Primaire de la gauche : 7 candidats face au danger mortel d'une campagne centrée sur le démontage en règle du quinquennat<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
Pour Valls, Montebourg, et les autres candidats, rejetter ce que François Hollande a fait ne peut pas suffire comme ligne politique.
Pour Valls, Montebourg, et les autres candidats, rejetter ce que François Hollande a fait ne peut pas suffire comme ligne politique.
©Reuters

49.3 je te conchie, je te renie

Alors que les critiques du bilan du quinquennat Hollande se font de plus en plus entendre dans le cadre de la primaire de la gauche, les candidats auraient tout intérêt à mettre en avant autre chose qu'un simple inventaire des années passées.

Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud est professeur de sciences politiques à l’Institut d’études politiques de Grenoble depuis 1999. Il est spécialiste à la fois de la vie politique italienne, et de la vie politique européenne, en particulier sous l’angle des partis.

Voir la bio »

Atlantico : Entre Manuel Valls qui veut supprimer le 49-3, Benoît Hamon qui veut abroger la loi Travail et Arnaud Montebourg qui veut revenir sur toute la ligne politique du quinquennat Hollande, la gauche socialiste arrivera-t-elle selon vous à proposer un projet autre que celui de défaire les cinq années qui viennent de s'écouler ? Le simple reniement du bilan de François Hollande peut-il vraiment faire une campagne électorale ?

Christophe Bouillaud : Un premier point à souligner selon moi, c'est qu'il me semble qu'aucun des candidats à cette primaire de la Belle Alliance Populaire ne soit prêt à endosser le bilan quinquennal, le plus surprenant étant Manuel Valls qui veut supprimer le 49-3 alors qu'il la lui-même utilisé à plusieursreprises pour la loi Travail.

Au-delà de cette difficulté, la ligne Hollande ne séduit pas les électeurs et les candidats à la primaire doivent donc proposer autre chose. Cet "autre chose", c'est revenir sur les erreurs du quinquennat.

Bien sûr, rejetter ce que François Hollande a fait ne peut pas suffire comme la ligne politique. C'est une ligne qui est assez forte et radicale, ce qui pourrait se traduire pour les différents candidats par une rupture avec le social-libéralisme tel qu'il a été pratiqué depuis 2012. Pour Manuel Valls, cette manœuvre parait plus difficile à entreprendre que pour Benoît Hamon ou Arnaud Montebourg, mais tous les leaders socialistes se sont rendus compte que leur électorat avait besoin de perspectives nouvelles sur la lutte contre le chômage, la pauvreté et l'inégalité.

Le discours de renonciation de François Hollande et la déclaration de candidature de Manuel Valls ont mis en lumière une gauche qui se définit essentiellement par la négative, sur ce qu'elle n'est pas (la droite, l'extrême-droite, le populisme). Mais si l'on sait ce que la gauche n'est pas, sait-on vraiment aujourd'hui ce qu'elle est ?

Tous les courants politiques qui existent se définissent toujours en relation avec d'autres courants. La gauche ne fait pas exception au fait que l'on n'existe politiquement qu'en relation avec d'autres forces politiques. Au-delà de cette généralité, la gauche a un certain nombre de points fixes qui restent encore aujourd'hui valables, en particulier la lutte contre le chômage ou la lutte contre les inégalités.

Outre ces aspects sociaux, il existe depuis une trentaine d'années une gauche qui insiste beaucoup sur les aspects de libération des mœurs dont la dernière réalisation concrète a été le Mariage pour tous. Cette ligne historique de la gauche dans la pratique du quinquennat de François Hollande a été extrêmement atténuée, si ce n'est inexistante. En particulier, on ne le répètera jamais assez, l'acceptation d'un très haut niveau de chômage par la gauche de gouvernement est effectivement une manière rapide de perdre son électorat.

Est-il possible selon vous qu'en 2017 le candidat socialiste, quel qu'il soit, puisse ré-enclencher un certain récit de la gauche, et la faire se définir positivement et non plus en simple opposition de la droite ? Qui serait le mieux placé parmi les candidats de gauche pour effectuer ce travail ?

Les deux ne sont pas incompatibles, il suffit de voir ce qu'il se passe avec les propositions de François Fillon autour de l'assurance maladie. Ces propositions donnent l'impression de vouloir revenir sur un acquis social important : l'égalité formelle de tous devant les problèmes de santé. Immédiatement, la gauche dans son ensemble s'est mobilisée contre cette proposition. A cette occasion, elle a redécouvert une valeur importante, fondatrice : l'égalité de tous devant la santé.

En réagissant à la proposition d'autrui, on réaffirme ses propres valeurs. Par ailleurs, il me semble que le candidat de gauche devra absolument proposer quelque chose de positif pour résoudre le problème majeur des Français (le chômage) et accessoirement les problèmes de difficulté à occuper un poste de travail aujourd'hui. De ce point de vue, le mieux parti à mon sens semble être Benoît Hamon qui a effectivement une proposition forte autour du revenu minimum d'existence. Les autres candidats sont peut-être plus en retrait sur ce point pour l'instant mais la concurrence entre eux devrait les amener à avoir eux aussi des propositions en ce sens. Tout simplement, il faut se rappeler que la primaire de la Belle Alliance Populaire va nécessairement faire appel au "fond de sauce" de ce qui fait la gauche traditionnelle, de la même manière que la primaire de la droite et du centre a fait appel au fond de sauce de la droite traditionnelle.

De ce point de vue, il est très probable qu'on observe une radicalisation des propositions puisque l'électeur qu'il s'agira de séduire est sans doute globalement plus à gauche que l'électorat en général.

Même si Jean-Luc Mélenchon n'était pas là, il y aurait ce phénomène, que l'on commence à appréhender en France sur le modèle de ce qu'il s'est passé aux Etats-Unis. Les candidats se radicalisent chacun dans leur camp et chaque camp veut faire payer à l'autre le coût de la crise.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !