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Incivisme, passe-droit et manque de respect jusqu'aux plus hauts sommets de la politique : les racines de la crise de citoyenneté qui frappe la France
©REUTERS/Jacky Naegelen

Bonnes feuilles

Non, nous n’assistons pas à une crise de la démocratie – nous ne nous sommes même jamais autant exprimés. Nous vivons clairement une crise de la citoyenneté. Après avoir dénoncé les aveuglements de la politique de l'émotion et de la compassion, Yves Michaud détaille ses propositions concrètes pour former des citoyens loyaux et engagés. Extrait de "Citoyenneté et loyauté" d'Yves Michaud, aux Editions Kero (1/2).

Yves Michaud

Yves Michaud

Yves Michaud est philosophe. Reconnu pour ses travaux sur la philosophie politique (il est spécialiste de Hume et de Locke) et sur l’art (il a signé de nombreux ouvrages d’esthétique et a dirigé l’École des beaux-arts), il donne des conférences dans le monde entier… quand il n’est pas à Ibiza. Depuis trente ans, il passe en effet plusieurs mois par an sur cette île où il a écrit la totalité de ses livres. Il est l'auteur de La violence, PUF, coll. Que sais-je. La 8ème édition mise à jour vient tout juste de sortir.

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La crise de la citoyenneté que nous vivons et essayons de penser peut être envisagée sous deux angles différents : son degré de gravité et son origine – interne ou externe. Sous l’angle de la gravité, on peut parler selon les cas de crise « molle » ou de crise « dure ». La crise molle se manifeste à travers tous les phénomènes d’affaiblissement du civisme – ce qu’on peut qualifier d’incivisme ordinaire. Incivilités, dégradations des biens publics ou privés, casse, non-respect d’un certain nombre de lois (par exemple sur la consommation de stupéfiants, le paiement des amendes, l’exécution des peines légères), mais aussi débrouille, combines, recherche de passe-droit, petites fraudes – aux prestations sociales, à la sécurité sociale, à la TVA, aux obligations du code du travail. Il y a là un ensemble de manquements pas trop graves mais répétés et répandus et qui sont le fait du citoyen ordinaire comme de personnages à hautes responsabilités.

Quand un ministre oublie pendant plusieurs années de payer ses impôts sans être trop inquiété par l’administration fiscale, cette fraude bénigne révèle un incivisme qui va bien au-delà du tort financier causé. Le plus significatif est que cet incivisme « mou » est vu avec indulgence et résignation. Ce n’est pas grand-chose et que peut-on y faire ? C’est tout juste si le seul regret n’est pas que tout le monde ne puisse en faire autant. D’autres incivismes tiennent à un usage personnalisé et égoïste des droits sociaux. On veut bien profiter de ses droits à condition qu’ils conviennent à soi, qu’ils soient aménageables et sur « mesure ». De plus en plus de parents, par exemple, veulent bien que leurs enfants bénéficient de l’éducation nationale gratuite (et des allocations familiales qui vont avec), mais se dispensent des obligations correspondantes en tolérant l’absentéisme occasionnel ou répété de leurs enfants, ou en organisant eux-mêmes un absentéisme à leur convenance à l’occasion de congés, de ponts du calendrier, de maladie.

De même, beaucoup se précipitent aux services d’urgence des hôpitaux pour tout et n’importe quoi et exigent violemment d’être pris en charge sur-le-champ ou, pis, d’être traités en fonction de leurs particularités religieuses en ne supportant pas, par exemple, qu’un médecin homme prenne en charge leur épouse ou leur soeur. Cet affaiblissement du civisme est déjà moins « mou » quand il se manifeste sous forme de recours à des cabinets d’optimisation fiscale, à l’expatriation fiscale vers des pays plus accommodants, quand de hauts fonctionnaires font des allers-retours fructueux entre leur corps d’origine dans la fonction publique, le secteur privé et des positions électives ou des charges politiques importantes – pour ne rien dire des fraudes organisées avec l’aide des banques internationales.

Extrait de "Citoyenneté et loyauté" d'Yves Michaud, aux Editions Kero.

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