Bernard Laporte : "Mon programme, c’est vous la rendre, cette Fédération, et ne pas la laisser à trois ou quatre personnes à Marcoussis qui décident de tout et de rien"<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Sport
Bernard Laporte : "Mon programme, c’est vous la rendre, cette Fédération, et ne pas la laisser à trois ou quatre personnes à Marcoussis qui décident de tout et de rien"
©

Bonnes feuilles

Bernard Laporte, tout juste nommé président de la Fédération française de rugby, revient sur ses récentes expériences de consultant sur RMC et de commentateur sur TF1 pour la Coupe du monde 2015 . Il en appelle à une véritable petite révolution, via un programme de réformes mûrement réfléchi sur le calendrier de la saison, les formations des joueurs, l'organisation de la FFR... Emouvante déclaration d'amour pour le rugby d'hier, d'aujourd'hui et de demain, Ce Rugby que j'aime décline sa vision et ses idées rafraîchissantes, enrichies par son expérience et son savoir-faire. Extrait de "Ce rugby que j'aime", de Bernard Laporte, aux éditions Solar 1/2

Bernard Laporte

Bernard Laporte

Bernard Laporte a été entraîneur de Toulon de 2011 à 2016, ancien champion de France avec Bègles en 1991, puis en 1999 avec le Stade Français. Il a ensuite été sélectionneur des Bleus de 1999 à 2007, avant de devenir Secrétaire d'État au sport et consultant en radio pour RMC, puis président de la Fédération française de rugby en 2016. 

Voir la bio »

Coup de balai à la Fédé !

1er septembre 2015, à Gaillac. De retour sur les terres qui m’ont fait homme et où vivent encore mes parents, je m’apprête à lancer ma campagne pour la présidence de la Fédération. Alors que mes amis d’enfance viennent me saluer, je mesure le chemin parcouru depuis que j’ai découvert le ballon ovale à 9 ans, en 1973, presque par hasard. C’est Didier, le fils de mon voisin, qui m’a traîné un samedi après-midi à l’école de rugby. Si, à l’époque, je ne connaissais que le football, ce jour-là, un nouveau monde s’est ouvert à moi. Le soir même, j’ai demandé à ma mère de m’inscrire à l’Union Athlétique Gaillacoise (UAG). Et quelques années plus tard, j’ai refusé la proposition de l’Union Sportive d’Albi, qui voulait faire de moi son numéro 10… au ballon rond. J’entends encore mon père s’en étonner : « Mais tu fais quoi, Bernard, du foot ou du rugby ? » Il ne comprenait pas grand-chose à mes activités sportives, mais il me laissait vivre mes passions. Celle de l’Ovalie a grandi en moi au point de balayer tout sur son passage.

Au moment d’intégrer la classe de seconde, je refuse les filières classiques qui ne me permettent pas d’intensifier mes entraînements et je m’inscris au lycée technique Louis-Rascol d’Albi, à vingt minutes de chez moi. Je ne suis pourtant pas très manuel, décrocher un bac électrotechnique ne me motive pas plus que cela. Mais c’est un sport-études dédié au rugby. Bernard Pagès, mon prof d’éducation physique et sportive, est le premier à me prendre sous son aile. Grâce à lui, en 1983, nous serons sacrés champions d’académie et nous nous classerons deuxièmes du championnat de France scolaire. Et surtout, avec l’UAG, je deviendrai double champion de France juniors (1983 et 1984).

Plus de trente ans se sont écoulés depuis que j’ai pris mon envol et tracé mon chemin dans les méandres de l’Ovalie. Je n’ai jamais oublié Gaillac. C’est ici que se sont enracinés mes rêves, ici que j’ai donné un sens à ma vie. J’y reviens en ce jour de l’été finissant pour témoigner de ma reconnaissance et rendre au rugby un peu de ce qu’il m’a apporté. Fidèles au rendez-vous, mes amis d’hier sont toujours là. Jean-Pierre Delmas, le chef d’entreprise qui nous fournissait les repas et parrainait le club, avant d’en devenir l’un des présidents. Françoise Lafon, mère poule veillant sur l’UAG que son mari, Jacky, a un temps dirigé. Henri Fraisse, président du club à mon époque et qui, en tant que membre du comité du Tarn, m’a invité à m’exprimer ce 1er septembre. Jean-Marc Palis et Gérard Tahou, mes potes de l’épopée gaillacoise, et André Lhopitault, le flamboyant journaliste de cette époque, également mon ami. Je les retrouve avec émotion, mais je ne suis pas là pour une réunion d’anciens combattants. Si j’ai choisi de lancer ma campagne à Gaillac, c’est autant par identité personnelle que par sens politique. L’UAG représente le rugby que je veux défendre, « ce rugby de clocher (que) je connais par coeur », dis-je en préambule à l’assemblée réunie dans la salle des fêtes de la ville. « Je suis candidat pour rendre la parole au rugby amateur, aux clubs qui se sentent isolés ou méprisés par une Fédé où les salariés ont pris le pas sur les élus. La Fédération, c’est vous. Or, aujourd’hui, ce n’est pas vous. Mon programme, c’est vous la rendre, cette Fédération, et ne pas la laisser à trois ou quatre personnes à Marcoussis qui décident de tout et de rien. Marcoussis est devenue une forteresse imprenable, méprisante et sourde. Il faut que cela change. »

Ce triste constat m’a sauté aux yeux quand j’ai eu maille à partir avec l’arbitre Laurent Cardona, en janvier 2014, et que j’ai été convoqué au siège de la Fédé après que le RCT a fait appel de ma sanction infligée par la Ligue. Ce jour-là, j’ai été reçu comme un moins-que-rien. Alors que j’ai dirigé l’équipe de France pendant huit ans, porté les couleurs du rugby d’un club à l’autre, et jusqu’au sommet de l’État, et que je connais tous les responsables de la Fédé, eh bien, personne n’est venu m’accueillir à l’entrée de Marcoussis ! On m’a fait asseoir solennellement dans la salle de la commission et l’on s’est adressé à moi sur un ton froid, technocratique. Chacun dans sa tranchée, nous avons exposé à tour de rôle nos arguments avant de nous séparer sans égard ni considération. Personne ne m’a raccompagné. Et j’ai écopé d’une suspension de seize semaines, sans précédent dans l’histoire du championnat.

Blessé par un tel manque d’élégance, je me suis promis ce jour-là de me présenter à la présidence de la Fédération en 2016. Non par vengeance personnelle, mais parce que je venais de toucher du doigt ce qui est le lot quotidien des présidents de club : l’autisme et le mépris d’une Fédé qui s’est totalement coupée du monde du rugby. Elle ne représente plus grand-chose aujourd’hui, sinon elle-même. Murée dans sa tour d’ivoire, elle ne va jamais à la rencontre des clubs amateurs. Elle n’entend pas leurs doléances, ne répond pas à leurs besoins, mais les assomme de procédures administratives. Leurs présidents passent plus de temps sur de la paperasserie souvent inutile que sur le terrain, à s’occuper de leurs équipes. Diriger un club aujourd’hui, c’est 90 % d’emmerdes pour 10 % de plaisir. Ils se font rappeler à l’ordre et même sanctionner pour des broutilles. L’administration dans toute sa splendeur…

Extrait de "Ce rugby que j'aime", de Bernard Laporte, publié aux éditions Solar. Pour acheter ce livre, cliquez ici

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !