Valls-Macron, le duo infernal qui pourrait convertir la gauche française au libéralisme (à condition de se survivre l'un l'autre)<!-- --> | Atlantico.fr
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Manuel Valls et Emmanuel Macron vont-ils devenir les fossoyeurs du "PS de papa" ?
Manuel Valls et Emmanuel Macron vont-ils devenir les fossoyeurs du "PS de papa" ?
©Reuters

Historique

Comme celle d’Emmanuel Macron, la candidature de Manuel.Valls secoue le cocotier politique de la gauche et pourrait inciter l’ensemble des Français à choisir la voix de la réforme libérale, contre l’incapacité du Parti socialiste à réformer le pays.

Nathalie Krikorian-Duronsoy

Nathalie Krikorian-Duronsoy

Nathalie Krikorian-Duronsoy est philosophe, analyste du discours politique et des idéologies.
 
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La récente candidature de Manuel Valls à la primaire socialiste démontre qu’une vraie hypothèse social-démocrate, par conséquent libérale en économie, soulève de puissants rejets au Parti socialiste comme dans toute la gauche.

A entendre les propos élogieux de la ministre de l’Ecologie Ségolène Royal sur la dictature bolchévique à Cuba, suite à la mort du héros gaucho-nationaliste Fidel Castro (1), on comprend bien que la moindre réforme vaguement libérale demeure en France un immense "défi", comme l’écrit si justement le philosophe Luc Ferry dans deux remarquables chroniques du Figaro dont je recommande la lecture, à qui veut, par la déconstruction des enjeux politiques actuels, comprendre l’état social de la France.

Car en effet : "Sans une forme d’union nationale, nous irons à nouveau dans le mur" (2). Cependant, "ce sont des passions hélas négatives et fort anti-libérales qui dominent aujourd’hui, l’espace public…" (3)

A écouter Benoît Hamon, l’hériter des 35 heures aubrystes muries dans l’utopie de la mort du travail, proposer qu’on achève l’activité en même temps que la pauvreté via un revenu minimum faisant de l’Etat-Providence, pourtant déjà moribond, le grand fossoyeur d’une nation entière, on comprend bien qu’au Parti socialiste on n’a pas peur des lendemains qui chanteront des requiems sur "le structuralisme marxisant" des petits-enfants de Lénine, Trotsky, Mao, Castro sans oublier le Che et Chavez .

Et à regarder le bal peu ragoûtant des tactiques politiciennes que se livrent les actuels prétendants à la future gouvernance de la maison Parti socialiste, tous unis contre une ligne social-démocrate et républicaine, incarnée avec courage par Manuel Valls, depuis sa naissance rocardienne au socialisme des années 1980, on comprend bien que la primaire de la gauche ne porte en aucun cas sur la désignation du futur candidat à l’élection présidentielle de 2017.

L’exercice auquel s’adonnent les candidats du PS devant les Français devenus otages de ce petit jeu, hier d’alcôve, aujourd’hui ultra-médiatisé, avec Manuel Valls, Arnaud Montebourg, Benoît Hamon et le drone de combat anti-Valls, Vincent Peillon, est celui d’un congrès pour désigner l’héritier du PS, dont "le mauvais état politique" pourrait, si l’on en croit Julien Dray, idéologue-militant depuis 1983, "créer les conditions d’une défaite historique similaire à 1958". La référence a pour but d’allumer tous les feux rouges au PS : la gauche de l’époque n’étant sortie que partiellement du marasme de 1965 par le leadership naissant de François Mitterrand.

Sauf que la crise actuelle, remontant selon moi aux années 1980, est bien plus grave que politique, qui oppose archaïques contre modernes. C’est aussi une crise de la déliquescence morale : affaire Cahuzac, déchéance de la nationalité avortée, et surtout une crise idéologique : diversitaires contre laïques, bolchéviques contre démocrates, ou "jeunes loups de cabinets ministériels" contre caciques militants trotskistes toujours à la manoeuvre, et n’ayant pas peur de la baston.

Cette référence historique aux deux dernières décennies du XXème siècle, à laquelle je renvoie les lecteurs, est essentielle. Son analyse éclaire, en effet, non seulement l’histoire des familles politiques de la gauche, mais surtout l’orientation globale de la vie sociale, intellectuelle et morale de la France comme l’ensemble des politiques conduites dans notre pays, y compris par la droite, depuis cette date, jusqu’à aujourd’hui.

De ce point de vue, je crois que nous vivons, avec l’effondrement politique de la gauche, dont l’origine est selon moi idéologique, une période inédite ayant de fortes chances de conduire à un dépassement du constat fait par Luc Ferry lorsqu’il écrit : "une large majorité de Français reste résolument hostile à toute espèce de réformes libérales" (4).

Car ce dernier quinquennat, aussi pitoyable et déloyal qu’il fut, me paraît avoir produit, dans la mentalité du pays, l'une de ces accélérations de la conscience collective dont seule l’Histoire a le secret.

Cette prise de conscience collective, dont les quatre millions de participants à la primaire de la droite nous ont donné un avant-goût, tient pour l’essentiel à trois facteurs :

  1. 1) Une paupérisation globale du tissu social majoritaire qui comprend, outre 3,5 millions de chômeurs, un abaissement généralisé du niveau de vie que le quinquennat hollandais, faute d’avoir la moindre politique nationale, a étouffé par l’impôt sans relancer les investissements, signant du même coup l’acte de décès de feu l’Union de la gauche mitterrandienne, l’acte de naissance remontant à l’année 1974.

  2. 2) L'expérience nationale de la faillite d’un Etat désincarné depuis que la providence ne le soutient plus, entraînant le délabrement de la puissance publique dans tous les domaines régaliens : police, école, hôpitaux, transports, où pourtant celle-ci est, depuis 1789, censée exercer sa Loi.

  3. 3) Une crise culturelle majeure, globale, que l’ensemble de la nation a vécu dans sa chair, par les tragédies sans précédent d’attentats terroristes d’une nature nouvelle, dont l’idéologie met en cause nos valeurs fondatrices et qui ont montré que la France, perdue dans une Europe dépourvue de frontières politiques, intellectuelles et morales, mettait son existence physique en danger.

Depuis Vichy, les gauches politiques, par calcul électoral et par idéologie, autant que les gauches intellectuelles, par idéal aussi, ont transmis à la société, avec d’autres passions négatives, la honte d’être une nation et d’être française, alors même que notre pays demeure, par son système politique original, démocrate et républicain, l’unique modèle en Europe, et sans doute dans le monde, capable d’apporter des réponses positives aux grands défis du XXIème siècle.

De retour de Saint-Chamond, ville moyenne typique, devenue par la force de la révolution mondiale de l’économie, comme Saint-Etienne sa voisine, la périphérie pauvre de Lyon, j’ai pu constater combien la sagesse autant que l’endurance des Français est grande. Et lorsque ni le confort quotidien, ni la paix des citoyens ne sont plus préservés, ceux-ci, contrairement à ce qu’a tenté de leur infliger l’idéal pathétique d’un quinquennat mourant, ne courbent pas l’échine, ils travaillent et ils vont aux urnes, et les urnes parleront.

A nous tous, philosophes, intellectuels et politiques de défendre avec raison, comme le font les discours et les propositions de François Fillon et auxquels il doit son actuel succès, un idéal de "passions positives". Comme l’analyse avec justesse Luc Ferry, "c’est désormais l’avenir des générations futures, celui de nos enfants, donc de l’humanité qui passe en premier, et sans réforme de fond, il est clair qu’il est compromis" (5).

(1) Voir l’excellente interview de Renée Fregosi sur le sujet

(2) "Fillon ou la défaite du populisme", Le Figaro, jeudi 24 novembre 2016

(3) "Le défi Fillon", Le Figaro, jeudi 8 décembre 2016

(4) "Le défi Fillon", idem

(5) "Le défi Fillon", idem

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