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Managers impitoyables et clientes névrosées, bienvenue dans l'univers du luxe
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Folie Luxe

Dans "Luxomania : Confidences d'une vendeuse dans l'univers secret du luxe", Edwige Martin raconte sur un ton désinvolte le quotidien d'une boutique de luxe où se côtoient princesses arabes, milliardaires russes, stars, personnalités politiques ou héritières d'empires financiers. Extraits (2/2).

Edwige Martin

Edwige Martin

Edwige Martin a été vendeuse pendant quatre ans pour une marque de luxe et nous révèle tous les dessous de cet univers extravagant

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En remontant de ma pause, j’aperçois un client s’avancer avec sa femme. Son visage m’est familier. J’ai soudain le souffle coupé lorsque je reconnais un ancien collègue de la publicité : Levec (...)

Flash-back. Nous avons travaillé ensemble sur divers projets et fait plusieurs nocturnes à l’agence, entre deux parties de ping-pong. Quelques années ont passé et j’ai entendu parler de sa fulgurante ascension dans le monde de la pub. Il est aujourd’hui reconnu dans le milieu et je l’ai même aperçu à la télé, un soir. Lorsque je le vois arriver du haut de l’escalier principal, je crois me changer en flaque d’eau. Je deviens blême, ne sachant plus où me mettre, nulle dans mon tailleur couleur merde. Je feins d’avoir l’air décontractée lorsque son regard, caché derrière une paire de Ray-Ban, croise le mien. Pas de réaction. Sa femme vient faire son shopping du samedi après-midi. Étant la seule présente sur le  floor, je suis obligée de les servir. Humiliation suprême.

Je leur fais faire un tour du département tel un guide de musée puis les conduis vers les salons d’essayage. Pendant que sa femme est en cabine, Levec s’assoit tranquillement sur la banquette en velours, gardant ses lunettes de soleil. Je leur apporte deux cafés avec deux verres d’eau sur un plateau. Toujours aucun signe de reconnaissance. Je m’agite, feignant d’être à l’aise. Sans dire un mot, il patiente derrière ses verres fumés, les yeux rivés sur son BlackBerry. Une mouche vole. Je sais qu’il m’a reconnue, mais à aucun moment il ne me pose de question. Gêne ou plutôt désintérêt total… Je décide finalement d’engager la conversation pour détendre l’atmosphère. (…)

Peu après, sa femme termine ses essayages et sort de la cabine. Elle reste très et ne participe pas à la conversation. Elle me donne sa sélection et je prépare les articles avec précaution avant de les raccompagner au rez-de-chaussée. Levec saisit cette occasion pour me la présenter et plaisante en me décrivant comme la reine du ping-pong, ne l’ayant à aucun moment laissé gagner une seule partie. Puis nous marchons ensemble dans le magasin jusqu’à la caisse principale. La rencontre touche à sa fin. Il me tend la main pour me saluer et je lui remets ses paquets tout en les accompagnant vers la sortie. C’est à ce moment-là que je sens un papier au creux de ma main. Je l’entrouvre et découvre qu’il s’agit d’un pourboire. Bref instant d’incompréhension et de confusion. Je fixe immobile ma paume, comme paralysée.

Je reste clouée au sol, sans voix. (...)

Mme Schmitt, une habituée chez Montezzo, arrive sur le  floor en fin d’après-midi. Petite femme entièrement refaite, elle a le regard d’un poisson mort et la bouche plastifiée, commune à toutes les femmes gourmandes de collagène. Ses lèvres de carpe, gonflées comme deux boudins, sont recouvertes d’un gloss rouge cerise. On dirait toujours qu’elle vient de sucer une glace. Le reste de son visage tiré à l’extrême et luisant de crème suinte.

Sa  french manucure, son jean, sa paire de santiags en python et son portable recouvert de brillants à la main lui donnent des airs de rodeo girl. Native de Dallas, Mme Schmitt cherche des robes de cocktail pour les innombrables soirées qu’elle organise avec son mari, chirurgien esthétique réputé de cet univers impitoyable.

Je lui présente la collection comme à une cliente VIP avant de lui faire une sélection sur demande. Elle est peu aimable et prend un air exaspéré lorsque j’ose lui proposer un modèle qui ne lui convient pas. Elle le balaye d’un revers de la main et lève les yeux au ciel en soufflant bruyamment. Je reste calme et polie. Après avoir fait le tour des portants, je l’escorte enfin jusqu’aux cabines d’essayage. C’est à ce moment-là que commence l’interminable ballet dont je suis l’unique spectatrice.Premier rang, corbeille face.

Elle essaye les robes les unes après les autres, prenant soin de laisser la porte de la cabine grande ouverte, afin que je puisse en admirer les coulisses. Je peux ainsi voir sa lingerie fine et surtout sa superbe poitrine : deux flotteurs flambant neufs, la dernière création de son mari. Elle enfile une robe rose en satin dos nu, puis la même en noir, puis à nouveau la rose et encore la noire pour finir avec la rose. Rose ou noire, là est la question. Elle réessaye la rose, puis à nouveau la noire, encore et encore, selon une chorégraphie monotone et répétitive. C’est maladif. Mais le principal problème a trait au choix de la taille, car elle tient absolument à entrer dans un 38. Incapable de se résigner à enfiler un modèle plus grand, elle attend mon approbation en se dandinant devant la glace, ce qui met ma patience à rude épreuve.

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Extraits deLuxomania : Confidences d'une vendeuse dans l'univers secret du luxe, Plon (19 janvier 2012)

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