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Election du prêtre Michel Deneken à la Présidence de l'Université de Strasbourg : l'expression des dérives de la laïcité ?
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Vraie laïcité

Élu ce mardi 13 décembre à la tête de l'université de Strasbourg, Michel Deneken est professeur de théologie et prêtre. Ce dernier point lui a valu de sévères attaques au nom de la laïcité.

Bertrand Vergely

Bertrand Vergely

Bertrand Vergely est philosophe et théologien.

Il est l'auteur de plusieurs livres dont La Mort interdite (J.-C. Lattès, 2001) ou Une vie pour se mettre au monde (Carnet Nord, 2010), La tentation de l'Homme-Dieu (Le Passeur Editeur, 2015).

 

 

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Les violentes attaques dont a été victime Michel Deneken, à la suite de son élection à la présidence de cette université ainsi que les pressions exercées par le Snes, l’Humanité et Mediapart afin qu’il retire sa candidature, sous prétexte qu’il est prêtre catholique, sont révélatrices des dérives que peut provoquer un certain rapport à la laïcité. 

1) D’abord, l’ignorance. L’Alsace vit depuis 1802 sous un régime concordataire qui fait que la religion est enseignée à l’école et que les ministres des quatre cultes reconnus sont salariés par l’État. Qu’un prêtre comme Michel Deneken soit président d’une université n’a rien de choquant, le fait d’être prêtre et fonctionnaire de l’État étant depuis longtemps reconnu en Alsace. 

2) Ensuite, l’inconséquence. Durant près de huit années Michel Deneken a été vice-président de son université. Durant huit ans son statut de vice-président et de prêtre catholique a été admis. Comment se fait-il que soudain il apparaisse comme scandaleux ? 

3) Le fantasme. Lorsque la Révolution s’est installée, les révolutionnaires ont eu peur du retour de l’ordre ancien. Aussi ont-ils vu dans les nobles et le clergé des adversaires potentiels qu’ils se sont empressés de guillotiner. En déclarant impossible le faut d’être président d’université et prêtre les adversaires de Michel Deneken sont manifestement dans le fantasme en s’imaginant que celui-ci va profiter de ses fonctions pour fomenter un complot contre la République. D’où leur zèle à le chasser au nom de la purification laïque et républicaine. 

4) La confusion idéologique. Il existe actuellement en France une confusion à propos de la laïcité consistant à confondre la séparation de l’Église et de l’État avec la séparation de la religion et de la société. Quand la société décide d’être religieuse ou pas, cela ne regarde pas l’État mais la société. Et la laïcité consiste, quand on est l’État, à respecter ce que veut la société en la matière. Or, aujourd’hui, quand quelqu’un exprime un point de vue religieux, il est devenu courant de voir là une atteinte à la laïcité. Ce qui est un contre sens, l’atteinte à la laïcité consistant à vouloir faire taire toute opinion religieuse et non à permettre à celle-ci de s’exprimer.

Cette confusion consistant à appeler laïcité le fait pour la religion de se taire et de disparaître n’est pas un hasard et c’est le cinquième point qu’il convient de souligner : 

5) L’abus. Depuis les Lumières et notamment Voltaire et Condorcet il existe un courant idéologique puissant dans la société française et européenne consistant à appeler liberté la laïcité et fanatisme la religion. Résultat : impossible dans cette perspective de pouvoir concilier religion et laïcité. Si l’on veut être laïque il n’y a qu’une issue : être athée ou se taire. 

Si Michel Deneken était un blasphémateur notoire à l’encontre de la religion et les prêtres en n’hésitant pas à être obscène pour cela, nul doute que sa nomination en tant que président de l’université de Strasbourg aurait été saluée comme une indéniable victoire du progrès et de la démocratie. En revanche, le fait qu’il est prêtre et président d’université est ressenti comme un blasphème, une obscénité et une régression. 

Nous pensons vivre aujourd’hui dans un monde laïque qui a séparé l’Église et l’État. Ce n’est pas vrai. Nous vivons dans un monde qui réprime l’Église au nom de l’État et ce parce que si la République a aujourd’hui séparé l’Église de l’État elle n’a pas séparé l’athéisme de l’État. Le fera-t-elle un jour pour arriver à une vraie laïcité ? Si tel est le cas il faudra qu’elle aille puiser quelques leçons de laïcité dans son passé chrétien qu’elle s’acharne à étouffer. Elle y découvrira alors que la laïcité renvoie au peuple et non à la liberté de ne pas croire et que le peuple est synonyme de l’action par opposition à l’Église qui est le temps de la contemplation. Pensons la vie comme temps de l’action avec le peuple et temps de contemplation avec l'Église. On réconcilie la laïcité avec la religion et la religion avec la laïcité. Pensons à l’inverse la laïcité comme la liberté de ne pas croire. On ne connaîtra jamais la paix mais la guerre et la laïcité ne pourra jamais exister. 

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