d’entrainement que la primaire de 2011 a eu pour le candidat vainqueur François Hollande voire la capacité mobilisatrice de la primaire de la droite et du centre de l’automne 2016, aura toutes les peines du monde à se présenter comme le candidat qui va faire gagner le PS en mai 2017. Dans ce genre de situation il est clair que sa tâche de "rassembleur" va être d’autant plus ardue. Les cadres et les militants du PS sont d’abord des pragmatiques et des opportunistes pour lesquels les convictions sont certes importantes mais dont il est de tradition (pour ne pas dire "de culture") de considérer qu’elles sont "adaptables" et "amendables" au gré des configurations et en fonction de la conjoncture. Disons que les convictions sont plus "roseaux" que "chênes", plus "flexibles" que "rigides". Cela ne vaut pas d’ailleurs que pour le PS. C’est le lot des partis qui sacrifient à ce rite nouveau et absurde qui est celui des primaires. Il suffisait d’entendre Benoit Apparu au micro de France Inter, chez Patrick Cohen, mercredi matin, pour apprécier le numéro de contorsionniste du nouveau porte-parole de François Fillon amené à soutenir, sur la Syrie et sur la Russie, exactement le contraire de ce qu’il disait quand il était l’un des plus proches d’Alain Juppé en novembre.
On peut considérer que la majorité des cadres du PS ayant soutenu Montebourg et Hamon se rallieront au "panache Valls" dans l’hypothèse où celui-ci l’emporterait au soir du 29 janvier. Ils le feront d’autant plus facilement s’ils considèrent que Valls peut se qualifier pour le second tour de la présidentielle. Si tel n’est pas le cas, si Manuel Valls apparaît vraiment comme incapable de dépasser Macron, alors il se pourrait fort bien que les soutiens de Montebourg et d’Hamon pendant la campagne de la primaire, fassent, pour parler comme Albert Hirschman, "Exit". Autrement dit qu’ils se retirent sous leur tente, jouant la défaite de Valls. Qu’ils ne s’impliquent pas dans la campagne présidentielle et se réservent pour le "coup suivant". C’est la stratégie qu’avaient adopté, en cœur, Laurent Fabius et Dominique Strauss-Kahn, méchamment battus à la primaire de novembre 2006 par Ségolène Royal… On connait la suite du film : victoire de Sarkozy, incontestable, en mai 2007.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !