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En continuant d'afficher un discours de naïveté, et donc de déni, ils ne font que renforcer leurs opposants. Il ne reste qu'une seule issue, la reprise en main du système pour servir le bien commun.
En continuant d'afficher un discours de naïveté, et donc de déni, ils ne font que renforcer leurs opposants. Il ne reste qu'une seule issue, la reprise en main du système pour servir le bien commun.
©Reuters

Culture du déni

Toujours très ancrés dans un modèle dépassé, nos responsables politiques peinent à envisager et comprendre l'évolution du monde. A échéances très régulières, ils font preuve de leur déconnexion totale avec les populations qu'ils prétendent représenter et gouverner.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Nicolas Bouzou

Nicolas Bouzou

Nicolas Bouzou est économiste et essayiste, fondateur du cabinet de conseil Asterès. Il a publié en septembre 2015 Le Grand Refoulement : stop à la démission démocratique, chez Plon. Il enseigne à l'Université de Paris II Assas et est le fondateur du Cercle de Bélem qui regroupe des intellectuels progressistes et libéraux européens

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Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Atlantico : Dans quelle mesure toutes les "croyances" auxquelles se réfèrent les responsables politiques (l'Europe, l'État-providence, la circulation des capitaux et des personnes, le libre-échange, l'association automatique entre avancée technologique, scientifique et progrès économique, etc.), ne décrivent-elles plus le monde dans lequel nous vivons ? Quand ce décalage entre ces croyances et les mutations sociales à l'œuvre a-t-il commencé à prendre forme ?  Comment expliquer que les responsables politiques soient à ce point dans le déni ?

Nicolas Goetzmann : Si l'on souhaite être optimiste, en prenant comme hypothèse de départ le fait que les responsables politiques ont bien pour objectif le bien commun, il peut apparaître que les "croyances" du libre-échange, de la mondialisation, du progrès technologique etc…ont été sincèrement vues, au cours de ces dernières années et plus largement au cours de ces trois dernières décennies, comme les outils les plus efficaces pour servir l'intérêt général. Or, en consacrant leurs efforts à la mise en place de ces "moyens", il semble bien que l'objectif d'intérêt général ait été oublié. C'est ainsi que les outils sont devenus des dogmes forgés par la polarisation politique, entre les "pour" et les "contre", mais sans prendre en compte une analyse fine des résultats.

Or, et la mondialisation en est le meilleur exemple, une grossière erreur a été commise. La mondialisation de l'économie, dont le moteur le plus puissant fut l'entrée de la Chine dans l'OMC à la fin de l'année 2001, a bien eu pour effet une forte réduction de la pauvreté au niveau mondial. Mais ce résultat n'est pas vrai à l'échelle de tous les pays, car les classes moyennes occidentales en ont largement payé le prix, soit par le chômage, soit par la précarisation de leur situation. Les bienfaits de la mondialisation se sont répartis entre les plus pauvres (en Chine majoritairement) et les plus riches (Les classes supérieures aux États Unis et en Europe). Ainsi, ce qui peut être défendu comme un bon résultat "en moyenne" masque la réalité des pays occidentaux, avec des classes moyennes fragilisées et de classes populaires brisées par cette vague. 

Ce mouvement de libéralisation du monde, aussi bien en ce qui concerne les personnes, les capitaux, que les biens, a finalement largement ignoré un détail ; la démocratie. Parce que l'échelon de la démocratie n'est pas celui de la mondialisation, et le raisonnement en "moyennes" ne tient plus. La réalité au sein des démocraties occidentales est une économie toujours plus dure, ou la pression sur les salaires est orientée à la baisse et ou toute notion de sécurité a été oubliée. C'est une compétition maximale. Le résultat, c'est le non au référendum de 2005, c'est le vote du Brexit, et le vote pour Donald Trump. 

Le problème posé aux politiques est d'affronter cette contradiction. Comment expliquer aux populations que les remèdes proposés depuis 30 ans ont fait de nombreuses victimes, et ce, sans remettre tout le processus en cause ? Comment ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain tout en reconnaissant que les résultats obtenus ne sont que la conséquence de la naïveté des responsables politiques à l'égard des réformes qu'ils ont eux-mêmes mis en place ? En continuant d'afficher un discours de naïveté, et donc de déni, ils ne font que renforcer leurs opposants. Il ne reste qu'une seule issue, la reprise en main du système pour servir le bien commun. Cette voie est étroite, mais elle existe. Elle suppose une mondialisation régulée de façon pragmatique par la classe politique. 

Nicolas Bouzou Ces croyances pourraient décrire le monde dans lequel nous vivons. Cependant, beaucoup d'hommes politiques s'en sont affranchis, au moins partiellement. Reprenons un des exemples que vous avez cités : l'automaticité du lien entre progrès technologique et progrès économique. Tant au sein des classes intellectuelles que des classes politiques, il apparaît que plus personne n'y croit aujourd'hui. Chacun voit bien qu'au mieux ce lien doit être fabriqué par des mesures qui sont du domaine du politique. Cette automaticité du lien est un vieil héritage des Lumières qui s'est fracassé sur la Première Guerre mondiale ainsi que sur les crises morales, sécuritaires et économiques du 20e siècle. Il est tout à fait possible, à mon sens, de reconstruire ce lien à l'aide du politique. Toutefois, ce n'est pas du même ordre que la question de la fin des classes moyennes. Cette question est une question difficile. Pour des raisons, qui sont beaucoup plus liées aux technologies qu'à la mondialisation nous sommes entrés dans un monde dans lequel on a durablement un rétrécissement des classes moyennes. Notre société se structure désormais comme un sablier. Cela suggère des politiques publiques qui soient repensées différemment. Pour reprendre un exemple très concret dans notre monde de sociétés en sablier, il me semble qu'il faut absolument que nous redonnions du contenu opérationnel à la notion de justice telle qu'elle est définie par John Rawls en 1972 dans son ouvrage sur la théorie de la justice. Cela correspond à ce que l'on appelle l'ascenseur social. Cela pose des questions de flexibilité, de formation, d'aides financières aux perdants de la destruction créatrice schumpétérienne.

Il faut repenser nos politiques économiques en fonction d'un monde et d'un environnement qui n'est plus le même que celui des Trente Glorieuses. La crise de 2008 a signé la fin des Trente Glorieuses.

Quant aux responsables politiques, je ne sais pas s'ils sont dans une forme de déni ou de méconnaissance, d'incompréhension des mutations à l'œuvre. Le rétrécissement des classes moyennes s'explique par l'articulation entre la mondialisation et le progrès technique (innovation). Aujourd'hui, nous faisons face à une vague d'innovation extrêmement puissante dans le monde entier (numérique, nanotechnologies, robotique, intelligence artificielle, biologie moléculaire, etc). Or, pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, cette vague d'innovation est mondialisée. Durant la Renaissance ou au 19e siècle, ce n'était absolument pas le cas. À l'époque, la vague demeurait assez circonscrite géographiquement. Aujourd'hui elle est pratiquement complètement mondialisée, et qui par conséquent est d'autant plus puissante. Elle se traduit par des destructions de l'emploi au milieu de l'échelle. Nous créons beaucoup d'emplois très qualifiés, ainsi que de nombreux postes très peu qualifiés. Les métiers qui ne peuvent pas être supprimés par la technologie sont situés soit tout en bas, soit tout en haut de l'échelle. Notre société est donc nécessairement plus inégalitaire.

Dans quelle mesure l'accroissement des inégalités a-t-il causé un phénomène de repatrimonialisation ? Dans quelle mesure le fait que seul le patrimoine puisse garantir la sécurité est-il révélateur du malaise dans nos sociétés ?

Nicolas Goetzmann : Ce que l'on constate aujourd'hui est qu'une vie de travail ne permet plus, comme cela était le cas jusqu'à la fin des années 80, de créer un patrimoine. Les revenus des classes moyennes et populaires des nations occidentales ont globalement stagné, voire décliné au cours de ces dernières décennies, alors que les prix des logements ont progressé de manière fulgurante. Cet effet ciseau rend totalement vain tout discours sur la "valeur travail".  D'un point de vue macroéconomique, ce phénomène s'explique très bien par la pression désinflationniste qui a été mise en place depuis le début des années 80. L'inflation de la fin des années 70 et du début des années 80 avait eu pour conséquence de mettre le pouvoir de négociation du côté des salariés, et ce, de façon disproportionnée. Ce phénomène s'est totalement retourné depuis lors. Désormais, c'est le capital qui a complètement la main. D'une part, les taux de chômage élevés permettent de mettre une grosse pression sur les salaires, et de profiter aux revenus du capital. D'autre part, les faibles perspectives de croissance poussent les acteurs économiques à investir vers des valeurs sures, comme l'immobilier (poussant les prix à des sommets). Une économie de rente se met progressivement en place et la fracturation de la société se poursuit.

Politiquement, cette notion a de l'importance en France puisque la droite de François Fillon a été accusée d'être une droite "patrimoniale". En l'occurrence, il s'agit notamment de retraités pouvant détenir un patrimoine, essentiellement immobilier, et qui ont pu profiter, soit de la période inflationniste, soit de la première partie de la désinflation, soit des deux. Mais pour ceux qui sont entrés dans la vie active dans les années 2000, la perspective de devenir propriétaire s'est progressivement éloignée, avec des prix toujours plus élevés, et des salaires de moins en moins satisfaisants. 

Alors que les démocraties libérales sont vieillissantes, et que le poids électoral des retraités est de plus en plus marqué, il devient périlleux pour la classe politique de remettre en cause ce système. La fracture inégalitaire est aussi une fracture générationnelle. La difficulté n'est pas de comparer les efforts de telle ou telle génération pour savoir qui mérite quoi, cela serait absurde, mais de mettre en évidence le fait que les conditions n'ont pas été les mêmes pour tout le monde, pour en arriver à une solution d'équilibre. Il ne s'agit pas de prendre aux vieux pour donner aux jeunes, il s'agit d'équilibrer le rapport de force entre capital et travail. C'est là encore un enjeu macroéconomique, qui suppose une réorientation européenne. 

Nicolas Bouzou Comme un certain nombre de personnes (les classes moyennes) s'inquiètent quant à l'évolution de leurs revenus futurs, elles s'accrochent à leur patrimoine. Le patrimoine, pour les actifs tout particulièrement, devient plus que jamais une sorte de réassurance par rapport aux mouvements du monde.

Même pour ceux qui ont des revenus corrects, ce problème existe. Beaucoup de métiers qui génèrent de bons revenus vont disparaitre. C'est notamment le cas, par exemple, du métier d'expert-comptable. Bien sûr, ces métiers ne disparaîtront pas en totalité, mais ils demeurent soumis à cette pression.

Le patrimoine c'est ce qui reste en dernier lieu quand tout le reste a disparu. C'est pourquoi c'est si important pour beaucoup de gens.

Comment sommes-nous passés d'une société où les classes sociales avaient disparu et où les classes moyennes étaient le pivot central, à une érosion des classes moyennes ? Quelles sont les différentes mutations ayant conduit au déclin des classes moyennes ? A quelles difficultés sont-elles confrontées ?

Nicolas Goetzmann : La mondialisation est perçue comme la cause principale, mais il me semble que c'est lui faire trop d'honneur. La mondialisation a eu cet effet destructeur sur les moyennes et populaires des nations occidentales parce qu'elle est intervenue dans ce processus de désinflation qui en est arrivé à une sorte de fondamentalisme. C'est du moins le cas en Europe, qui a continué de se battre contre l'inflation alors que celle-ci avait disparue, ce qui a provoqué le contexte déflationniste que l'on voit depuis 2008. Dans un tel contexte, le travail ne vaut plus rien, et le capital rafle toute la mise. Parce que tous les facteurs exogènes comme la mondialisation et le progrès technologique viennent renforcer la tendance. Ce phénomène a aussi eu lieu aux États-Unis, mais avec un peu moins de force. Les périodes de plein emploi ont été rares au cours des 30 dernières années aux États-Unis, mais elles ont au moins existé. Deux combats sont en jeu. Le premier est celui d'une croissance forte, et c'est la voie prise par les États-Unis depuis 2010, mais le niveau de redistribution est si faible dans le pays, que cette croissance a eu un effet d'accroissement des inégalités. A l'inverse, l'Europe est "équipée" avec un modèle social plus égalitaire, mais l'Europe n'a pas de croissance pour l'alimenter. Les résultats sont donc décevants sur les deux continents. Mais l'Europe a les moyens de prendre un chemin novateur, alliant croissance forte et efficacité de l'État Providence. 

Nicolas Bouzou Comme je vous l'indiquais, c'est en raison de l'articulation de la mondialisation et du progrès technique. Ce n'est évidemment pas que le fait de la mondialisation. On a un mouvement de destruction créatrice (dont on parlait plus haut, qui est lié à l'innovation. Ce mouvement détruit des emplois et réduit les revenus au milieu de l'échelle sociale. C'est intimement lié à ce que Marx appelait l'infrastructure de l'économie. Ce mouvement prend ses racines dans la technologie et dans l'économie.

Quel pourrait être le coût pour la démocratie de ce décalage entre la description périmée du monde par les responsables politiques, et la réalité du monde telle qu'elle est perçue par les citoyens ?

Nicolas Goetzmann : Bien entendu, le coût pourrait être une remise en cause totale du système, et ce, de façon parfaitement démocratique. En finir avec le libre-échange, en finir avec l'Europe etc... c'est à dire sacrifier l'ensemble d'un processus qui a le potentiel de profiter à chacun, mais dont les "solutions" semblent échapper au personnel politique. Parfois par idéologie, parfois pour servir une clientèle électorale.

L'autre possibilité est un total verrouillage politique, qui pourrait se traduire par exemple par la mise en place de contraintes fortes sur les politiques nationales des pays européens. C'est un peu le sens de ce qui est parfois proposé par le ministre allemand des finances, qui voudrait mettre sous tutelle les politiques budgétaires de chaque pays, avec toujours plus de contraintes.

Au niveau européen, ces deux solutions nivelleraient l'ensemble par le bas. L'unique solution "heureuse" pour l'Europe serait une reprise en main de l'ensemble, et visant à la mise en place de solutions dédiées à l'intérêt général. Une Banque centrale dédiée au plein emploi et un modèle social qui protège sont les deux réponses essentielles à un tel projet. Une croissance forte appuyée par une redistribution satisfaisante. 

Nicolas Bouzou Le coût serait énorme. Comme je le montre dans mon dernier livre L'innovation sauvera le monde, toutes ces périodes ont vu à la fois une montée du nationalisme et une montée du fondamentalisme. On a constaté ça sous l'antiquité, mais aussi sous la Renaissance. Florence, qui était la ville la plus riche de cette période, a mis Jérôme Savonarole au pouvoir, un fondamentaliste chrétien. Le 19e siècle a été un siècle de montée du nationalisme et du terrorisme, ce qui s'est traduit par l'assassinat du président de la République, Sadit Carnot, en 1894.

Ce sont des périodes de très grande fragilisation de la démocratie parce que la société se déstructure. La montée du nationalisme est évidente aujourd'hui. Brexit, Trump, Marine Le Pen… tout cela fait office d'exemple. Les progressistes libéraux de centre-droit centre-gauche, pour se protéger contre la perte de la démocratie libérale doivent défendre cette démocratie libérale, en faire la pédagogie, dénoncer les problèmes et montrer comment les résoudre. Il faut remettre en place l'ascenseur social. Au fond, il n'est pas très grave qu'il y ait de plus en plus de pauvres et de plus de riches à partir du moment où l'on donne la capacité aux pauvres de devenir riches.

A échéances très régulières, nos politiques illustrent leur déconnexion totale avec les populations qu'ils prétendent représenter et gouverner. Peut-on dire des élites françaises qu'elles ne pensent plus le monde aujourd'hui ? De quand date ce changement et d'où vient-il ?

Eric Verhaeghe :Pour répondre à vos questions, il suffit de faire un petit sondage autour de vous, surtout si vous connaissez des hauts fonctionnaires. Demandez-leur comment ils s'informent. D'une manière générale, leur canal privilégié est celui de la presse écrite, de la bonne vieille presse papier. Demandez-leur ensuite d'effectuer une recherche simple sur Google, et vous vous apercevrez qu'ils ont une maîtrise très approximative de cet outil. En réalité, la révolution numérique se fait dans le dos des élites françaises. Celles-ci restent très accrochées aux outils de leur jeunesse glorieuse, et ont oublié de se former au nouveau monde qui arrive. Ne cherchez pas ailleurs les raisons de leur déconnexion. La circulation du savoir et de l'information passe désormais par des canaux que l'élite ne comprend pas et dont l'élite se méfie profondément. Dans ces conditions, l'inévitable arrive. Nous assistons à l'émergence d'une nouvelle culture avec de nouveaux codes, de nouvelles références, de nouvelles façons de partager le savoir, qui sont autant de remises en cause des socles sur lesquels l'élite française est construite. Forcément, nous assistons à une confrontation directe. 

Quels sont les domaines dans lesquels nos hommes politiques sont les plus déconnectés ? Dans quelle mesure s'agit-il d'une situation historique et quel peut-être son impact ?

Eric Verhaeghe : En dehors de la technologie que j'évoquais, les hommes politiques ne comprennent rien au nomadisme tribal qui domine aujourd'hui dans la culture des générations montantes. Après des siècles de rationalisme froid, de référence à Descartes et à Platon, la jeunesse française met le cap sur d'autres modes de pensée. Cette évolution est là aussi dictée par la technologie, qui suppose la coopération, l'interaction, le partage, le réseau social en quelque sorte. Or, le réseau social est fondamentalement affinitaire. Le monde contemporain s'organise par affinités, par tribus. Je suis assez frappé par le nombre de jeunes qui, par exemple, contestent discrètement l'égalité entre les races ou l'universalité de l'humanité. Une vision du monde différente a pris place, sans le dire, et sans tambours ni trompettes. Mais, incontestablement, un jeune de vingt ans connaît moins de tabou sur la notion de race, ou d'ethnies, ou de différences ethniques, que ce que leurs aînés ont pu penser ou s'interdire de penser. C'est pourquoi, sur les questions d'Islam ou d'immigration, le discours dominant passe à côté de la plaque. L'époque où il fallait exalter l'identité humaine est passée. Sur les traces du "vivre ensemble", la reconnaissance des différences est beaucoup plus naturelle aujourd'hui. L'idée de la mixité a cédé la place à l'idée d'une sorte de coexistence côte-à-côte, pacifique, certes, mais distincte. 

S'il existe un point commun entre tous aujourd'hui, il tient surtout à l'idée que le travail n'est plus une valeur fondamentale, et que le bien-être individuel prime la production collective. Là encore, les élites sont passées à côté du phénomène. 

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