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Le Mali refuse 2 migrants renvoyés par la France et révèle les failles des accords sur l'immigration avec les pays de départ
©Reuters

"Je te tiens, tu me tiens par la barbichette..."

En multipliant les accords de rapatriement de réfugiés, les pays de l'Union européenne se mettent à la merci de la mauvaise volonté et de la duplicité de la part des autorités des pays d'émigration.

Jacques Barou

Jacques Barou

Jacques Barou est docteur en anthropologie et chargé de recherche au CNRS. Il enseigne les politiques d’immigration et d’intégration en Europe à l'université de Grenoble. Son dernier ouvrage s'intitule La Planète des migrants : Circulations migratoires et constitution de diasporas à l’aube du XXIe siècle (éditions PUG).

 

 

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Atlantico : Il y a quelques jours, le Mali a refusé le retour de deux migrants depuis la France au motif qu'ils ne disposaient d'aucun papier officiel prouvant leur nationalité. A quels problèmes se trouvent effectivement confrontées les autorités des pays de départ, et notamment des pays de l'Afrique sub-saharienne, quant à l'exactitude de la nationalité des personnes renvoyées ? De quels moyens les autorités européennes disposent-elles pour vérifier cette information en amont ?

Jacques Barou : Dans beaucoup de pays d'Afrique subsaharienne, l'état civil des populations est très lacunaire. Dans le cas du Mali, une enquête menée en 2004 à la demande du MAE faisait ressortir que seulement 15% des Maliens avaient un état civil fiable. La plupart du temps, les familles ne déclarent pas les naissances car c'est à l'occasion de ce genre de démarches auprès des mairies que celles-ci leur demandent de payer leurs arriérés d'impôts. Quand les gens ont besoin d'un document administratif, ils vont voir un juge avec deux témoins et se font attribuer une date de naissance et une généalogie qui ne correspond pas toujours à la réalité. Les autorités du pays de départ peuvent jouer sur ces lacunes administratives pour refuser le rapatriement de migrants qui n'ont pas de passeport ou un faux passeport. Les mêmes groupes linguistiques et les mêmes patronymes se retrouvant dans plusieurs pays il est difficile de s'appuyer sur de tels indices pour prouver la réalité d'une appartenance nationale.

Ce renvoi a été réalisé dans le cadre d'un accord passé le 11 décembre dernier entre le Mali et l'Union européenne. Cette dernière paraît multiplier ce type d'accord avec les pays de départ en vue de limiter et contrôler les flux migratoires. Au regard du refus malien notamment, comment peut-on juger, d'une manière générale, cette stratégie de l'Union européenne ?

Ce genre d'accord met les pays de l'Union européenne à la merci de la mauvaise volonté et de la duplicité de la part des autorités des pays d'émigration qui peuvent jouer sur la difficulté de la preuve de la nationalité. Les filières migratoires passant par divers pays africains, il est objectivement difficile de connaître la nationalité réelle des personnes. Cette stratégie est donc peu effcace et inadaptée à la réalité des pays africains, dont les administrations sont peu professionnelles et n'ont pas encore totalement intégré les concepts en usage dans les administrations européennes. 

Dans quelle mesure le refus malien peut-il mettre en danger l'accord ? Qu'advient-il ensuite de ces personnes expulsées d'un pays européen, dont le pays supposé d'origine refuse le retour ? 

Le fait que le refus ne porte que sur deux personnes ne permet pas de remettre l'accord en cause. Si toutefois ce genre de refus se multipliait, il faudrait chercher une autre solution. La plupart des migrants que les autorités du pays d'origine ont refusé de reconnaître comme leurs ressortissants se retrouvent sans papiers à tenter de survivre dans l'espace européen avec l'espoir d'une régularisation ou la peur d'une expulsion qui pourrait être la bonne si les autorités du pays vers lequel les gens sont renvoyés décidaient d'accepter leur rapatriement nonobstant les doutes qui persistent quant à leur nationalité réelle.  

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