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Pourquoi la remontée de l'inflation pourrait jouer un mauvais tour à la reprise économique européenne
©Reuters

Faux-ami

Alors que les prix du pétrole chutaient continuellement depuis 2014, la reprise à la hausse des cours du baril sont à l'origine d'une accélération de l'inflation au sein de la zone euro, celle-ci étant passée de 0.6% à 1.1% en un seul mois. Un phénomène qui pourrait entraîner une réaction en chaîne négative pour la zone euro.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Atlantico : selon les données publiées par Eurostat le 4 janvier 2017, l'inflation au sein de la zone euro serait en voie d'accélération, avec une hausse des prix de 1.1% en décembre contre 0.6% le mois précédent. Une progression qui serait principalement la conséquence de la hausse des prix du pétrole au cours de ces dernières semaines. Quelles sont les conséquences économiques de ce phénomène ?

Nicolas Goetzmann : l'inflation est elle-même une conséquence économique de différentes situations, il est donc nécessaire d'observer quelles sont les causes de la hausse des prix qui se matérialise pour en déduire les conséquences sur l'économie de la zone euro. En l'occurrence, la hausse des prix constatée par Eurostat est largement le résultat de la hausse des prix du pétrole, qui est elle-même la conséquence de l'entente sur le niveau de production des pays de l'OPEP. Cette inflation n'est donc pas le fait d'une amélioration de la conjoncture européenne, à travers des hausses de salaires par exemple. Ainsi, la hausse des prix constatée à la pompe opère comme une forme de prélèvement sur le pouvoir d'achat des européens. Le niveau de dépenses reste le même, mais la quantité achetée est moindre. Il s'agit d'un trompe l'œil.

A l'inverse, si la hausse de l'inflation était la conséquence de la progression de ce que l'on appelle le niveau "d'inflation sous-jacente", qui est un indice qui ne prend pas en compte les prix de l'énergie ou de l'alimentation, alors il aurait été possible de conclure que cette progression de l'inflation était une "bonne nouvelle". Car un tel indice ne fait que mesurer le jeu de l'offre et de la demande sur la zone couverte. Lorsque l'activité est "bonne", des emplois sont créés, des salaires versés, d'autres sont augmentés, et la conséquence est une hausse de la demande qui pousse les prix à la hausse. Or, l'indice d'inflation sous-jacente européen est mesuré à 0.9% pour le mois de décembre, contre 0.8% le mois précédent, et de 0.9% en décembre 2015, ce qui montre plutôt une stabilisation de la demande, plutôt qu'une progression.  

Dès lors, la progression de l'inflation mesurée par Eurostat agit ici comme un faux signal quant à la situation économique du continent européen.  

Le graphique ci-dessous montre bien que c'est la forte progression des prix du pétrole qui pousse l'accélération des prix. A l'inverse, la "demande" pour les biens industriels est encore bien trop faible pour alimenter une progression des prix. 

Alors que l'objectif fixé par la BCE, d'atteindre un niveau d'inflation proche mais inférieur à 2%, se rapproche peu à peu, faut-il considérer que la politique monétaire européenne pourrait se normaliser au cours des prochains mois, et ainsi en finir avec la politique d'assouplissement quantitatif" mise en place depuis janvier 2015 ?

C'est tout le problème posé par cette hausse de l'inflation. La hausse du pétrole gonfle les prix sans être une conséquence d'une amélioration de l'activité économique. Or, le rôle de la BCE est de contrôler le niveau de "demande" dans la zone euro, en fonction du niveau d'inflation. Malheureusement, la BCE ne tient pas compte de l'inflation sous-jacente, mais de l'indice harmonisé qui prend en compte les prix de l'énergie et les prix de l'alimentation. La BCE peut donc être confrontée à des faux signaux, comme cela a été le cas en 2008. À cette époque, la hausse de l'inflation était nette, et celle-ci était la conséquence de la hausse des matières premières en raison de la forte demande asiatique. Cette pression à la hausse sur les prix avait conduit la BCE à freiner l'activité économique de la zone euro afin de contenir ce phénomène. En conséquence, l'économie du continent, déjà fragilisée par la hausse des prix des matières premières, était condamnée à une double peine avec un ralentissement économique provoqué délibérément par la BCE. Cette erreur de lecture est une cause majeure de la crise de 2008 en Europe. Pourtant, si la BCE s'était contentée d'observer l'indice d'inflation sous-jacente à cette même période, elle aurait pu constater qu'il n'y avait aucune raison de croire à une surchauffe de l'économie européenne, et elle n'aurait pas agi de la sorte.

Le risque, pour cette année 2017, serait de voir les prix du pétrole continuer à progresser et ainsi venir alimenter la hausse de l'inflation européenne, jusqu'au seuil de 2%, ce qui pourrait provoquer une modification de la politique de relance menée par la BCE. Mais une telle décision serait la répétition de l'erreur de 2008, car la hausse des prix est ici provoquée par une "mauvaise raison", du moins, par un faux signal.

Dès lors, comment contourner les écueils de ces "mauvaises" informations ?

La BCE dispose de plusieurs outils qui lui permettraient de mieux faire son travail sur la régulation de la demande sur le continent européen. Elle pourrait prendre en compte le niveau d'inflation sous-jacente, pour éviter les distorsions évoquées précédemment, et éviter d'agit à contre sens de l'intérêt économique du continent. Ou, plus efficace encore, elle pourrait se fixer un objectif de PIB nominal, en lieu et place de son objectif d'inflation. En effet, le PIB nominal est la version "brute" du PIB, il reflète l'évolution des dépenses faites par les acteurs économiques du continent. Pour prendre un exemple de la différence avec l'indice d'inflation, il suffit d'observer les conséquences d'une hausse des prix du pétrole sur cet indice.

Si lors d'une année X, les prix du pétrole subissent une forte augmentation, les consommateurs dépenseront plus en pétrole, mais devront "couper" leurs dépenses sur d'autres postes. C’est-à-dire que le niveau de dépenses globales ne sera pas modifié. A l'inverse, cette même hausse des prix a pour conséquence de faire progresser le niveau d'inflation. Dans le premier cas, la Banque centrale n'agit pas, parce qu'elle ne constate pas d'accélération de l'activité. Dans le second cas, avec une forte poussée des prix, elle devra agir, par exemple en resserrant ses taux d'intérêt, ce qui aura pour conséquence de faire chuter le niveau d'activité alors que celui-ci n'était pas en surchauffe. Tout dépend donc de l'indice dont on tient compte.

Si la BCE avait utilisé un objectif de PIB nominal au cours de ces dernières années, il est tout à fait clair que la crise économique qui frappe le continent depuis 2008 aurait été absorbée bien plus favorablement. Pourtant, rien n'a été fait pour corriger le tir depuis lors, ce qui est une faute lourde pour les dirigeants européens. Parce que la BCE est toujours à la merci de ces faux signaux. Non pas que ses dirigeants soient incapables de comprendre ce qui se passe, mais parce qu'ils ont l'obligation d'agir, selon leur mandat, si l'inflation venait à dépasser les 2%. 

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