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A Calcutta, les bâtiments du gouvernement, les taxis et les trottoirs vont être repeints en bleu et blanc.
A Calcutta, les bâtiments du gouvernement, les taxis et les trottoirs vont être repeints en bleu et blanc.
©Reuters

Le goût des couleurs

La ville de Calcutta s'apprête à repeindre certains bâtiments publics en bleu et blanc. Un choix réfléchi. Tour d'horizon des couleurs qui aide à mieux vivre dans un espace urbain.

Marie Fournier

Marie Fournier

Marie Fournier est associée et co-gérante de l'Atelier 3D couleur. Architecte d'intérieur de formation, elle travaille comme coloriste.

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Atlantico : A Calcutta, les bâtiments du gouvernement, les taxis et les trottoirs vont être repeints en bleu et blanc. La mairie veut également inciter les habitants à repeindre leurs maisons de la même manière. Pourquoi prendre une telle décision ?

Marie Fournier : Repeindre des bâtiments, qu’ils soient public ou privés, c’est entretenir la ville et c’est agréable pour les gens qui vivent autour. Calcutta est une ville avec un certain reflet international, mais qui est connue pour sa très grande pauvreté. Elle a un patrimoine culturel et historique qu’il faut sauvegarder.

En Inde, le bleu a plusieurs significations. Il y a déjà plusieurs villes bleues en Inde, en particulier Jodhpur dans le Rajasthan. A l’origine, cette couleur indique qu’une maison appartient à un brahmane, un membre de la caste la plus haute caste, un religieux. De nombreuses divinités, dont Krishna, ont la peau bleue. On dit également que c’est une couleur qui éloigne les moustiques. Le bleu, couleur froide, permet d’adoucir les températures. Il donne aussi une impression de neuf, de propreté. Le blanc a la même propriété de purification, et c’est une couleur lumineuse. Si la mairie de Calcutta encourage les propriétaires à faire de même, c’est sûrement pour étendre le phénomène dans un souci de purification. Par ce bleu et ce blanc, on amène une notion de propreté et de rénovation, mais aussi de rêve.

Les couleurs auraient donc un impact dans l’espace publique ?

Toutes les couleurs ont un impact physiologique sur l’individu.

Le bleu, c’est la couleur préférée des occidentaux. C’est une couleur qui symbolise le rêve, l’évasion, le ciel et la mer. Elle calme, et donne une sensation de propreté, de pureté, de fraicheur. Dans une pièce bleue, la température paraît plus douce. Le bleu, en incitant en rêve, favorise l’endormissement. Il a par contre, comme toutes couleurs, des effets pervers : trop de bleu peut par exemple être mauvais pour les dépressifs.

Le rouge est considéré comme la couleur des couleurs. Elle dégage une forte sensation de chaleur. C’est la couleur de la passion, du sang, de l’amour, mais aussi de la violence. Dans une pièce, le rouge  augmente la circulation sanguine et la pression artérielle, accélère les battements du cœur… C’est donc un excellent tonifiant, à l’inverse du bleu, et il a un effet antidépressif. On dit souvent qu’il ne faut pas dormir dans une pièce rouge, il faut réserver cette couleur aux pièces où l’on vit ou aux pièces d’apparat, pour son côté théâtrale.

On dit du orange qu’il stimule l’appétit, ce qui expliquait qu’on le mette à une époque dans les fast-food. C’est est une couleur vitaminée, appétissante, souvent associée aux arts de la table. Elle a les qualités du rouge, elle est dynamique. Dans une pièce, elle réchauffe l’atmosphère sans exciter autant que le rouge.

Le jaune est apparenté à l’or et à la couleur du soleil. Dans une pièce peu fenêtrée et orientée au nord, il vaut mieux mettre du jaune, car elle amène la lumière. Elle symbolise la joie et la gaieté. Du point de vue des propriétés physiologiques, elle stimule l’intellect. Le jaune empêche de dormir, c’est donc une couleur à réserver à une pièce où l’on écrit, un bureau… Elle favorise la concentration et la mémoire.

Le vert connaît un retour en grâce depuis qu’il est associé à l’écologie, mais il a longtemps été mal vu : au Moyen Âge, on considérait que le vert portait malheur. Il était associé à la pourriture des aliments. C’est aussi la couleur du hasard, du jeu, et elle peut aussi porter malchance. Elle est aujourd’hui symbole de vie et d’harmonie de par son lien avec la nature. C’est une couleur qui réconforte et détend. Elle procure un sentiment de confort. Elle est anti-stress et favorable aux dépressifs.

Quelles sont les villes françaises qui accordent de l'importance à la couleur, et qui s’en occupe ?

Au sein des villes, ce sont les services de l’urbanisme qui prennent en charge les chartes de couleur. Par département, il existe aussi des Comités d’architecture, d’urbanisme et d’environnement, où travaillent des architectes en général très au fait des couleurs et qui eux sont à même de donner des conseils aux villes. Il y a en France un grand intérêt pour la restauration des centres urbains et la rénovation du patrimoine.

Ce n’est pas un phénomène récent : par exemple en région parisienne, la ville de Saint-Germain-en-Laye a une charte couleur qu’elle applique très fidèlement depuis longtemps, et cette ville est reconnue comme un modèle d’équilibre et d’harmonie. Le travail d’un coloriste est de composer une palette de couleur en fonction du patrimoine de la région, de l’architecture, des matériaux utilisés. C’est quelque chose qui est très pris au sérieux. Quand la ville a un attrait, le fait qu’elle soit bien tenue, bien colorée apporte une valeur ajoutée dans un but touristique. Cela fait partie d’un souci de conservation du patrimoine.

Y a-t-il des tendances dans le choix des couleurs ?

Oui, on le remarque notamment dans les magasins, dans les magazines de décorations… Avant on colorait les pièces avec une seule couleur. Maintenant, on travaille avec du blanc ou des couleurs neutres, et un pan de mur en couleur. N’utiliser qu’une seule touche de couleur permet d’avoir les spécificités d’une couleur tout en diminuant son impact. Par exemple, dans une chambre, si on a qu’un seul mur rouge et le reste en blanc, on diminue l’effet excitant.

Cette même mode existe en architecture. Il y a vingt ans, quand on peignait un immeuble, on le peignait dans deux tons camaïeux. En ce moment, les architectes utilisent une base de couleur très neutre, gris, clair, et un impact couleur. Ils travaillent en contraste, en utilisant une couleur claire et une couleur foncée, ou une couleur neutre et une couleur saturée. Cela peut être du bleu, du vert, du rouge en référence à la brique.

Propos recueillis par Armelle Loiseau

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