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Journée mondiale de l’orgasme : pourquoi il est temps de libérer les femmes du diktat de la jouissance
©Theiggsta / Flickr

Libérée, délivrée

L'orgasme féminin semble être devenu aujourd'hui une véritable injonction, dont les conséquences sont particulièrement dommageables sur la vie de couple, mais également sur la quête même de l'épanouissement sexuel.

Michelle  Boiron

Michelle Boiron

Michelle Boiron est psychologue clinicienne, thérapeute de couples , sexologue diplomée du DU Sexologie de l’hôpital Necker à Paris, et membre de l’AIUS (Association interuniversitaire de sexologie). Elle est l'auteur de différents articles notamment sur le vaginisme, le rapport entre gourmandise et  sexualité, le XXIème sexe, l’addiction sexuelle, la fragilité masculine, etc. Michelle Boiron est aussi rédactrice invitée du magazine Sexualités Humaines

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Atlantico: L'orgasme féminin semble être devenu une véritable obsession, à tel point qu'il existe même une Journée mondiale de l'orgasme, qui a d'ailleurs lieu ce mercredi. Qu'est-ce que révèle cette tendance ? 

Michelle BoironAprès des siècles d'oppression de la sexualité féminine, on assiste à une véritable déferlante sans limites sur le sujet, avec une injonction à jouir, si possible, "vaginalement"; "clitoridienne" s'abstenir, vous pouvez mieux faire ! Malgré toutes les tentatives de le mettre à nu, l'orgasme des femmes reste toujours un mystère, même si les avancées scientifiques de l'IRM sont pléthores. L'orgasme féminin serait un "réflexe de plaisir" sous contrôle des zones cérébrales et sous la dépendance d'un axe neurophysiologique. L'orgasme ne se décide pas : il est aussi sous la tutelle des émotions et nécessite un lâcher prise plutôt qu'une décision d'aller le chercher... L'injonction à l'atteindre, qui devient une obsession, est dommageable pour y parvenir. C'est néanmoins une réelle avancée que la femme ait enfin compris qu'il était important qu'elle connaisse son corps et puisse découvrir seule le plaisir, ce que font très bien les petites filles avant d'en être coupables. C'est autre chose que de l'exiger et d'en faire une anormalité quand elle ne l'obtient pas. 

Quelles conséquences ces injonctions à l'orgasme ont sur la sexualité des femmes ? N'est-ce pas une certaine forme de "diktat" imposé aux femmes aujourd'hui ?

Les répercussions sur le couple sont particulièrement dommageables. L'homme devient, comme la femme, obsédé de lui procurer un orgasme, ce qui crée une exigence de résultat pour les deux partenaires. On constate d'un côté l'amant trop attentionné dont l'angoisse de la faire jouir va se cumuler avec son anxiété à elle de ne pas l'atteindre, alors que précisément, c'est le lâcher prise qui est nécessaire à l'abandon pour l'obtenir ! Et d'un autre côté, l'amant parfaitement viril, le "Paganini du plumard" qui ne comprend pas pourquoi sa prestation ne la comble pas. Il n'y a pas de recette miracle, juste une alchimie entre deux êtres qui peut, dans une relation sexuelle intense, leur faire connaître ce que Georges Bataille nommait "la petite mort"

Est-il possible d'éprouver du plaisir, et donc d'être épanouie sexuellement pour une femme, sans avoir d'orgasme ? Comment ce plaisir se manifeste-t-il alors ?

Tout d'abord, essayons de définir le plaisir : c'est un ensemble de sensations subjectives que l'on peut ressentir lors de rapports sexuels notamment. L'orgasme étant le paroxysme du plaisir, il est difficile de décrire avec des mots l'orgasme. Mais pour celles qui ne l'ont pas connu, leur discours est toujours un peu le même : "oui j'aime bien", oui je crois que j'ai eu du plaisir"... On sent alors qu'il leur manque ce supplément d'âme qui les traverse et qu'on nomme l'orgasme ! Il ne peut se confondre avec le plaisir éprouvé lors de la relation sexuelle. 

Vous posez la question de l'épanouissement sexuel. C'est certes, aujourd'hui, la norme sexuelle mais pas seulement, et elle revêt bien d'autres formes, tout aussi exagérées.Pour cette obsession de la jouissance, elle peut même être même nuisible à sa quête. On peut néanmoins constater - et la littérature foisonne d'exemples, tel que L'amant de Lady Chaterlley -, qu'un certain nombre de femmes ressentent instinctivement qu'il existe, au-delà du "plaisir", un accomplissement sexuel beaucoup plus complet que l'orgasme incarne. A l'époque, point de diktat de la jouissance, ce qui montre que ce n'est pas pour autant qu'il faille stigmatiser celles qui ne ressentent pas ce besoin d'orgasme comme un besoin essentiel.

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