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De grâce monsieur le Président, pourriez-vous vous arrêter de gracier ?
©REUTERS/Philippe Wojazer

Dura lex, sed lex…

Il ne reste plus que cinq mois à François Hollande pour faire ce que bon lui semble. Nul doute qu'il va en profiter.

Benoît Rayski

Benoît Rayski

Benoît Rayski est historien, écrivain et journaliste. Il vient de publier Le gauchisme, maladie sénile du communisme avec Atlantico Editions et Eyrolles E-books.

Il est également l'auteur de Là où vont les cigognes (Ramsay), L'affiche rouge (Denoël), ou encore de L'homme que vous aimez haïr (Grasset) qui dénonce l' "anti-sarkozysme primaire" ambiant.

Il a travaillé comme journaliste pour France Soir, L'Événement du jeudi, Le Matin de Paris ou Globe.

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Il y a un an, monsieur le Président, vous aviez partiellement gracié Jacqueline Sauvage condamnée à 10 ans de prison pour avoir tué son mari violent. Un an! Il vous a fallu un an de tourments, qu'on suppose intenses, pour parvenir à la conclusion que cette demi-mesure n'était pas digne du grand président que vous êtes. Et vous l'avez donc totalement graciée.  Vous avez bien fait. Car jamais depuis le début de votre quinquennat, vous n'aviez suscité un tel enthousiasme amoureux. 

A gauche, ce n'est plus de la passion, c'est de la rage. La ferveur de Montebourg et d'Hamon est palpable. L'émotion de plusieurs ministres femmes a de quoi arracher des larmes. "Une décision courageuse" se pâment-t-elles. Nous vivons une époque formidable ou les mots ne veulent plus rien dire : qu'est-ce que le courage a à voir dans cette affaire ? A droite, c'est à peine moins lacrymal. Valérie Boyer, porte-parole de François Fillon  et (présidente du comité de soutien à Jacqueline Sauvage) salue la décision présidentielle. Même Florian Philippot vous félicite. C'est dire si vous êtes populaire. 

Tout à leur émotion, les journaux oublient de rappeler un petit détail. Jacqueline Sauvage a été condamnée aux assises par un jury populaire. Peine qui a été confirmée une deuxième fois par un autre jury populaire. On ne nous a pas informés que les jurés, tirés au sort, avaient des sympathies particulières pour les maris violents et une tendance à s'acharner sur les femmes battues. La présidente de l'Union Syndicale des Magistrats a essayé de le rappeler. Elle a été noyée sous un tombereau d'insultes. Elle avait osé toucher à une icône. 

Et vous, monsieur le Président, vous aimez bien les icônes. Car dans les sondages, ça rapporte. Voyez-vous, votre quinquennat avait commencé sous le signe du mensonge ("mon ennemi c'est la finance"). Il s'est poursuivi avec le grotesque-roi : vos escapades en scooter. Il s'achève dans un feu d'artifice de la démagogie.

Pourquoi avez-vous gracié Jacqueline Sauvage ? Sans doute parce que vous aviez envie de plaire. Et ça se comprend : vous avez tellement déplu. Mais aussi, parce qu'il vous est agréable d'user encore pour quelques temps de vos prérogatives présidentielles. Un prince a bien le droit à un hochet. Maintenant, nous sommes certains que vous allez encore nous surprendre. 

Qui vous empêchera pour vos derniers jours d'abroger la loi El Kohmri ? Vous avez à l'Assemblée Nationale la majorité qu'il faut pour ça. La gauche reconquise applaudira. Qui pourrait vous interdire de renoncer à la construction de l'aéroport Notre-Dame des Landes ? Les écologistes brûleront d'amour pour vous. Pourquoi vous priveriez-vous du plaisir de remettre sur le tapis la déchéance de la nationalité ? La droite subjuguée sera à vos pieds. Et pourquoi ne rétabliriez-vous pas la double peine abolie par votre prédécesseur ? L'extrême droite sera en pâmoison.

Et puis, monsieur le Président, vous n'allez quand même pas vous sentir tenu par votre annonce hâtive de ne pas vous représenter à l'élection présidentielle ? L'heure est grave. La France endolorie traverse des moments difficiles. Elle a besoin d'un homme qui, comme pour Jacqueline Sauvage, est capable de réaliser l'union nationale. La gauche vous appelle, la droite vous aime, l'extrême droite vous veut. Venez, oui venez, monsieur le Président !

PS : Luc Tournié, buraliste de son état, a été condamné à 10 ans de prison. La même peine que Jacqueline Sauvage. Il avait tué un cambrioleur qui s'était introduit chez lui. Ni le monde politique, ni les associations, ni les partis ne se sont mobilisés en sa faveur. Hollande ne l'a pas gracié.

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