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Quand on travaille dans une boutique de luxe : réfléchir, c’est désobéir !
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Luxofolie

Charlotte n'est pas une vendeuse comme les autres. Elle travaille dans l'un des magasins les plus prestigieux au monde. Bienvenue dans l'univers de tous les excès, là où souffle l'esprit de la démesure, là où la frénésie du luxe ne connaît pas de limites. Extraits de "Luxomania" d'Edwige Martin (1/2).

Edwige Martin

Edwige Martin

Edwige Martin a été vendeuse pendant quatre ans pour une marque de luxe et nous révèle tous les dessous de cet univers extravagant

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Dix heures. Mélany, la responsable du prêt-à-porter femme, m’accueille du haut de son mètre quatre-vingts. Elle a tout juste trente ans, mais en paraît quarante. Elle use du fond de teint et de l’anticerne comme de peintures de guerre. Grande, mince et brune aux yeux noisette, elle porte fièrement son uniforme de chef de département. Son charisme et sa taille lui donnent des airs d’officier – il ne lui manque que les décorations. Elle est arrivée fraîchement de Londres, d’où elle est originaire. Déjà hautement diplômée, elle a obtenu une maîtrise de français puis a enchaîné chez Selfridges où elle a vite été promue manager. Elle parle français à la perfection avec un zeste d’accent anglais. Elle me présente très brièvement au reste de l’équipe après m’avoir lancé avec un humour improbable :

- Ici, réfléchir, c’est désobéir ! On ne se pose pas de questions, on exécute.

Le ton est donné. Elle s’éclipse boire un café. Abandonnée parmi les autres vendeurs, je me retrouve en présence de Florent, un jeune homme épais comme un ver et dont l’unique accessoire – un piercing sur la langue – jure avec l’idée que l’on se fait d’un vendeur du luxe, de Suzanne, la doyenne de la boutique, qui va atteindre ses cinquante-huit ans, et de Tatiana, une jeune Russe originaire de Moscou. Suzanne m’explique les rudiments du métier et m’indique le chemin de la réserve.

- Tu vas voir, c’est très facile. Tu aimes la chasse au trésor ?

Elle me donne un passe magnétique et le code d’accès. Je dois me débrouiller seule. La réserve se situe deux étages plus haut et, pour y accéder, il faut franchir  plusieurs étapes. C’est comme un coffre-fort sous haute surveillance.(…)

La réserve est remplie de penderies qui s’alignent à perte de vue. Sensation de vertige. C’est un dressing inimaginable, digne d’un  red carpet. Je m’avance lentement dans les allées, découvrant les manteaux en astrakan, les cabans évasés en vison et lynx, les robes en taffetas, les blousons en python et crocodile, les robes bustiers brodées de cristaux Swarovski et les robes du soir en mousseline de soie imprimées et  décorées de pierres semi-précieuses. Extase !

Me voici face à ces merveilles que j’ai admirées pendant des années dans les magazines de mode. L’envie me brûle de toutes les essayer, de me glisser dans ces tenues de rêve et de me métamorphoser en une sorte de déesse éblouie par le crépitement des flashes. Après avoir contemplé une à une ces parures extravagantes et déambulé dans les allées de long en large, je m’assois quelques minutes sur un tabouret qui traîne là, rêveuse et pensive. Il me faut quelque temps pour reprendre mes esprits. (…)

Mélany est postée devant son équipe, les mains derrière le dos, et fait les cent pas. On dirait un général qui parle à ses troupes. Elle commence son briefing à onze heures précises, comme chaque matin, au prêt-à-porter femme.

-Tout d’abord je souhaite la bienvenue à Charlotte, qui vient de nous rejoindre. J’aimerais faire un point avec vous sur les objectifs de la journée. Aujourd’hui nous avons 13 000 euros à atteindre au prêt-à-porter.La semaine a été assez bonne, alors tâchez de continuer comme ça. Pensez bien à faire le réassort sur le display afin qu’il ne manque rien et ne perdez pas votre temps à bavarder :  Money talks. Voilà, bonne journée.

Elle parle avec la même douceur que Margaret Thatcher.

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Extraits deLuxomania : Confidences d'une vendeuse dans l'univers secret du luxe, Plon (19 janvier 2012)

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