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Chute du pétrole et sanctions commerciales : la côte de popularité de Vladimir Poutine à l’épreuve de la dégradation des conditions économiques des Russes
©Reuters

Illusion

Si l'action militaire et internationale de la Russie permet de maintenir une illusion de puissance, la baisse du prix du pétrole et les sanctions internationales ont provoqué une dégradation des conditions économiques et sociales de la population russe.

Florent Parmentier

Florent Parmentier

Florent Parmentier est enseignant à Sciences Po et chercheur associé au Centre de géopolitique de HEC. Il a récemment publié La Moldavie à la croisée des mondes (avec Josette Durrieu) ainsi que Les chemins de l’Etat de droit, la voie étroite des pays entre Europe et Russie. Il est le créateur avec Cyrille Bret du blog Eurasia Prospective

Pour le suivre sur Twitter : @FlorentParmenti

 

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Atlantico : Alors que la Russie a accepté de réduire sa production de pétrole, peut-on considérer que l'assainissement du secteur pétrolier russe est aujourd'hui le principal défi économique de la Russie ?

Florent Parmentier : La Russie a en effet accepté de négocier avec les pays de l'Opep une réduction de sa production de pétrole. Cela faisait plusieurs années qu'un tel accord n'avait pas été mis en place, ce qui tend à relativiser l'isolement diplomatique de la Russie constaté en 2014 et 2015. Outre cet accord de diplomatie énergétique, la Russie a dans le même temps été capable d'investir 2,8 milliards de dollars dans un champ gazier égyptien à travers l’entreprise publique Rosneft, qui a vu le Qatar monter dans son capital à hauteur de 5 milliards de dollars. L’entreprise de l’influent Igor Setchine, un proche de Vladimir Poutine et ami de Rex Tillerson, que Donald Trump a voulu mettre à la tête de sa diplomatie, se porte donc plutôt bien sur le plan économique.

L'assainissement du secteur pétrolier russe est certainement important pour le pays, mais il ne faut pas se tromper sur la nature de ce défi. Le problème de la Russie n'est pas lié à l'importance de ses réserves en hydrocarbures, toujours élevées. Les défis sont en réalité plutôt liés au développement de nouvelles technologies de pointe, par exemple dans le stockage ou dans l'efficacité de l'extraction des ressources hydrocarbures (notamment en eaux profondes ou dans le sable bitumineux). La question du stockage est importante dès lors qu'il s'agit de miser sur le développement des énergies fossiles pour les deux ou trois prochaines décennies. Il faudra aussi pour la Russie créer un marché commun de l'énergie au sein de l'Union économique eurasiatique, retrouver des relations de confiance avec les pays de l'Union européenne, ce qui passe sans doute par la fin de la politique de sanctions, ou encore augmenter ses exportations vers les marchés asiatiques.

Pour différentes raisons, et notamment en raison du positionnement géopolitique du pays, de son intérêt pour les réserves de l'Arctique ou de sa politique active de diversification des infrastructures, la Russie reste un acteur incontournable dès lors qu'il s'agit des marchés internationaux de l'énergie.

Alors que l'action internationale et militaire de la Russie permet de maintenir une illusion de puissance, dans quelle mesure les conditions économiques et sociales de la population russe se sont-elles dégradées depuis la baisse du prix du pétrole et la promulgation des sanctions occidentales ? Au vu de l'état du secteur pétrolier, quelles sont les perspectives qui se dessinent si rien n'est fait ? 

2016 a été pour ainsi dire une "année Poutine", et 2017 pourrait également l’être, si l’on en croit un récent papier du politologue Cyrille Bret. Le président russe prend des initiatives en Syrie, s'affirmant comme l'un des acteurs majeurs de la recomposition du Moyen-Orient. En outre, la campagne aux États-Unis lui a apporté un potentiel allié avec Donald Trump, tandis que les mouvements qui le soutiennent en Europe ont plutôt le vent en poupe, à l’heure du Brexit et de l’ascension des populistes. Se demander si les conditions économiques ne deviendraient pas le talon d'Achille de la Russie paraît donc une question totalement pertinente.

L'économie russe n'a pas connu de chiffres mirobolants en 2016, puisque cette année a été marquée par une récession, certes moins forte que celle de 2015. Ce sont notamment les chiffres de la consommation des ménages qui ont baissé, alors que les investissements reste à un faible niveau. Il faut toutefois modérer ces chiffres dans la mesure où certains signaux indiquent une inversion de tendance, notamment sur le dernier trimestre. La production industrielle ne recule plus tandis que les finances publiques se stabilisent : la Russie a une économie atone sans pour autant aller à l'effondrement. La question du rebond en 2017 reste toutefois posée.

Les sanctions internationales ont bien sûr joué leur rôle dans la situation d’atonie dans laquelle se trouve l'économie russe, mais il faut garder en mémoire le fait que les sanctions voient leur efficacité de plus en plus limitée à mesure que le temps s'écoule. En effet, des stratégies de substitution se mettent en place par le biais d’acteurs économiques nationaux, alors que les pays qui se privent des possibilités d'exporter vers la Russie peuvent voir s’éroder le consensus pour les sanctions. C'est notamment le cas en France avec la crise agricole que le pays traverse.

Il est toutefois possible que l'arrivée au pouvoir de Donald Trump à la fin janvier 2017 conduise à une révision de la politique en matière de sanctions vis-à-vis de la Russie, entraînant inexorablement les Européens à faire de même.

Du côté des cours du pétrole, ils ne resteront vraisemblablement pas éternellement à un faible niveau. La structuration même du marché du pétrole amène en effet à relativiser ce constat : lors des périodes de surproduction, les grandes entreprises mènent des politiques d’investissement dynamiques. Elles ont depuis été amenées à revoir leurs perspectives d'investissement à la baisse, ce qui devrait conduire à une remontée des cours à mesure que l’offre se raréfie. La Russie conserve d'importants besoins en matière de développement des nouvelles technologies, et c'est sans doute là que réside son principal défi pour exploiter au mieux les richesses de son sous-sol.

Dans quelle mesure cette dégradation des conditions de vie en Russie pourrait-elle affecter la cote de popularité de Vladimir Poutine ? Pourrait-il perdre le soutien unanime dont il a jusqu'alors bénéficié ? 

La popularité de Vladimir Poutine est réelle au sein de la population. Elle se situe aujourd'hui à un niveau toujours extrêmement élevé, de l'ordre de 80 % de l'opinion publique selon les sondages disponibles. Toutefois, il faut observer que son parti Russie unie a vu au contraire sa cote de popularité s'éroder au cours des précédents scrutins. La grande question qui se pose pour Vladimir Poutine n’est donc pas de remporter la présidentielle de 2018, qui pourrait d'ailleurs tout à fait être avancée à l'automne prochain, mais plutôt celle de la circulation des élites politiques au sein du parti du pouvoir à l'aube d'un probable quatrième mandat de Vladimir Poutine.

C'est sans doute dans cet esprit qu'il faut comprendre les multiples remaniements qui ont eu lieu en Russie en 2016, et ce à différents niveaux de la haute administration. Cela montre que Vladimir Poutine attend des personnes qui auront des responsabilités en Russie davantage de loyauté, mais également un rajeunissement des cadres ainsi que des compétences accrues.

En ce qui concerne l'élection présidentielle elle-même, on ne voit pour l'instant émerger aucun rival sérieux au président en place. L'homme qui a reconquis – ou annexé – la Crimée ne verra très probablement pas sa cote de popularité s’effondrer dans les prochains mois, et ce d'autant plus que la résilience de la population face aux conséquences de la politique de sanctions est plus importante en Russie que dans l'opinion publique de nombreux pays.

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